Feuillet précédant Introduction
Troisième partie : Le doute en action (suite et fin)
Moyens mis en œuvre
Le blog Ze Rhubarbe Blog
En 2008, récemment abonné au nouveau journal en ligne Médiapart, de découvrais la partie « Club » du journal au sein duquel tout abonné pouvait lancer un blog personnel, qui serait visible par n’importe qui mais que seuls les abonnés à Médiapart pourraient commenter.J’y créais donc un blog intitulé Ze Rhubarbe Blog, que j’alimentais assez régulièrement jusque mi-2010 et nettement moins depuis. J’étais également, les deux premières années, un ardent contributeur à cette plateforme, commentant de nombreux articles et blogs, participants à des conversations parfois très intéressantes en ligne, jusqu’à arriver à un sentiment de tourner en rond, de toujours revenir sur les mêmes discours et l’envie de passer mon temps en ligne à fair autre chose. M’étant rendu compte que la liberté d’expression sur une telle plateforme était limitée du fait du droit de censure de la Rédaction, je créais en mai 2010 un blog indépendant sous l’outil WordPress et hébergé sur Yahoo aux USA. Également baptisé Ze Rhubarbe Blog, son adresse web est www.zerhubarbeblog.net. C’est depuis lors mon blog principal, dont certains articles sont recopiés sur le blog Médiapart, sur Agoravox et, un temps, sur le site « LePlus » du NouvelObs.
J’ai publié à ce jour 462 articles sur Ze Rhubarbe Blog, dont les principaux mot-clés sont les suivants :
Mot-clé |
Nombre de billets contenant ce mot |
Liberté d’expression |
31 |
VIH / SIDA |
29 |
Police / Education populaire / Univers / USA |
23 |
Monnaie locale |
19 |
ESS / France |
17 |
Europe / Internet |
16 |
Quantique |
15 |
ACTA |
14 |
11 septembre 2001 |
13 |
Pharma / Wisconsin |
12 |
Euro / Tunisie |
11 |
Sans compter mes réponses, environ 500 commentaires ont été postés sur le blog, ce qui est très peu relativement au nombre de commentaires reçus sur les plateformes participatives (Médiapart et Agoravox). Côté fréquentation, Ze Rhubarbe Blog oscille entre 2000 et 4000 « hits » par mois. Ce qui ne veux évidemment pas dire autant de lecteurs, de nombreux hits étant liés aux moteurs de recherche ou à des utilisateurs qui ne passent que quelques secondes sur une page. Il y a une assez nette corrélation entre le nombre d’articles publiés (entre 1 et 5 par semaine en moyenne) et le nombre de hits.
Autres plateformes de publication
J’ai 258 billets publiés sur Médiapart (qui se reprouvent quasiment tous sur le blog Rhubarbe) mais avec un taux de commentaire pouvant aller jusqu’à la centaine. Sur Agoravox, j’ai publié 71 articles et reçu un total de 2086 commentaires à ce jour. Bien sûr, le nombre de commentaire n’est pas corrélé avec la qualité du débat, mais cela indique les finalités différentes des blogs au sein de plateformes communautaires, et les blogs isolés qui, dans leur grande majorité, sont très peu commenté par rapport à leur fréquentation. Il est également clair que les sujets les plus polémiques ou faisant la Une des médias seront nettement plus commentés, en règle générale, que les sujets plus obscurs.
Les réseaux sociaux font aujourd’hui partie de l’univers des blogueurs car ils permettent la diffusion à ses « amis » Facebook ou « followers » Twitter d’être tenus au courant de la publications de nouveaux billets. Certains utilisent Facebook directement en tant que blog. Pour ma part je diffuse mes billets via Facebook, Twitter et Google+, et un système d’alerte me permet de savoir s’ils sont liés via d’autres blog (par exemple via le système de curation Scoop.It ou Pearltrees.).
