Suite au massacre de 26 écoliers à Sandy Hook le mois dernier, Obama a présenté des propositions de régulation renforcée qui, d’un point de vue européen, restent suprêmement libérales (interdiction des fusils d’assaut et des chargeurs de plus de 10 cartouches, enquêtes sur la solidité psychologique des possesseurs d’armes) mais qui rendent furieux non seulement les militants de la NRA à la solde de l’industrie de l’armement mais, de manière plus significative, certains policiers qui y voient une attaque directe au sacro-saint Deuxième Amendement de la Constitution américaine qui garanti la liberté du port d’armes.
Ce droit de port d’arme est interprété différemment selon les bords politiques et les institutions mais on notera qu’en 2008 la Cours Suprême américaine réaffirmait clairement le droit inaliénable de tout citoyen de posséder une arme personnelle, quelle qu’elle soit. Cette position se heurte aux politiques de limitation du port d’armes au sein de certains Etats ou villes tels la Californie, New York ou Washington DC. La Californie, aujourd’hui déjà l’Etat le plus strict en la matière, envisage de renforcer encore plus son arsenal réglementaire: obligation de garder ses armes dans une boîte fermée à clé, vente de munitions sous licence et uniquement à des clients identifiés, limite de capacité des chargeurs, etc…
Les politiques tentent ainsi de rester sur la ligne jaune entre une réglementation limitant au maximum l’accès aux armes à des personnes inaptes ou non identifiées, l’accès aux armes de guerre ou assimilés et les accidents, tout en restant du bon côté du fameux Deuxième Amendement. Et c’est là où cela devient très subjectif et très politicien car autant pour les uns (plutôt Démocrates) ce DA n’est pas illimité et n’existe que dans le cadre d’une défense citoyenne légitime envers la dictature d’Etat et de l’auto-défense, autant pour les autres (plutôt Républicains) ce DA ne peut souffrir d’aucune restriction.
Certaines prises de position au sein de la police américaine illustrent ce conflit: une association de policiers, militaires actifs ou en retraite, Oathkeepers, a pour mission de rappeler aux fonctionnaires la nature de leur serment envers la Constitution américaine, serment qui précise clairement qu’ils ne peuvent se soumettre à des ordre enfreignant la Constitution et notamment le Bill of Rights (We the People…) qui contient, entres autres, le DA. Oathkeepers liste dix “commandements” issus de la Constitution dont le premier est: “Nous n’obéirons pas aux ordres visant à désarmer le peuple américain”. La lecture de cette liste de commandements est assez surréaliste car ils sont pour la plupart bafoués quotidiennement par les policiers et soldats américains. Le cinquième est particulièrement savoureux: “Nous n’obéirons pas aux ordres d’invasion et de domination de tout Etat souverain”. Il y a du boulot…
Mais revenons-en au premier commandement, concernant directement le DA. Des policiers disent ouvertement qu’ils refuseront d’obéir à des lois fédérales visant à limiter l’accès aux armes, comme on peut le voir dans la vidéo ci-dessous:
Alors, hypocrisie de policiers psychopathes assimilant la limitation du DA à une forme de castration, ou sincère soucis d’allégeance à une certaine interprétation du DA? On peut évidemment se demander pourquoi la question du port d’armes soulève un tel questionnement, alors que la police américaine est reconnue pour ses abus répétés de force et violences envers les citoyens – toutes choses tout aussi anti-constitutionnelles que le désarmement du peuple. Mais Oathkeepers est là, justement, pour que les fonctionnaires respectent leurs serments et il est donc intéressant que ce policier s’exprime au nom de cette association et non pas au nom de la NRA ou de quelque groupement fasciste local. Le DA fait partie des fondements de la conscience américaine au même titre que la laïcité fait partie de la conscience française.
On se doute qu’un tel “coming-out” policier est impensable en France du fait du fameux “devoir de réserve” mais aussi, plus subtilement, du fait que les policiers français ne portent pas serment vis-à-vis de la Constitution française mais vis-à-vis des lois(1) – peu importe qu’elles soient fondamentalement anti-constitutionelles. Alors que le serment de police américain fait directement référence à la Constitution(2). Même si dans les faits cela ne change pas grand chose.
(1)”Je me conformerai strictement aux ordres reçus dans le respect de la personne humaine et de la loi.” http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020563817&dateTexte=&categorieLien=id
(2) On my honor,
I will never betray my badge1,
my integrity, my character,
or the public trust.
I will always have
the courage to hold myself
and others accountable for our actions.
I will always uphold the constitution2
my community3 and the agency I serve.