Israël et le nouvel apartheid.

Comme analysé dans cet article “Jérusalem, la fin des oliviers palestiniens” (1), la décision de Donald Trump d’appliquer la décision américaine, datant de 1995, de déménager l’ambassade US de Tel Avis à Jérusalem n’aura eu aucun impact sur les postures et politiques des pays arabes. L’axe US-Israël-Arabie saoudite et monde sunnite reste bien ordonné face à l’axe Chine-Russie-Iran et monde chiite, le sort des palestiniens n’intéressant de facto plus personne. Les Iraniens pourraient tenter de s’en servir, mais ils ont visiblement d’autres shahs à fouetter pour l’instant. 

Même si cela n’est pas dit explicitement, cette décision américaine résultant d’un lobbying mené par le propre beau-fils de Donald Trump, Jared Kushner, grand ami et allié du premier ministre israélien Benjamon Netanyahou, enterre le projet de deux Etats, l’un israélien et l’autre palestinien, vivant côte à côte avec pour capitale partagée, Jérusalem.

Sans le support américain, les Nations Unies ne peuvent rien contre Israël: le vote du 21 décembre 2017 n’a aucun effet (2), tout comme Israël n’a jamais respecté les nombreuses résolutions à son encontre (3) du fait que les US n’ont jamais voulu qu’elles s’appliquent. Le jeu des deux poids – deux mesures s’appliquant à Israël ne date pas d’hier, et il arrive aujourd’hui à sa conclusion logique: Israël fait précisément ce qu’elle veut, la continuation de la colonisation des territoires occupés et la disparition de l’entité “Palestine”.

Problème: à moins d’éradiquer physiquement les palestiniens vivant en Israël et dans les Territoires, Israël va devoir choisir entre deux modes: intégrer les palestiniens en tant que nouveaux citoyens et disparaître, dans un avenir relativement proche, en tant qu’Etat juif du fait de la supériorité numérique des palestiniens, ou laisser tomber la démocratie et refuser l’égalité citoyenne (essentiellement, le droit de vote) au palestiniens afin de rester un Etat juif. Autrement dit, la démocratie ou l’apartheid.

Nul besoin d’être grand clerc pour savoir quelle solution sera choisie, si ce n’est pas déjà fait. Israël se définit comme un Etat juif, et Etat juif il restera. L’ONU votera bien sûr des résolutions contre le refus des juifs d’accorder un statut de citoyen aux palestiniens tout en leur refusant leur propre Etat, mais à moins d’un changement cataclysmique de la politique US, cela n’aura pas plus d’effet qu’avant.

En Israël, la décision de Trump s’est suivie de deux actes politiques notables: d’une part une résolution du parti majoritaire nationaliste Likoud demandant l’annexion de la Cisjordanie, d’autre part un amendement de la Knesset requérant que seule une “supermajorité parlementaire” pouvait désormais décider d’un quelconque abandon de souveraineté israélienne sur Jérusalem. Autrement dit, Israël est de facto en passe de devenir le Grand Israël, sur le dos des palestiniens et sans que personne ne bouge.

Pourtant, le risque pour Israël n’est pas nul. Trump et Kushner ne resteront sans doute pas très longtemps au pouvoir aux USA, et même s’il est évident qu’une Hillary Clinton, de par sa haine de l’Iran autant que sa propre incompétence, aurait à peu près la même posture que Trump, cette vieille garde pourrait se voir remplacée par une administration certes pro-Israelienne mais néanmoins soucieuse de sa propre crédibilité sur le théâtre international: le support manifeste et unilatéral à un pays non démocratique pratiquant l’apartheid, ça fait tâche quand même.

Contre cela la droite israélienne au pouvoir ne peut pas grand chose, hors le lobbying et le chantage victimaire (qui marche très bien ici aussi), mais il leur reste le filet de sécurité ultime: tant que le Moyen-Orient restera une poudrière maintenue dans un état d’équilibre précaire par la confrontation des deux axes mentionnés ci-dessus, personne en occident n’ira chercher des poux à Israël. Il suffit de maintenir un climat de guerre larvée suffisant en jouant sur la provocation à l’égard de l’Iran, sur le “juste” financement des terroristes sunnites, et sur la diabolisation de la Russie. En cela, les américains, les israéliens et les saoudiens sont passés maîtres. Il est évident qu’Israël va maintenir une pression importante sur la Syrie et le Liban, cherchant la provocation et les crises afin de faire oublier son système d’apartheid.

Le pire pour Israël serait un Moyen-Orient pacifié où les deux poids-lourds, l’Arabie saoudite et l’Iran, arrivaient à enterrer la hache de guerre au nom du bien commun. Un Moyen-Orient où l’islam radical, sunnite et chiite, laisserait peu à peu la place à des sociétés plus progressistes face auxquelles l’apartheid israélien apparaîtrait comme le nez au milieu du visage. Le Likoud n’a aucune intention de laisser advenir un tel climat de paix, sa survie et celle de l’Etat juif dépendant directement de la continuité du désordre moyen-oriental.

Il faudra bien qu’un jour l’ONU fasse respecter ses résolutions face à Israël, à moins de perdre définitivement ce qu’il lui reste de crédibilité. Il faudra également, ici, que les victimaires professionnels, CRIF et autres entités sionistes larmoyantes choisissent leur camp. Et espérer, surtout, qu’une alternative politique anti-apartheid arrive à se développer en Israël, avec pour objectif de revenir à une solution à deux Etats.

 

Notes:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2017/12/07/jerusalem-la-fin-des-oliviers-palestiniens/

(2) http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=40698#.WlfBHqjibb0

(3) https://www.monde-diplomatique.fr/2009/02/A/16775

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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