Intelexit: aide aux dissidents des services secrets!

Edward_Snowden-2Le risque pour nos libertés et la démocratie, ou ce qu’il en reste, que représentent les services secrets a été largement documenté depuis que la chose existe, et plus particulièrement depuis les révélations d’Edward Snowden sur les activités d’espionnage de masse de la NSA. Une initiative américaine nommée Intelexit.org vise à aider les employés de ces services secrets qui se rendent compte de l’immoralité, voir  de l’inconstitutionnalité de leurs activités, à en sortir.

Le clip ci-dessous contextualise le propos et interview plusieurs anciens membres de ces services ayant trouvé le courage d’en sortir. Car en effet, la communauté des services secrets est sans pitié.

Si la NSA est l’éléphant dans la pièce, de nombreux pays disposent de services secrets très actifs opérant, par définition, dans l’illégalité. Ce sujet à déjà été abordé dans le contexte français, sur ce blog, avec les articles “Services secrets: marche-pied vers la dictature” et “Services secrets: l’Etat, c’est nous!“.

L’establishment justifie bien entendu l’existence de ces services secrets au nom de la “sécurité nationale”, fourre-tout bien pratique pour toutes les lois et mesures liberticides qui permettent, avant tout, à cet establishment de contrôler la dissidence civile ici.

La récente loi Renseignement (1) votée par les pleutres de l’Assemblée Nationale en est le parfait exemple: d’abord elle reconnait le fait que les services secrets opèrent illégalement et qu’il convient donc de créer des lois qui rendent ces opérations légales, ce qui est déjà en soi d’un cynisme orwellien, mais en plus cette loi ouvre la porte à une surveillance de masse “légale” et a fortiori au déploiement d’un arsenal illégal encore plus poussé. Illégal, car du point de vue opérationnel un service secret n’est réellement efficace que si ses cibles ne connaissent pas l’étendue de ses capacités réelles, ce qui implique de dépasser le cadre des moyens légaux, cadre connu des dites cibles.

Intelexit propose un chemin pour aider les employés des services secrets à en sortir, employés qui peuvent être simplement écœurés par ce qui s’y passe, ou être en réelle souffrance psychologique par dissonance cognitive, ou la contradiction entre l’action réalisée (espionnage illégal, attentats déguisés, etc…) et la notion de défense des intérêts nationaux. Comment peut-on agir en utilisant des méthodes qui vont à l’encontre des principes que l’on est supposé défendre?

Intelexit commence avec trois propositions: Le service pour lequel je travaille…

a) A perdu toute direction morale

b) Viole les libertés fondamentales ou le principe de démocratie

c) Abuse de la notion de “sécurité nationale” afin de bafouer la Constitution.

Le futur ex-employé coche son choix, puis passe d’étape en étape pour aboutir à un projet de lettre de démission.

Je trouve l’initiative excellente. Aucune idée de sa possible efficacité bien sûr, on ne quitte pas un service opérationnel de la NSA, du MI5 ou de la DGSI comme si de rien n’était, mais c’est un pas dans la prise de conscience du public que l’ennemi n°1 de la liberté et de la démocratie habite juste à côté et est financé par nos impôts. L’affaire du Rainbow Warrior est l’achétype de la barbouzerie des services secrets français ayant mal tourné (2), pour se terminer récemment avec les aveux publics du colonel Jean-Luc Kister, l’un des membre du commando français ayant posé les charges explosives (3). On se souviendra aussi, dans un registre plus proche des Gendarmes de St Tropez que de John le Carré, des gendarmes français mettant le feu, illégalement, aux paillotes corses sur ordre, illégal, du Préfet… (4). Mais pour les quelques manipulations ayant mal tourné pour les services de l’Etat, combien ont parfaitement fonctionné ou fonctionnent encore?

Rainbow Warrior in Auckland Harbour after bombing by French secret service agents.
Rainbow Warrior in Auckland Harbour after bombing by French secret service agents. (Annual review 1993-1994 page 2) Accession #: 0.85.072.001.01

Non pas que toute opération de renseignement ou action “borderline” soit fondamentalement inacceptable car certains dangers existent réellement, mais empêcher les services secrets d’utiliser leur arsenal contre leur propre population est impossible vu que, par définition, c’est secret donc inaccessible au contrôle public. Cela se joue au sein de l’Etat Profond (5), ce réseau de pouvoir juste sous la surface qui tire les ficelles et utilise les moyens de l’Etat à son propre avantage.

Au niveau politique la réaction des “représentants du peuple” est plus que faible, la majorité ayant bien compris où se situent leurs intérêts. Je citerai quad même le député Jean-Jacques Urvoas qui parvint à faire intégrer à la loi Renseignement un statut de lanceur d’alerte “officiel”, c’est-à-dire qu’un employé de l’Etat doit pouvoir signaler des agissements illégaux en bénéficiant d’une protection juridique. Le texte ne dit pas s’il bénéficie également d’un gilet pare-balles.

Notes:

(1) http://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/dossier-les-francais-sous-surveillance

(2) http://www.francetvinfo.fr/faits-divers/affaire/rainbow-warrior-30-ans-apres_991317.html

(3) http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20150906.OBS5340/jean-luc-kister-l-agent-de-la-dgse-qui-a-coule-le-rainbow-warrior-s-excuse.html

(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_paillotes

(5) http://www.mediapart.fr/journal/france/291010/nicolas-sarkozy-et-l-etat-profond et https://zerhubarbeblog.net/2010/05/16/letat-predateur/

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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