L’usage de la vidéo
En 2010 j’ai commencé à m’intéresser à la prise de vue et au montage vidéo, voyant la très grande popularité de ce média sur Internet grâce aux sites de diffusion tels Youtube, Dailymotion ou encore Viméo. J’ai depuis lors réalisé une soixantaine de petits clips, à titre bénévole toujours : quelques reportages, portraits, conférences filmées (notamment pour l’Université Rurale), spectacles… Mon premier documentaire fut réalisé en juin 2012 pendant la conférence dissidente sur le Sida dans le Sud de la France, où je pus pour la première fois interviewer des personnes directement impliquées dans ce débat et notamment des séropositifs. La plupart de ces vidéos sont publiques et visibles sur ma page Dailymotion1 ou sur mon site www.rhubarbevideoprod.com, récemment créé en vue d’une professionnalisation de cette activité.
Le doute et la pratique pédagogique à l’URC
Ce chapitre traite de mon expérience au sein de l’Université Rurale du Clunisois, dont j’ai intégré le comité de pilotage en 2006 et eu la présidence effective de fin 2008 à fin 2011, date à laquelle j’ai quitté la région et donc mes responsabilités associatives en Clunisois. J’ai rencontré l’URC à travers d’un cycle de conférence que j’organisais entre 2005 et 2007 au sein du foyer rural du petit village de 200 âmes que j’habitais alors, Donzy-le-National, à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Cluny. La première conférence eu lieu avec Olivier Clerc, interviewé ci-dessus. Certaines de ces conférences, presque toujours animées par des personnes résidant en région, faisaient salle comble avec plus de soixante personnes, avec parmi elles des membres de l’URC dont la coordinatrice Chantal Tramoy. A cette époque je ne connaissais rien de l’éducation populaire, je montais ces conférences sur des sujets divers tels la France de Vichy en présence de l’historien Robert Paxton, le nucléaire en présence de représentants du réseau Sortir du Nucléaire (EDF ayant décliné), l’interculturalité en présence de la linguiste Edith Sizoo, la recherche de sens avec mon voisin de l’époque et antroposophe Pierre Dagallier, la gestion de conflit en présence du fondateur de la Thérapie Sociale Charles Rojzman, etc… L’URC fait à peu près la même chose mais dans un contexte plus pédagogique, thématisé. Chaque année un thème différent, avec plusieurs animations (conférence, spectacle, jeu) illustrant ce thème. Une autre grande différence était l’aspect financier : l’URC gère un budget, doit trouver des subventions, paye ses intervenants (qui viennent souvent de loin) ainsi que sa coordinatrice (qui fait 95% de tout ce travail), et l’accès aux événements est payant. Elle maintient également une dimension internationale, notamment avec le Québec, le Sénégal et en moindre partie la Hongrie. Ces liens sont historiques, des collaborations lancées des années auparavant qui perdurent de manière plus ou moins formelle selon les moments. Je découvrais également la réalité institutionnelle et financière de ce type d’organisation : la complexité du montage de dossiers de subvention, la notion comptable pour moi très particulière de « valorisation », et la nécessite de garder ses « clients » sur un « marché » de la conférence-débat qui, en Clunisois, devenait très concurrentiel. C’est également là où j’ai découvert la professionnalisation associative : l’URC, le FRGS et au niveau départemental la FDFR71 dépendaient entièrement, en termes de fonctionnement, de leur salariés, les élus bénévoles ne se rencontrant que lors de bureaux, conseils d’administrations ou assemblées générales. D’où la course incessante au financement pour payer les salaires, les rentrées propres aux activités proprement dites n’y suffisant pas, loin s’en faut. Bref, un monde à mi-chemin entre ma petite opération 100% bénévole et gratuite de Donzy et le monde de l’entreprise, que je connaissais quelque peu aussi malgré mon choix professionnel de rester indépendant, non salarié et sans salariés.
