La journaliste Daphne Caruana Galizia fut victime ce lundi d’un assassinat perpétré par le pouvoir maltais. La scandaleuse hypocrisie du premier ministre maltais Joseph Muscat, promettant de tout faire pour retrouver les auteurs du crime, n’y fera rien: Malte est géré par un gouvernement mafieux au vu et au su de tous, un pays dont Daphne Caruana Galizia disait ceci sur son blog juste avant de mourir (1):
« Il y a désormais des escrocs partout où vous regardez. La situation est désespérée. »
Daphne Caruana Galizia a plusieurs fils dont Matthew Caruana Galizia, journaliste à Berlin. Voici ce qu’il écrivait, quelques heures après le drame (ma traduction) (2):
Ma mère fut assassinée parce qu’elle se tenait, comme de nombreux bons journalistes, entre le Droit et ceux qui cherchent à le violer. Mais elle fut aussi visée car elle était seule. C’est ce qui arrive quand les institutions d’un Etat sont rendues inopérantes: la dernière personne encore debout est souvent un(e) journaliste. Ce qui fit d’elle la première à mourir.
Je n’oublierai jamais, courant autour de l’enfer de feu dans le champ, essayant de trouver un moyen d’ouvrir la porte, l’avertisseur de la voiture toujours en marche, hurlant à deux policiers qui s’approchaient avec un unique extincteur. Ils me fixèrent. “Désolé, nous ne pouvons rien faire”, me dit l’un d’eux. Je tournais la tête pour voir les morceaux de ma mère autour de moi. Je me rendit compte qu’ils avaient raison, c’était sans espoir. “Qui était dans la voiture?” me demandèrent-ils. “Ma mère est dans la voiture. Morte. Morte de par votre incompétence”. Oui, incompétence et négligence résultant en l’incapacité d’éviter ceci.
Pardonnez-moi d’être cru, mais ceci est ce à quoi ressemble la guerre, et vous devez le savoir. Ceci ne fut pas un meurtre ordinaire et ce ne fut pas tragique. Le tragique, c’est quand quelqu’un se fait renverser par un bus. Quand il y a du feu et du sang tout autour de vous, c’est la guerre. Nous sommes un peuple en guerre contre l’Etat et le crime organisé, les deux étant devenus indissociables.
Quelques heures plus tard, pendant que ce clown de premier ministre faisait un discours au sujet d’une journaliste qu’il a passé dix ans à démoniser et à harceler, un des policiers supposément en charge de l’enquête, Ramon Mifsud, postait sur Facebook: “Tout le monde reçoit ce qu’il mérite, bouse de vache. Contente?”.
Oui, voici où nous en sommes: un Etat mafieux où vous pouvez désormais faire changer votre genre sur votre carte d’identité (et tant mieux) mais où vous vous ferez exploser en miettes pour exercice de vos droits fondamentaux. Seulement pour les gens qui sont supposés vous protéger, mais qui célèbrent l’événement. Comment en sommes-nous arrivés là?
Une culture d’impunité a été mise en place par le gouvernement maltais. Ce n’est pas grand chose pour le premier ministre de ce pays de dire “qu’il ne se reposera pas” tant que les tueurs n’auront pas été identifiés, alors qu’il est à la tête d’un gouvernement qui encourage cette même impunité.
D’abord il a rempli son cabinet de bandits, puis il a rempli la police de bandits et d’imbéciles, ensuite il a rempli les tribunaux de bandits et d’incompétents. Si les institutions fonctionnaient il n’y aurait pas d’assassinat a investiguer – et mes frères et moi aurions toujours une mère.
Joseph Muscat, Keith Schembri, Chris Cardona, Konrad Mizzi, le procureur général et la longue liste de commissaires de police qui ne firent rien: vous êtes complices. Vous êtes responsables pour ceci.
Matthew Caruana Galizia, le 17 octobre 2017
L’union Européenne, dont Malte est membre, va t-elle continuer à faire semblant de ne rien voir?
Edité le 2 décembre 2019: documentaire ARTE.
Notes:
Frobidden Stories poursuit l’enquête ce 17 avril 2018: https://mobile.francetvinfo.fr/monde/europe/daphne-project/video-projet-daphne-revelations-sur-l-assassinat-de-la-journaliste-maltaise-daphne-caruana-galizia_2709280.html
L’enquête indépendante sur l’assassinat de la journaliste d’investigation Daphné Caruana Galizia conclue à un “effondrement de l’Etat de droit”, et une culture de l’impunité à Malte. Au Pérou, qui est le nouveau Premier ministre ? Sortie de l’album posthume et “visionnaire” de Prince.
https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-vendredi-30-juillet-2021