Quel avenir pour l’au-delà?

L’idée que la mort n’est pas la fin de tout n’est pas nouvelle, et les notions de réincarnation et de monde des esprits sont aussi vieilles que l’humanité. Au sein de notre culture judéo-islamo-chrétienne l’idée spirituelle d’une vie après la mort est une constante, certains allant jusqu’à transformer le concept en lupanar pour tueurs d’infidèles – comme quoi le marketing religieux ne recule devant rien et que c’est bien cette récupération d’un spirituel ancestral par le dogmatisme manipulateur et mortifère religieux qui nous amène, par réaction, à la dernière Une de Charlie Hebdo. Mais refuser dieux et religions n’élimine pas la question de ce qui pourrait se passer après la mort, bien au contraire.

A l’heure actuelle, affirmer que rien n’existe après la mort relève de la même croyance, en creux, que l’affirmation contraire. Le dogme matérialiste est incompatible avec l’idée de vie après la mort vu que la seule chose qui pourrait “passer”, l’âme ou la conscience, n’étant qu’un phénomène dérivé de la complexité biologique du cerveau, ne peut survivre à la mort – avérée – de ce dernier.

A l’opposé la tradition bouddhiste ne considère ni l’âme ni même la personne physique comme étant des entités distinctes, tout cela étant replacé par un “flot dynamique” appelé conscience qui se réalise, dans le monde physique, par un continuum d’états. Une même conscience se réincarne donc (selon son niveau, selon un système assez complexe qui est par exemple décrit ici (1)) d’être en être, l’un devant mourir pour que l’autre puisse naître. D’où l’inéluctabilité d’une vie après la mort et, surtout, de l’impact de nos actions pendant la vie sur ce qui va se passer ensuite: c’est la nature de nos actions du présent qui conditionne la “qualité” de la réincarnation future.

stephane-allixEntre ces deux extrêmes, un kaléidoscope de croyances, d’opinions et de traditions mais aussi de questions et d’expériences cherchant à aller plus loin que le simple sentiment personnel. Un personnage connu du milieu du “super-naturel” est Stéphane Allix (2), dont l’association l’INRESS édite le magasine L’Inexploré. L’INRESS étudie un large éventail de phénomènes, du chamanisme aux OVNIs en passant par la sexualité et les expériences de mort imminente.  Stéphane Allix vient de publier un livre chez Albin Michel intitulé “Le Test”, récit d’une expérience grandeur nature mettant en jeu son père décédé et une série de mediums. En résumé, il plaça à l’insu de tous des objets dans le cercueil de son père, puis demanda à des médium de contacter son père décédé  et lui demander quels étaient ces objets. Ce dernier, selon Allix, répondit correctement, accréditant de ce fait l’hypothèse que la vie se poursuit après la mort.

Il ajoute, dans une interview accordée à Paris Match suite à la sortie du livre (3), qu’après la mort “Il n’y a plus le corps qui nous structure, nous bloque dans le temps et l’espace. Là-bas, nous sommes dans une liberté totale. Et si nous maîtrisons mal certaines de nos émotions de notre vivant, après la mort nous aurons encore plus de difficulté à les contrôler. Un lama tibétain m’avait dit : “Si vous voulez savoir à quoi ressemblera votre mort, regardez vos rêves.” En effet, d’un point de vue psychologique, la mort ressemble à un rêve : parfois magnifique, tantôt déroutant, incontrôlable, inquiétant ou sublime, il est le fruit de nos émotions libérées de toute contrainte. Il semble donc qu’il en soit ainsi dans l’au-delà.

Admettons, le temps de ces quelques lignes au moins, que la description de l’au-delà par Allix soit réaliste. Etant donné que les méchants meurent tout autant que les bons, cela veut-il dire que les victimes se retrouvent la-haut à nouveau face à leurs bourreaux? Toujours selon Allix: “(les malveillants) restent malveillants ! S’il n’a pas changé de comportement avant de mourir, un mari qui bat sa femme va continuer à avoir les mêmes pulsions. La mort ne nous délivre pas, comme par magie, de nos défauts, de nos blessures non soignées… Les médiums expliquent que nous ne sommes pas tous placés au même niveau. Sur terre, on se trouve tous sur le même plan. Mais, de l’autre côté, les gens qui sont en proie à une grande confusion intérieure sont plus ou moins ensemble. D’où l’intérêt de travailler sur soi quand on est sur terre.”