En 2008, le président et co-fondateur de l’URC François Bonnetain désirant se retirer de ce poste après dix-huit ans de bons et loyaux services, je fus invité à prendre sa place. Etant moi-même loin d’avoir la connaissance technique de gestion associative, l’expérience institutionnelle et la stature politique de François Bonnetain, et donc ne pouvant espérer continuer dans le même style, j’organisais avec Chantal plusieurs réunions du CA en la présence d’un consultant en gestion, François Bouteille, que nous connaissions tous les deux, moi au travers de mon club d’entreprise et elle, du fait qu’il était intervenu quelques années auparavant dans le cadre d’une profonde et laborieuse réorganisation de la fédération départementale des foyers ruraux. Le but de ces réunions étant de nous « réinventer », remettre à plat nos objectifs, nos valeurs et nos méthodes dans ce nouveau contexte. On ne peut pas dire que ce fut un succès, l’approche « poil à gratter » du consultant, que personnellement je trouvais stimulante et adaptée à la commande, passait mal auprès de la plupart des autres membres du comité, que plusieurs quittèrent alors de facto. D’autres y rentrèrent à mon invitation, notamment Martine et Michel Picard, dotés d’un solide bagage technique en matière de pédagogie et à même d’apporter un regard extérieur sur l’URC. En très peu de temps, le comité de l’URC se transforma d’une équipe de gens se connaissant de longue date et au fonctionnement bien huilé, à une équipe plus réduite et hétérogène que l’on peut décomposer en trois pôles : un pôle de personnes incarnant les foyers ruraux de longue date, généralement peu expressifs et plutôt dans une posture de validation des propositions ; un pôle « technique » s’exprimant facilement et force de proposition mais parfois en décalage avec la culture interne de l’URC, et Chantal dans son rôle de coordinatrice cherchant à faire « accoucher » le comité de propositions concrètes et de décisions, quitte à le violenter parfois. La programmation complète de l’URC de 2008 à 2011 est disponible sur son site2, j’en donne ici les grands thèmes : en 2008 « Résister se conjugue au présent », en 2009-2010 « Demain, subir ou créer ? », en 2010-2011 « Prendre sa part au monde » et en 2011-2012 « Faces cachées de la ruralité ». Autant les trois premiers thèmes sont issus d’un approche plutôt globalisante, critique et intellectuelle du monde actuel, autant le dernier se rapproche à nouveau beaucoup plus des préoccupations locales et concrètes. Ce revirement fut donné suite à un CA du FRGS auquel on demanda aux participants de proposer des thèmes à l’URC, chose qui habituellement se fait au sein du comité de pilotage. Nous ressentions une certaine désaffection de notre public pour ces thématiques perçues comme trop génériques et « intello » et il fallait rectifier le tir.
De cette expérience je retire un certain nombre d’enseignements, et notamment le fait que l’action d’une association d’éducation populaire (comme les autres) est contrainte par certains facteurs bien spécifiques : l’étendue de la « zone de confort » des bénévoles, qui de manière générale s’impliquent d’abord par plaisir et ne sont pas disposés à « subir » des remises en cause de leurs habitudes et méthodes de fonctionnement. La professionnalisation associative est un autre facteur majeur, l’objectif premier des salariés étant d’arriver à des résultats garantissant la pérennité de la structure dans un contexte institutionnel et financier donné. Cette volonté se heurte, plus ou moins fortement selon les associations, les personnes et les contextes, au regard des élus bénévoles qui sont là à l’origine pour faire avancer des idées et projets qui leurs tiennent à cœur, sans notion réelle de rentabilité. La complexité institutionnelle et réglementaire croissante oblige de nombreuses associations à se professionnaliser, transformant de ce fait leurs élus bénévoles en chefs d’entreprises contraints à un discours ambigu entre « les valeurs » et les choix effectifs faits au nom de la rentabilité. La combinaison de ces deux facteurs, la zone de confort des élus bénévoles d’une part et la professionnalisation d’autre part, mène le plus souvent ces associations à des fonctionnements et stratégies tout à fait comparables à celles d’entreprises privées traditionnelles ou de type « économie sociale et solidaire » dotées d’une direction qui agit au jour le jour, et d’un conseil d’administration qui se limite à valider les grandes orientations, à faire de la représentation et parfois de l’arbitrage interne. Un dernier facteur majeur est la personnalité des personnes-clé au sein de ces associations : dans un contexte complexe, il est inévitable que certaines personnes, du fait de leur expérience tout autant que de leur capacité à s’imposer dans un groupe (par la diplomatie, la compétence technique, l’agressivité ou encore l’omniprésence selon les cas), prendront un ascendant très important sur la manière dont fonctionne l’organisation, sans réel contre-pouvoir. Ce qui peut mener à des situation dangereuses où le simple et légitime questionnement des positions de l’élément dominant engendre drames et conflits. Il faut alors trouver des nouvelles personnes à intégrer à l’équipe, capables de tenir tête et modérer la situation.
