Hypocrisie et corruption, mamelles des classes politiques délinquantes

Quel festival mes amis, depuis l’arrivée du raz de marée du ras le bol des populations en Tunisie, Egypte, Algérie, Emirats, Libye, etc.  sous le regard médusé – voir inquiet – de notre racaille politicienne qui ne sait plus comment cacher ses relations plus ou moins inavouables avec ces anciens régimes “amis”. Certes, la realpolitik est toujours de mise et il faut bien composer avec les régimes quels qu’ils soient, peu importe les valeurs que l’on est censé défendre, mais la rapidité du retournement de situation que nous vivons depuis quelques semaines prend à contre-pied les ritournelles bien huilées de nos communicants et illumine férocement le décalage entre le discours “d’après” saluant les révolutionnaires et la réalité “d’avant” toute de promiscuité avec ces régimes autoritaires et corrompus.

Je ne reviendrai pas ici sur le vaudeville parisien ayant pour acteurs principaux MAM et Fillon et pour décors les palais des milles et une nuits d’Egypte et de Tunisie, si ce n’est pour dire que si le ridicule tuait on aurait le choix pour l’extension du Père-Lachaise entre l’Elysée, Matignon et le Quai d’Orsay. Comme tout vaudeville, il y a un message derrière les bouffonneries et le message est clair: l’hypocrise et la corruption sont des valeurs partagées par l’ensemble des classes politiques délinquantes, classes reconnaissables à deux caractéristiques opérationnelles essentielles: l’autoritarisme et la privatisation du bien public.

L’autoritarisme est facile à déceler, il se signale principalement par la réduction des libertés individuelles au nom de l’ineffable “sécurisation” et cherche à enfermer le citoyen dans un cercle de production-consommation matérielle plutôt qu’à lui permettre de se développer et de s’émanciper. L’autoritarisme crée et utilise la peur de tout pour tout justifier, même la peur de sa propre disparition (genre: la chute d’Untel déstabiliserait la région…). La dénonciation du tout sécuritaire est évidemment un des axes de ce blog, avec par exemple “Pour une alternative au tout sécuritaire“, “Le terrorisme selon Europol” ou ces billets sur LOPPSI2.

La privatisation du bien public, plus exactement l’utilisation à fins privées ou l’appropriation du bien public par des entités très proches du pouvoir politique, a été notamment dénoncée par l’économiste James Galbraith dans “L’Etat Prédateur“. C’est une forme de corruption dans laquelle les bénéficiaires utilisent leur pouvoir politique et législatif pour imposer des décisions qui les avantagent, généralement au détriment du bien commun. Ce que l’on peut assez bien résumer par un seul mot: ploutocratie. C’est les voyages en Tunisie de MAM par exemple mais plus proche de nous l’intervention illégitime de la police au profit des “élites” ou encore la manipulation sanitaire pour vendre des produits pharmaceutiques par une ministre très proche des laboratoires. Sans parler des conflits d’intérêt au sein même de la famille Sarkozy ni de l’affaire Woerth-Bettencourt.

Mais même si elle fait aujourd’hui figure de caricature, la France n’est pas la seule à souffrir de cette pourriture, loin s’en faut. On peut avoir un aperçu du niveau himalayen de l’hypocrisie de Hillary Clinton lors d’un discours à l’Université George Washington sur les évènements récents dans lequel elle prône, évidemment, le droit à manifester alors qu’au même moment et juste devant elle un manifestant silencieux – Rey McGovern, un ancien de la CIA qui l’avait conseillée en vain de voter contre l’invasion irakienne de W. Bush – se fait molester et embarquer par les flics, sans qu’elle fasse mine de s’en apercevoir. Voir la vidéo présentée par James Corbett:

http://blip.tv/play/AYKluGAC

La seule chose dont on peut être raisonnablement sûr aujourd’hui, en matière politique, c’est que les classes délinquantes, autoritaires et prédatrices ont infiltré le pouvoir politique de nombreux pays dits démocratiques. Les lobbys de la finance, des armes, du pétrole, de l’agrobusiness (OGM en tête), de la pharmacie tirent les ficelles d’un théâtre mondial au sein duquel nos grands élus et technocrates, professionnalisés donc avant tout soucieux de leurs carrières, jouent des coudes sans prendre de risques en attendant l’opportunité de se vautrer eux aussi dans les délices de la politique self-service.

Il faudra bien un jour prendre le taureau par les cornes, soit en sapant “l’autorité publique” délinquante pour qu’elle s’effondre d’elle-même, soit en la renversant. A moins de se contenter du spectacle en se disant que ça pourrait être pire, jusqu’au jour où le pire arrive au son des bottes de cuir martelant le trottoir matinal.

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

10 réponses

  1. […] J’ai déjà parlé de l’inapplicabilité du modèle Ricardien dans ce billet sur l’économie sociale. Selon le fameux diction qui dit que le pouvoir corrompt, et que le pouvoir absolu corrompt absolument, cette mainmise affairiste entraîne une délinquance de la classe politique portée au pouvoir par ces mêmes affairistes au travers d’un financement massif (voir en France l’affaire Woerth-Bettencourt) et du contrôle médiatique, notamment.  J’ai un peu analysé cette corruption décomplexée dans ce billet intitulé “Hypocrisie et corruption, mamelles des classes politiques délinquantes“. […]

  2. […] J’ai déjà parlé de l’inapplicabilité du modèle Ricardien dans ce billet sur l’économie sociale. Selon le fameux diction qui dit que le pouvoir corrompt, et que le pouvoir absolu corrompt absolument, cette mainmise affairiste entraîne une délinquance de la classe politique portée au pouvoir par ces mêmes affairistes au travers d’un financement massif (voir en France l’affaire Woerth-Bettencourt) et du contrôle médiatique, notamment. J’ai un peu analysé cette corruption décomplexée dans ce billet intitulé “Hypocrisie et corruption, mamelles des classes politiques délinquantes“. […]

  3. […] Je suis écoeuré par la tribune populiste et démagogique qu’arpentent à grands pas les Sarkozy et autres Guéant sur le dos des victimes des attentats de Toulouse et Montauban.   “Ca aurait pu se passer ici” dit ce matin, la voix sombre et travaillée,  un Sarkozy surfant sur la vague du traumatisme et enfonçant le clou devant un parterre d’élèves qui n’avaient sûrement pas demandés à être là. Ce temps de parole est-il comptabilisé par le CSA? De même, Guéant se pavane à l’école Ozar-Hatorah et explique que le niveau écarlate du plan Vigipirate est bien sur mis en oeuvre pour notre sécurité. Des milliers de flics armés quadrillant l’espace public, chauffés à blancs par l’odeur du sang et, sans doute, la promesse tacite qu’on insistera encore moins que d’habitude sur les éventuels abus de pouvoirs et matraquages gratuits, il paraît que cela rassure le peuple. Moi, cela ne me rassure pas. D’autant moins que ce niveau Vigipirate écarlate a pour objectif officiel, notamment, de garantir la continuité de l’action gouvernementale… Un activiste politique averti en vaut deux: désormais c’est en toute légalité que les policiers peuvent vous casser la gueule et vous jeter en tôle sans autre forme de procès, vu que vous militez pour la non-continuité de l’actuel gouvernement. Ironie à part, Tremblez braves gens, et laissez moi m’occuper du reste résonne comme un leitmotiv en cette époque où tout est prétexte à augmenter contraintes et soumission à une l’autorité que l’on sait profondément corrompue. […]

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