Suite à la décision de la Cour de Cassation d’imposer la mise en application immédiate de la présence de l’avocat lors de la garde à vue…. les syndicats de police ne sont pas d’accord, comme on peut le lire sur leur récent communiqué de presse.
Il est effectivement probable que cela mette une certaine pagaille dans le système, ce d’autant plus que ces mêmes syndicats “invitent dès à présent tous les policiers acteurs de la procédure pénale à appliquer avec une rigueur absolue les nouvelles règles « irréalistes » imposées par le législateur et l’arrêt de la cour de cassation“, autrement dit un appel à la grève du zèle. Le communiqué se termine par “Notre conception républicaine de notre mission nous incite à écarter toutes les tentatives d’interprétations hasardeuses des textes dans le but d’en pallier leurs multiples carences.”
Ce dernier paragraphe peut prêter à sourire (jaune) car la réforme de la GAV, au départ imposée par la condamnation de la France par la Cours européenne des Droits de l’Homme pour “violation du droit à une procédure équitable” tente, de manière très imparfaite sans doute, à obliger la police à respecter les règles de base du droit républicain: la présomption d’innocence, le droit au silence, l’interdiction d’obtenir des aveux par la torture. Si la police avait réellement une conception républicaine de sa mission, elle ne se vautrerait pas dans l’abus de GAV (800 000 en 2009, dont 200 000 pour délits routiers…) et ne se permettrait pas les violences qui confinent à la torture. Elle ne se permettrait pas la “recherche de la vérité” basée sur l’humiliation, les conditions d’incarcération inhumaines, les violences psychologiques et physiques – et encore moins dans le simple but de faire du chiffre. Qui sème le vent récolte la tempête, les flics ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Bien sur il y a les ordres d’en haut, mais “faire du chiffre” n’est pas un ordre qu’ils sont obligés de respecter. Alors évidemment, si un avocat vigilant est désormais présent au long de la garde à vue, ça va devenir plus difficile d’obtenir des aveux (donc faire du chiffre) par la manipulation ou par la terreur.
Cela dit cette réforme est extrêmement lourde et le bénéfice décrit ci-dessus va se payer au prix fort en termes de frais d’avocats et de problèmes de procédure dont les vrais délinquants profiteront autant que ceux qui se retrouvent en GAV pour une connerie. Une vraie réforme éradiquerait le mal à sa base, en faisant marche arrière sur tout l’arsenal de lois liberticides dont le seul et unique but est d’amplifier toujours plus le contrôle du pouvoir sur la population. Une vraie réforme n’ouvrirait les rangs de police et de gendarmerie qu’à des personnes psychologiquement aptes, formées dans l’esprit du droit et du devoir républicain, rémunérées de manière à ne pas se laisser corrompre par des primes au chiffre ou à utiliser leur toute-puissance au profit de trafics et d’intérêts particuliers. Aujourd’hui la racaille est présente à tous les échelons de la structure policière, comme on pouvait le voir récemment avec le soutien apporté par Hortefeux (alors ministre de l’Intérieur) au policiers condamnés par le tribunal de Bobigny dans une affaire de fausse accusation.
Je ne peux que faire mienne la conclusion de l’article parut en janvier dernier sur le blog de Moreas:
À mon avis, cette réforme de la garde à vue effectuéesous pression ne peut être qu’un replâtrage. Et il faudra attendre un remaniement sérieux de la procédure pénale pour que la France possède enfin un système qui préserve au mieux les droits de la défense et la dignité humaine, sans nuire au bon fonctionnement de la chaîne judiciaire.