Benalla la land

Ah ce qu’on s’amuse en Benalla la land: Après la récupération politique des Bleus, à qui on n’a laissé que 15 minutes pour parcourir les Champs-Elysées noirs de monde afin de garantir un maximum de visibilité présidentielle lors de la garden-party élyséenne, l’affaire Alexandre Benalla ramène la Macronie dans la fange de l’abus de pouvoir dont la France est par ailleurs coutumière.

Après l’extension sans réelles limites des pouvoirs de renseignement sous Hollande, la mafia Squarcini-Guéant sous Sarkozy continuait avec une vieille habitude du pouvoir français remontant à De Gaulle et ses barbouzes de l’affaire Ben Barka, les écoutes téléphoniques open bar et l’attaque contre le Rainbow Warrior sous Mitterand, les emplois fictifs et les paillotes corses de Chirac, toutes choses n’étant probablement que la face émergée de l’iceberg.

En termes de gestion policière, la présence et le contrôle politique des manœuvres de police lors des manifestations est un fait établi, reconnu par les policiers eux-mêmes (1), et il n’est donc pas étonnant que le secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) David Le Bars déclare: “Alexandre Benalla est très connu dans le milieu policier (…) ce n’est pas la première fois qu’il vient sur un service d’ordre ou qu’il vient se mêler à des services de police (...) Les policiers de la préfecture de police le connaissent parfaitement et le connaissent en sa qualité : c’est quelqu’un qui a un poste très haut placé. En tout cas c’est le sentiment qui est partagé chez les policiers”. Il est “régulièrement sur les dispositifs opérationnels, il pilote différentes choses, sans qu’on sache qui l’a mandaté pour ça.”

Le pilotage politique des interventions policières en France est une des raisons pour lesquelles les manifs se passent souvent mal, l’intérêt politique pouvant être d’allumer un feu afin de pointer du doigt les “dangereux anarcho-gauchistes” ou autres ennemis du pouvoir. A la grande différence de l’Allemagne, par exemple, où la police reste maître du jeu lors de ce genre de manifestation, et où elle tente – notamment par la communication et la non-provocation – d’éviter les débordements.

Quand on sait, d’après le Secrétaire national du Syndicat indépendant des commissaires de police, que “Il (Alexandre Benalla) était connu depuis la campagne électorale. A de multiples reprises, lors de services d’ordre ou de voyages officiels, il a créé des incidents, en exigeant que tout le monde se mette à son service. Plusieurs fois, on est passé tout près d’affrontements physiques avec des fonctionnaires. Il considérait qu’il avait portes ouvertes partout”, il n’y a plus lieu de s’étonner que les choses tournent mal: un barbouze narcissique doté d’un sésame général (en échange de quoi on se le demande) qui pilote des actions de police et se mêle de tout, qui se sent supérieur aux principes élémentaires du droit au point de se prendre pour un flic et de taper sur n’importe qui pour le fun, n’est pas fait pour apaiser les relations entre police et population.

Surtout, un tel personnage n’est sans doute pas un cas isolé, et les couloirs du pouvoir regorgent probablement d’individus louches, de mercenaires et de courtisans douteux entraînant dans leur sillage des fonctionnaires et des membres de l’exécutif opportunistes qui les couvrent en échange de leurs bons services. Macron à raison quand il dit que la République est inaltérable: la corruption installée en son cœur semble effectivement inaltérable.

Côté police c’est évidemment la panique, chacun dénonçant, un peu tardivement, le fait archi-connu de ce type d’ingérence pour tenter de se dédouaner. Les CRS que l’on voit sur la vidéo incriminant Benalla savent très bien de qui il s’agit, savent que ce monsieur usurpe une identité policière et s’en prend gratuitement, avec ses collègues Nazis-en-Marche, à des passants, et pourtant non seulement ils (les CRS) ne font rien pour les en empêcher mais semblent même leur filer un coup de main.