On comprendra, au vu de ce portrait intégralement tiré de ma propre expérience à l’URC et au sein des Foyers Ruraux en général, que la pratique du doute est très aléatoire dans ce type de contexte. De manière générale, le besoin de pérennisation de la structure, son acceptabilité institutionnelle, son fonctionnement décisionnel ambigu, sa nécessité de plaire à son public limitent grandement sa capacité de remise en question et de réelle émancipation. L’éducation populaire institutionnelle, engoncée dans ses contraintes, est démunie et préférera le risque de défendre les idées fausses qui permettent de survivre, au risque des idées vraies qui impliquent éventuellement le suicide institutionnel.
Si je devais formuler une préconisation, elle serait de scinder les activités de service et d’animation socio-culturelle des activités « militantes ». Les premières seraient aux mains des professionnels, sous la forme de coopératives par exemple, et les secondes aux mains de bénévoles détachés des soucis de gestion et des questions de rentabilité. Les deux formes peuvent très bien coexister au sein d’une Education Populaire aux multiples facettes, un centre aéré thématique (service) étant en soi tout aussi valable qu’un groupe de recherche sur les financements occultes de partis politiques. Mais les méthodes et les enjeux ne sont pas les mêmes.
Conclusions
Avec un parcours de vie couvrant essentiellement trois pays (Belgique, Angleterre et France) j’ai naturellement acquis un minimum de compétences en matière d’adaptation, et notamment la mise en perspective culturelle. Les différences d’interprétation étant déjà parfois flagrantes entre pays européens, j’ai toujours été réticent à m’impliquer dans une quelconque posture institutionnelle vis-à-vis de cultures lointaines au sein desquelles je n’ai jamais vécu, très conscient des ambiguïtés soulevées par ce type d’interaction. Le doute étant éminemment contextualisé par la culture, je me suis uniquement basé sur des points de vue a priori pertinents émanant de cultures que je connais, c’est-à-dire francophone et anglo-saxonne. Ce CIRAL est une opportunité pour moi de structurer intellectuellement ma manière de penser et d’agir dans un monde submergé d’informations vraies et fausses, de croyances, d’effets d’annonce et de surmédiatisation de l’ ‘inimportant’.
La première partie de ce travail a permis de contextualiser la notion de doute dans le monde actuel tel que je le perçois. J’ai tenté, en faisant références à plusieurs auteurs, de décrire les forces qui régissent nos institutions, notre politique, la science, les médias. La seconde partie explore la notion de doute en tant que tel, la nature de la démarche, la notion de méthode et les aspects psychologiques qui influent sur nos perceptions et notre capacité à remettre en cause certaines choses. La troisième partie enfin décrit ma propre expérience, ma propre tentative d’émancipation. J’y décris mes activités de blogueur et d’élu bénévole au sein d’une structure de l’Education Populaire, et la place du doute dans ces contextes. Plus généralement, la place grandissante des extrémismes politiques et religieux, des revendications minoritaires, du classement et de l’étiquetage auxquels nous nous trouvons soumis (et dont, pour beaucoup, auxquels nous contribuons en toute bonne volonté) rend illégitime le questionnement : pour ou contre, d’un bord ou de l’autre, le monde manichéen post-11 septembre 2001 ne laisse plus de place à la neutralité d’opinion ni, donc, à l’émancipation des êtres qui ne sont plus censés exister hors des cases que leurs assignent les systèmes politiques, commerciaux, religieux, générationnels… Il est donc essentiel, à mon sens et c’est ce que je défends au travers de ce travail, de chercher à comprendre la nature de ces systèmes, notre nature humaine au-delà d’un rationalisme simpliste, et revendiquer le droit à la non-croyance. En termes d’éducation populaire, je revendique aujourd’hui la nécessité pour tout adulte non asservi de semer des graines de doutes dans les plate-bandes des certitudes bien établies.
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