Ce blog traite ici et là de la problématique du Politiquement Correct (PC), par exemple avec cet article sur une tribune anti-PC dans une université américaine (1), permettant de se rendre compte à quel point cette forme de dictature de la non-pensée est une menace envers la liberté d’expression. Mais force est de constater qu’aujourd’hui nous avons dépassé le stade du PC pour arriver dans l’ère de l’hystérie victimaire, une forme de PC boosté par le vedettariat de porte-paroles “racisé.e.s” faisant ainsi leur nid politico-médiatique. Vedettariat dont le fond de commerce est l’accusation systématique de racisme chez l’autre, et tout particulièrement chez l’homme blanc, dès lors que ce dernier ose mettre un pas en dehors de sa posture assignée d’éternel coupable. Vedettariat adoré de nombreux commentateurs pouvant ainsi se donner bonne conscience à peu de frais.
La femme blanche n’est pas épargnée pour autant, même si elle bénéficie, aux yeux des victimaires hystériques (VH), d’un statut de victime ontologique ici chez elle, en Europe, encore plus grave dirait-on que le statut des femmes sans droits ou presque en terres islamiques, hindouistes ou africaines. Ainsi la nouvelle Miss France, Maëva Coucke, se voit clouée au pilori par les VH pour avoir parlé de la “crinière de lionne” de la précédente Miss. Le simple fait qu’une lionne n’ait pas de crinière aurait du suffire à faire comprendre que l’idée n’est pas de faire un parallèle animalier, mais surtout la polémique n’aurait pas existé si la porteuse de crinière, Alicia Aylies, ne tombait pas elle-même dans la catégorie des racisées. Petite polémique dont s’emparent immédiatement les glands du paysage médiatique en mal de buzz, tel Gilles Verdez qui en appelle carrément au retrait de la couronne de Coucke (2).
Deux autres exemples, plus graves car cette fois les auteurs du crime sont des oppresseurs pur jus, des hommes blancs riches et connus: le footballeur Antoine Griezmann et le comique Michel Leeb. Griezmann qui se déguise en joueur de basket black sauce 70’s, mon dieu mon dieu quel insoutenable raciste (3). Et que dire du sketch “l’Africain” de Michel Leeb, un blanc qui se paie la tête des africains? Françoise Vergès a beaucoup à dire visiblement, à en juger par son article paru dans Le Monde la semaine passée: “Comme Michel Leeb, les racistes non-racistes refusent de comprendre ce qu’est le racisme”(4).
J’ai trouvé l’article édifiant, surtout de la part de quelqu’un présenté comme politologue. Ainsi donc, outre le fait que le sketch de Leeb n’est pas non plus particulièrement à mon goût, il faudrait considérer que la moquerie implique le racisme si le moqueur est blanc et l’autre, racisé. Ce serait un racisme “structurel” dont elle dit ceci:
Le racisme structurel, ce sont les crimes racistes impunis, la manière dont le racisme contamine la société, la culture, les arts, la politique, dont il constitue un obstacle à l’égalité, impose des critères de beauté, d’intelligence, de succès. Pourquoi serait-ce aux personnes « racisées » d’expliquer la longue histoire de ce racisme à ceux qui en tirent privilège ?
Pour Vergès, l’origine de tout cela réside dans l’esclavagisme et la culpabilité éternelle des blancs, et en l’occurrence de la France en général. Personne ne nie l’horreur que fut – et est encore en certains lieux – l’esclavagisme mais les VH du genre de Vergès semblent oublier un point important, qui est que l’esclavagisme – par les arabes comme par les européens – n’aurait pas existé, du moins pas à une telle échelle, sans la participation active des africains eux-mêmes dans la chasse et la vente de leurs propres congénères. Comme l’ont fort bien démontré les historiens anthropologues Olivier Pétré-Grenouilleau ou Tidiane N’Diaye (5):
C’est une réalité sur laquelle historiens, journalistes et militants ont souvent jeté un voile, par lâcheté intellectuelle ou opportunisme idéologique. Mais les faits sont têtus, et il existe assez d’archives pour l’attester. Durant les longs siècles de traite et d’esclavage arabo-musulman puis occidental, des Etats négriers d’Afrique ont participé et se sont enrichis grâce à ce commerce, comme les royaumes d’Ashanti ou d’Abomey (actuels Ghana et Bénin) par exemple.
Ceci n’excuse rien, mais démontre simplement que l’argument de base des VH, ancré dans une lecture très biaisée de l’Histoire, est surtout une affaire d’auto-promotion sous la bannière victimaire de gens et de groupes qui en tirent, ou espèrent en tirer, un bénéfice. Le racisme existe bien sûr, mais il existe partout et au moins autant chez les non-blancs que chez les blancs. Qui, aujourd’hui, pratique encore activement l’esclavagisme? Les libyens, les saoudiens, les africains de Boko Haram, l’ex Etat Islamique. Ca fait beaucoup de “racisés” au moins aussi coupables, à mon avis, que nous avec nos blagues parfois un peu grasses.