Ceci est catastrophique pour l’image des CRS et de la police en général, d’autant plus que s’il s’était agit de “vrais” policiers ou CRS tabassant le jeune homme puis la jeune femme, cela aurait été perçu comme tout à fait normal – circulez il n’y a rien à voir. Situation qui nous rapproche fortement d’une situation de république bananière du fait de l’irresponsabilité pénale du Chef de l’Etat (2), irresponsabilité dont se drapent à l’envi les collaborateurs et hauts fonctionnaires: “c’est pas moi c’est le Chef qui le demande, Chef qui n’est pas tenu de s’expliquer”. Pratique.

Espérons que les mises en examen en cours dans le cadre de l’affaire Benalla mettront un peu de lumière sur les agissement occultes des proches de Macron, mais j’en doute. Ces gens ne sont pas cons et disposent de fusibles qui sauteront avant eux.

Notes:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2016/05/18/les-raisins-de-la-colere-anti-flic/

(2) https://www.marianne.net/debattons/editos/affaire-alexandre-benalla-les-irresponsables-de-l-elysee

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

10 réponses

  1. 885accablant

    Le président de la République a,de toute évidence,cautionné ET couvert les agissements illégaux d’un de ses plus proches conseillers(la liste des chefs d’accusation le visant est assez impressionnante).Après avoir pris acte des agissements,pourtant répréhensibles (condamnables à de multiples égards) dudit conseiller sa hiérarchie (le directeur de cabinet + le président lui-même)l’a recompensé et promu en le faisant bénéficier de privilèges supplémentaires pourtant déjà nombreux.Sur ce point le porte-parole de l’Elysée et le Ministre de l’Intérieur lui-même ont manifestement menti aux Français comme à leurs représentants (sénateurs).Les faits sont donc accablants.Les juges ont été saisis afin que l’ensemble des faits soient vérifiés et établis.La comparaison avec l’affaire du Watergate (= espionnage du parti démocrate sur ordre du président républicain Richard Nixon)n’est pas infondée.Le contexte politique et social(volonté de réformer la constitution en “muselant” le parlement,adoption de lois liberticides,refus de tout dialogue social,explosion des inégalités sociales,banalisation des violences policières…etc)dans lequel cette affaire survient est particulièrement défavorable au pouvoir exécutif.Cette crise politique et institutionnelle s’en trouve amplifiée,le contexte jouant le rôle de caisse de résonance.En effet,le lien entre le peuple français et son gouvernement est déjà passablement dégradé.L’image d’un président moderne,bienveillant,respectueux des lois,de l’Etat de droit et attaché à la démocratie risque d’être quelque peu écornée.Cette affaire benalla-macron qui a tardé à être révélée (car étouffée)ne fait que commencer.Ses effets sur le pouvoir en place devraient être dévastateurs à court,moyen et long terme.

  2. BARBOUZE ? Benalla n’est pas une exception dans la Vème République ! Avec ce genre d’oiseau, on fait un bond dans les années 60. Cette citation: Un barbu, c’est un barbu ! Trois barbus, c’est des barbouzes ! Si BENALLA est un barbouze, c’est qu’il doit y avoir d’autres autour de lui et donc à l’Elysée. Ou autrement, parcourez 15 ANS DE MAFIA, les barbus sont partout.

  3. Les réseaux … mafieux! Qui peut ainsi mettre sur écoute, enregistrer et diffuser aux médias ? Si les médias font leur travail, il est inquiétant de comprendre que les réseaux sous-terrains ont autant de pouvoirs. La dérive de Benalla est inacceptable, il devrait être jugé et condamné. Mais la démocratie est aussi mise en danger par les réseaux qui peuvent tout se permettre. Très inquiétant.

  4. 8885camarilla

    Notons que le voyou Benalla qui n’est même pas placé en détention préventive porte plainte contre l’association Anticor.C’est un peu comme si la mafia portait plainte contre la justice italienne.La France macronisée est mise cul par dessus tête, l’Etat de droit est humilié et piétiné ! Quand est-ce que l’on va dégager l’actuelle camarilla qui “dirige” la France ??La question est désormais posée:le compte à rebours est enclenché.

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