Montebourg ou la sortie du politiquement correct?

J’évite généralement les billets à caractère politique politicienne, mais en tant que résident de Saône-et-Loire l’occasion est sans doute trop belle. Avec 17% des suffrages au premier tour des primaires de gauche, Arnaud Montebourg a non seulement relégué Ségolène Royal à la quasi insignifiance (amusant retournement de situation par rapport à 2007, quand il était porte-parole de cette dernière), il a surtout placé au centre du débat certaines notions politiquement incorrectes que les apparatchiks et technocrates du PS (à commencer par Hollande et Aubry) ne pourrons plus balayer trop facilement sous le tapis. Genre: nettoyage des écuries (à commencer par celles des Bouches-du-Rhône), réindustrialisation allant de pair avec un certain protectionnisme, capitalisme coopératif, VIème république…

En Saône-et-Loire, les résultats partiels montrent une nette victoire pour Montebourg, l’effet “champion local” ayant évidemment joué à fond. Mais c’est aussi du à un travail de communication assez exhaustif entrepris par Montebourg notamment lors des dernières élections consulaires, et de certaines réalisation symboliques telles le combat contre l’Etat en matière de financement des collectivités et, plus prosaïquement, la reprise sous gestion directe par le Conseil Général de la ligne de bus Châlon-Cluny-Mâcon avec des tarifs on ne peut plus accessibles. La Saône-et-Loire est également à la pointe en matière d’open data, permettant au public d’accéder et d’utiliser les données statistiques territoriales.  Il a surtout réussi à convaincre pas mal de monde que sa proposition de “démondialisation”, terme épouvantail et à mon avis mal choisi pour désigner un processus de réindustrialisation locale (Montebourg parle de reterritorialiser l’économie) et donc de recréation de valeur locale avec une importante dimension écologique: produire localement ce qui est consommé localement. C’est une évidence, mais cela va à l’encontre des canons actuels de l’économie formelle qui prône l’exploitation des “avantages comparatifs” menant à l’optimisation économique. Vision qui fonctionne sur papier dans des circonstances précises (par exemple l’hypothèse totalement irréaliste de la transparence totale de l’information), mais qui de facto ne fonctionne pas dans la réalité. Tout le monde le sait, mais Montebourg est un des seuls à son niveau à l’affirmer haut et fort et – surtout – à l’intégrer dans un programme politique qui ne soit pas seulement une posture d’opposition.

Certes, il y a toujours une large marge entre ce que proposent des candidats politiques et ce qu’ils font réellement une fois installés au pouvoir. Cela ne risque pas de changer et même un Montebourg se trouverait soumit, le cas échéant, à des contraintes politiquement indépassables. L’angélisme n’est plus de mise, de même que la notion d’homme providentiel qui mène le plus souvent à la gestion mafieuse et despotique – voir Bush, Poutine et Sarkozy. Mais de ce constat en découle un autre, qui est que ceux ou celles qui ne proposent pas grand chose n’auront aucune difficulté à ne rien faire du tout, et c’est bien ce qui m’inquiète avec les deux têtes du dernier scrutin: le pseudo-mitterandisme tout à fait intégré à l’establishment de l’un et le technocratisme  pseudo-combatif de l’autre n’augurent rien de très constructif: quelques aspects cosmétiques d’un côté (“Nous avons un avenir à changer”, qui n’a pas dit cela avant des élections…) et le remplacement des flics fascistes par des flics stalinistes de l’autre (la gauche dure). Bof.

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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