Voilà qui ressemble diablement à une description de l’enfer associé au message christique de repentance! Situation flippante à mon avis car cela indiquerait qu’une forme de jugement céleste nous attends avec, à moins de faire prétention de sainteté, le risque d’un long cauchemar. Ou, pour rejoindre la philosophie bouddhiste introduite ci-dessus, ce jugement n’est pas définitif mais conditionne notre prochaine réincarnation. Rat de laboratoire ou chat peinard chez mémé, selon vos actions dans une vie antérieure? Dans tous les cas, le scénario nécessite à un moment donné un juge. Qui? D’où l’intérêt de mourir en même temps qu’un bon avocat… Bref, la réapparition d’une forme d’hiérarchie anthropomorphique dans l’au-delà n’aide pas à crédibiliser la chose et on comprend mieux l’attrait du nihilisme matérialiste.

Cette impression, cependant, n’est sans doute que liée à l’absence de mots et de concepts pour décrire l’expérience de l’au-delà. Tout comme, en physique, nous ne pouvons visualiser des concepts tels que les 11 dimensions de la théorie des cordes ou la fonction de probabilité d’un objet quantique, nous ne pouvons pas visualiser une vie qui existerait hors de nos dimensions classiques – ce qui n’enlève rien à la possibilité qu’une telle chose existe. La force des religions a toujours été leur capacité à anthropomorphiser des situations placées dans un espace autre, “divin”, avec des figures paternelles ou maternelles, des tribunaux, des récompenses – pour certains bassement charnelles – et des punitions. Mais tout comme le bel ordre militaire de la matière disparaît dès que l’on l’observe au niveau des particules, les représentations simplistes d’un possible au-delà n’ont sans doute absolument rien à voir avec ce qui s’y passe vraiment, s’il s’y passe quelque chose.

Reste cette phrase clé de Allix citant le lama: “Si vous voulez savoir à quoi ressemblera votre mort, regardez vos rêves.” Est-ce à dire que les rêves sont un œil de boeuf sur l’au-delà qui nous est accessible de notre vivant? Auquel cas cet au-delà serait descriptible sous la forme d’un champ de conscience (comme il existe des champs électriques ou gravitationnels), d’où nous serions issus et vers lequel nous retournerions après ce passage par l’état mortel. Ce champ est-il détectable scientifiquement? Il serait ce que certains appellent la Noosphère, sur laquelle j’ai précédemment publié ce billet “La Noosphère et le Global Consciousness Project“? (3) Détectable dans une certaine mesure, sur base d’une corrélation entre des déviations sur des générateurs de nombres aléatoires et certains événements mondiaux a fort taux émotionnel.

Reste néanmoins un sérieux problème: le champ de conscience / noosphère, s’il existe, est-il un produit de la vie, ou source de la vie? S’il est source de la vie (selon la tradition bouddhiste) plutôt qu’un produit (selon le point de vue occidental), alors il lui préexistait et, à l’image des autres champs physiques que nous connaissons, en place dès les premiers instants de l’univers. Et s’il est si vieux et si pervasif, on peut penser que l’on n’y trouverait pas que des esprits humains… En tout cas je ne doute pas que l’au-delà soit promis à un grand avenir.

 

Notes:

(1) http://www.revue3emillenaire.com/blog/la-reincarnation-selon-le-bouddhisme-tibetain-par-dagpo-rimpoche/

(2) http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Une-enquete-qui-bouleverse-les-certitudes-Vie-apres-la-mort-890751#CS1-6

(3) http://zerhubarbeblog.net/2010/08/19/la-noosphere-et-le-global-consciousness-project/

 

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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