LGBTQIP et nous et nous et nous!

En tant que simple hétérosexuel agnostique j’ai toujours pensé que si ce n’est pas un choix que d’être L, G, B, T ou machin, que c’est la nature qui nous a ainsi fait, il n’y a pas de raison de principe d’exclure qui que se soit de quoi que se soit, même s’il peut y avoir des raisons d’ordre technique: je ne suis pas gay mais je ne peux quand même pas donner mon sang du fait que j’ai vécu en Angleterre à l’époque de la vache folle. C’est sans doute aujourd’hui idiot comme restriction mais je n’en ferai pas une affaire personnelle ni monter la communauté des mecs-pas-gay-mais-ayant-vécu -au-RU-dans-les-années-80 et qui veulent les mêmes droits que les autres mecs-pas-gay-mais-n’ayant-pas-vécu -au-RU-dans-les-années-80.

Si c’est pour ne dire que cela autant la fermer mais la question devient intéressante si la notion de non choix, habituellement attribuée à l’état LGBT (je n’ai pas choisi d’être lesbienne / bisexuel / gay ou trans, c’est ma nature profonde) se voyait quelque peu remise en cause. En effet, si cette orientation sexuelle, comme on dit, n’était pas que le fruit de la nature mais également un choix, qui plus est un choix pouvant varier au fil du temps, on pourrait un petit peu moins prendre au sérieux certaines revendications communautaristes des LGBT machin, du moins pas plus que les revendications religieuses ou alimentaires qui sont également, fondamentalement, des choix. Même si en ce cas ce sont, parfois, des choix entre la soumission et le rejet ou la mort.

Je précise: il n’y a pas de doute que la plupart des LGBT le sont malgré eux et qu’ils ou elles ne peuvent absolument pas “choisir” de ne plus être ce qu’il / elles / it sont (l’article neutre manque cruellement en français). Les personnes qui vont jusqu’à subir un changement de sexe physique ne le font pas par facétie, c’est quelque chose de plus fort qu’eux/elles. Et qu’en termes de droits le fait que telle ou telle orientation soit un choix ou une nécessité ne change rien, on ne devient pas moins humain dans un cas comme dans l’autre.

Par contre beaucoup de gens ne tombent pas dans des catégories fermées, et c’est connu depuis les études de Kinsey qui dès 1948 plaçait les orientations sexuelles sur une ligne de 0 à 6, 0 pour exclusivement hétérosexuel à 6 pour exclusivement homosexuel. Avec les étapes 1 à 5 entre les deux. Des études plus récentes montrent en effet que 10% à 14% des femmes se considèrent “pas tout à fait hétérosexuelles” et pareil pour 6% à 9% des hommes (1).

Pareil à l’autre extrême: Pour la chercheuse en psychologie Lisa Diamond de l’université d’Utah, on trouve beaucoup plus de gens légèrement attirés par le même sexe que de lesbiennes et de gays purs et durs, si je puis dire. Le “bi” classique, naviguant à voile et à vapeur, se trouve “fluidifié” dans un genre qui peut être hétéro à un moment puis passer à homo à un autre moment.  Cette fluidité dans l’orientation sexuelle, qui fait que de nombreux hétéros ne sont pas 100% hétéros, de nombreux homos pas 100% homos, donne lieu à un zoo de nouvelles dénomination caractérisant différentes subtilités: queer, pansexuel, bi-curieux, fluide, et récemment polyamoureux.

Plus élégant que polygame, tout comme intersex (le I de LGBTQIP) fait moins escargot que hermaphrodite, l’orientation polyamoureuse s’ouvre aux ménages à trois (ou plus si affinité) et devient même tendance dans les cercles branchés. Mais peut-on encore parler d’orientation sexuelle, et pas plutôt de choix de style de vie? Il y a actuellement un débat au sein de la communauté LGBTQIP pour savoir si le P (de polyamory) fait vraiment partie de la communauté “non hétéro”. Le débat semble un poil surréaliste, l’enjeu étant de savoir si une telle extension de cette communauté la sert ou la déssert: d’un côté plus la communauté est élargie plus elle a de poids en termes de représentativité, mais de l’autre moins elle est crédible en tant que communauté victimaire. Autant on peut comprendre et sympathiser avec le cas de gays ou lesbiennes “classiques” désirant accéder à la vie de famille (mariage et adoption), autant les revendications des “fluides” ou des polyamoureux sentent quand même un peu l’égocentrisme exacerbé.

Il est évident que la culture joue un grand rôle dans tout cela, et que les gens qui sont vraiment à plaindre sont ceux ou celles qui sont malgré elles dans une orientation totalement incompatible avec les normes locales en vigueur: pas question d’être autre chose que hétéro en terre d’Islam sous peine de mort. Par contre pas de problème pour être polyamoureux, du moins tant qu’on est un homme avec quelques moyens.

To bi or not to bi, that is the question…

 

Notes:

(1) http://www.advocate.com/health/love-and-sex/2014/02/11/exploring-umbrella-bisexuality-and-fluidity

 

 

 

 

 

 

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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