Il est presque impossible, évidemment, de tenir ce genre de propos dans les milieux “bien-pensants” sans passer soi-même pour un raciste. Au mieux, pour reprendre la terminologie de Vergès, pour un raciste anti-raciste, un raciste qui refuse de se reconnaître comme tel parce qu’il a un copain racisé.
Faut-il, par prudence ou par dépit, tout simplement quitter ce débat devenu essentiellement dogmatique et manichéen entre “bons” et “méchants”?
C’est possible, mais ce serait oublier que la montée en puissance du PC a une contre-partie, la montée en puissance de l’image miroir de ces postures: le machisme, le – vrai – racisme envers notamment les migrants, le repli sur soi d’une communauté appelée parfois “souchienne” et associée par les VH à l’extrême-droite. Donald Trump a été élu en bonne partie sur son attitude misogyne, raciste et centrée sur la nécessaire renaissance d’une dignité américaine ouvrière et blanche qui fait fi du politiquement correct et l’associe aux libéraux (gauchistes, en parler américain). Le Brexit a été vendu par les escrocs politiques anglais, tels Farage et Johnson, comme la voie vers la nécessaire renaissance d’une classe moyenne britannique purifiée, débarrassée de la pression migratoire et de la dictature technocratique européenne.
Idem pour Poutine en appelant à la renaissance de la puissance russe, virile, orthodoxe et nationaliste, franchement homophobe et xénophobe. Idem pour les gouvernements polonais et hongrois actuels, comme pour l’Inde de Narendra Modi et le retour à une identité hindouiste forte aux dépens des minorités. Et idem pour la Chine et son retour fracassant au Confucianisme, une philosophie basée sur le respect de la hiérarchie…
Sur l’ensemble de la planète, les pressions menant à l’autocensure sont très nombreuses. Le plus souvent politiques et policières, que ce soit en Chine, en Turquie, en Arabie ou en Iran, pour n’en nommer que quatre sur au moins une centaine, on parle vrai à ses risques et périls. En occident, le fer de lance de l’autocensure est le PC et aujourd’hui sa variante victimaire hystérique: le risque d’être attaqué pour avoir exprimé une opinion questionnant la légitimité victimaires des femmes et/ou des racisé.e.s.
Le ou la VH ne s’embarrassera pas d’établir un argumentaire à votre encontre, il ou elle demandera simplement votre tête. On le voit dans les polémiques autour de Maëva Coucke ou de Finkelkraut, avec sa sortie récente sur les “non-souchiens” absents des funérailles de Johnny Hallyday. On le voit dans la mise à pied de l’animateur Tex sur France 2, pour une blague à la con (6). C’est si bon de se draper dans la dénonciation moralisatrice, pas chère et médiatiquement rentable. C’est d’ailleurs le fond de commerce de l’humorisme en vogue actuellement (7).
L’idée n’est pas de dire qu’il n’existe pas de bonnes raisons pour la défense et la promotion de minorités ou de groupes subissant, par (mauvaise) habitude culturelle ou politique du moment, une forme d’oppression structurelle. Les victimes, ça existe. Mais comme toute réalité, elle peut être récupérée à des fins qui la dépassent et servir des intérêts promotionnels aux dépens, in fine, des premiers intéressés.
La dénonciation par réseaux sociaux interposés, le name and shame tellement populaire actuellement sur Twitter, la mise au pilori par les VH de toute personne, issue du groupe dit dominant, ne se conformant pas à la posture de culpabilisation requise, sont un réel danger pour la liberté d’expression et le vivre-ensemble. Cette situation risque de pousser la majorité silencieuse, lassée d’être constamment suspecte de tous les maux, dans les bras d’équivalents locaux à Donald Trump. Les candidats ne manquent pas. Il est temps de réagir.
En conclusion, je vous invite à déguster la dernière chronique “Rouge vif” d’Anne Roumanoff, sur le politiquement correct justement! (8)
Notes:
(1) https://zerhubarbeblog.net/2016/04/26/le-politiquement-correct-est-il-alle-trop-loin/
(7) https://zerhubarbeblog.net/2017/06/11/de-lhumour-a-lhumorisme/
[…] (2) https://zerhubarbeblog.net/2017/12/19/du-politiquement-correct-a-lhysterie-victimaire/ […]
Caroline Fourest et la génération offencee. https://www.causeur.fr/caroline-fourest-generation-offensee-173341