Monnaies parallèles et désobéissance civile

Les monnaies locales / parallèles / alternatives sont un thème récurrent de ce blog et un sujet sur lequel j’ai passé pas mal de temps finalement, y ayant même consacré un petit mémoire dans le cadre d’une formation.

Les initiatives en France ne sont pas très nombreuses mais ont le mérite d’exister, au point que même le journal les Echos fit récemment un article sur la monnaie complémentaire Sol lancée à Toulouse le 6 mai dernier: “Les Toulousains peuvent acheter des sols au Crédit Coopératif et au Crédit Municipal. Le sol vaut 1 euro ou presque : l’utilisateur gagne 5 % à l’achat contre des euros et perd 5 % à la revente. Il doit aussi prendre une carte d’adhésion de 15 euros dont le produit est reversé à des associations de chômeurs. La monnaie est gérée par un comité d’agrément réunissant des entreprises du réseau, les deux banques et la mairie. La ville a injecté 120.000 euros dans le dispositif, qui a reçu des aides du Crédit Coopératif, de GRDF, de la Caisse des Dépôts, la Macif, etc. L’imprimerie municipale a frappé les billets dotés d’un code à bulles infalsifiable fabriqué par Prooftag à Montauban. Pour lancer la monnaie, la ville a donné 8 cartes de 30 sols à chaque commerçant du réseau pour qu’ils les distribuent à des « ambassadeurs ». Elle attribue aussi 30 sols par mois pendant six mois à 90 familles au chômage des quartiers en difficulté.

La notion de monnaie se trouvait également au centre d’un récent débat organisé par la FING dont on peut lire le compte-rendu sur InternetActu. J’ai eu la chance de rencontrer précédemment l’un des intervenants au débat, Patrick Viveret, lors d’une soirée organisée dans mon coin sur le thème de la richesse. Petit extrait de son intervention à la FIng: “La situation actuelle s’éclaire si on considère les grandes mutations religieuses plutôt que les problèmes spécifiquement économiques. Il faut penser la crise foncière comme étant une crise religieuse. D’ailleurs, une crise simultanée du dollar et de l’euro serait une crise civilisationnelle qui signerait la fin des Temps modernes. Surtout si on la combine avec la crise écologique. Si on s’intéresse juste au court terme, cela peut paraitre désespérant, mais avec une vision plus large on peut voir l’hypercapitalisme contemporain comme le signe de la fin d’un monde (mais pas de la fin du monde). Dans cette ultime phase de déclin, la croyance devient de la crédulité, et les clergés de plus en plus rigides. Viveret va jusqu’à comparer les programmes d’austérité contemporains aux sacrifices humains chez les Mayas… Dans la même perspective, il se demande si le “greenwashing” ou l’usage des “bons carbones” qui nous permettent de polluer en échange d’un investissement financier, ne pourraient être comparés au trafic d’indulgences dont l’abus a fortement contribué, en réaction, à la naissance du protestantisme…

Et enfin, la ville de Grigny (69) organisait aujourd’hui le forum national de la désobéissance, sujet passionnant s’il en est et dérangeant pour l’Etat au tropisme ouvertement policier qui nous men.. pardon nous protège. Voir à ce sujet l’article du juge Gilles Sainati (qui intervenait aujourd’hui à Grigny) sur Médiapart Police politique et Etat Impartial. Extrait: “Bref, nous sommes, non seulement,  face à une police politique mais  à sa version orwellienne:  une police de la pensée couverte par le secret défense…Cette triste analyse se renforce quand l’on comprend  que la DCRI regroupe inévitablement l’alliance de pratiques des    anciens renseignements généraux en lien avec les forces vives de la nation avec un contre espionnage .. Il faut noter que la DCRI est doté du fameux fichier CRISTINA classé « secret défense », qui, outre des données personnelles sur les personnes fichées, engloberait leurs proches et leurs relations.”

Le rapport avec la monnaie? Et bien “Les co-organisateurs du Forum national de la désobéissance civile qui se tiendra le samedi 8 octobre 2011 toute la journée à Grigny (Rhône), la Ville de Grigny et le Sarkophage, journal antiproductiviste des gauches, créent donc à cette occasion une monnaie de la désobéissance citoyenne : le Grigneuro.”

La monnaie, comme la parole, est d’abord un moyen d’échange. Dans un cas comme dans l’autre, l’appropriation de son contrôle par tout système ou “élite” est une action prédatrice qu’il est nécessaire de dénoncer et combattre.

 

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

6 réponses

  1. gidmoz

    @Vincent Verschoore
    Une monnaie est un bien qui sert à échanger. Ce bien a de la valeur. Il peut être de l’or ou toute autre marchandise pratique à échanger. Mais l’Etat interdit toute monnaie concurrente à la monnaie légale, sauf si cette monnaie n’est pas viable.

  2. Vincent Verschoore

    Salut gidmoz,
    Pour l’instant l’Etat laisse vivre certaines monnaies parallèles (le Sol, les abeilles, les monnaies des Sels) mais évidemment elle ne représentent aucun risque pour la domination de la monnaie officielle. La monnaie na pas besoin d’avoir de la valeur en soi, au contraire car c’est ce qui justifie la spéculation. Elle a juste besoin d’être reconnue comme une représentation de valeur légitime.

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