COP24: Le G20 croit-il vraiment aux prévisions du GIEC?

En ce jour de démarrage du futur fiasco que promet d’être la COP24 polonaise il est sans doute utile, pour commencer, de tenter de répondre à la question posée ce dimanche dans le journal l’Obs: COP24 : mais pourquoi tout le monde a l’air de s’en foutre ? (1). Pour Cécile Duflot, ancienne ministre Verte et nouvelle directrice d’Oxfam France : “Les ONG n’ont plus envie de participer à un truc dont l’utilité n’est pas prouvée. Si l’idée d’une COP, c’est de nous obliger à sauter de joie, en disant ‘Whaou, on a signé la COP24’, non… On a envie de dire : ‘Les gars, faites des trucs chez vous d’abord !'”

“Les gars”, donc, étant les dirigeants politiques et notamment ceux du G20 qui sont à l’origine de 85% des émissions de GES. Depuis l’accord de Paris fêté en grande pompe dans les salons et à grands coups de matraques dans les rues (2), rien n’a changé. Aucun des pays de l’UE n’a atteint ses objectifs, ni même vraiment essayé (2b). Les USA sont carrément partis. Le Brésil va suivre. La COP24 a pour motto “Pour une transition juste”, mais il faudrait déjà commencer par avoir une transition tout court. Et comme c’est parti ce n’est pas près d’arriver, surtout si certains tel l’ami Macron tentent d’utiliser la transition écologique comme argument de pression fiscale (3).

Ceci relève t’il d’une forme de fatalisme de masse, les populations acceptant de fait l’idée d’une survie incertaine dans les décennies à venir plutôt qu’une profonde remise en question de leur mode de vie actuel? On peut le penser. Si on s’en tient au scénario du GIEC et au vu des “efforts” actuels et anticipés de diminution des émissions de CO2, la cible des 2°C à l’horizon 2050 est déjà largement dépassée et on aura de la chance si on ne dépasse pas les 5% en 2100.

Autrement dit même une transition écologique radicale aujourd’hui n’empêcherait pas ce réchauffement, même si elle en limiterait peut-être les effets. Si on ajoute à cela que la plupart d’entre nous seront morts bien avant cette date, il n’est pas étonnant que tout le monde ait l’air de s’en foutre.

A partir de ceci on peut soit organiser des COP pour rien, soit chercher à anticiper et agir sur les effets de ce réchauffement qui semble inéluctable. Mais c’est aussi peut-être l’occasion de remettre en cause certains postulats car il est également possible que la – réelle – raison pour laquelle la plupart des pays ne font pas grand chose pour réduire leurs émissions de GES est que leurs décideurs n’y croient tout simplement pas. Qu’ils ne croient pas au scénario du GIEC, qu’ils ne croient pas que le réchauffement actuel est fondamentalement lié aux émissions de GES dues à l’activité humaine. Que pour eux les COP et autres prises de position pour l’écologie ne sont qu’un grand théâtre.

La majorité des dirigeants du G20 sont ils en réalité, à l’instar de Trump ou Bolsonaro qui ont tombé le masque, des climato-sceptiques qui voient la transition écologique avant tout comme un instrument de contrôle social, une opportunité pour imposer des politiques autoritaires et liberticides repeintes en vert? Ces dirigeants croient-ils le GIEC? La thèse du réchauffement climatique anthropique est portée par le GIEC, qui est une institution politique dédiée à la promotion de sa thèse fondatrice (4). Devenu de facto juge et partie du débat climatique, il y a t’il des raisons de ne pas le croire?

Ce blog propose quelques articles associés à des thèses non anthropiques du réchauffement constaté, ici (5) et là (6) par exemple, mais au-delà de la critique des méthodes du GIEC existe t-il d’autres modèles justifiant un tel scepticisme? Sans doute, le problème fondamental des modèles du GIEC étant leur incapacité à coller avec l’évolution connue (donc passée) des températures. D’où l’idée menée par d’autres groupes de trouver un modèle qui commencerait pas prédire le passé correctement, avant de prétendre prédire le futur.

Le sujet est compliqué car il ne se limite pas à la seule relation CO2 – température, il doit prendre en compte toute la complexité climatique (effets cycliques, soleil, nuages, etc..), la pertinence des mesures (quelle est la fiabilité de mesures satellites de quelques mm de hauteur d’eau, la fiabilité des marégraphes en des lieux où c’est la croûte terrestre qui peut aussi monter ou descendre, etc..), et de tout cela déduire un modèle qui permette de rentrer d’un côté un taux de CO2 et sortir de l’autre une température globale moyenne qui colle avec la réalité observée – réalité issue des observations scientifiques depuis le 18ème siècle, et des témoins naturels tels les carottages de glaciers, les fossiles, les anneaux des arbres, etc…

Il existe en France un groupe de “climato-réalistes” (7) qui milite pour la promotion d’avis hors GIEC, groupe comprenant des personnalités connues de la sphère dite “climato-sceptique” tels Benoît Rittaud et Vincent Courtillot. Ce groupe avait soutenu le météorologue Philippe Verdier lorsque ce dernier se fit virer de France Télévision suite à la publication de son livre “Climat Investigation” (8).

Un autre groupe un peu particulier s’y colle depuis 2012 et a sorti ses premiers rapports en 2017, un groupe américain nommé The Right Climate Stuff (9). Particulier au sens où il n’est pas composé d’experts en climatologie mais d’anciens ingénieurs de la NASA, des experts en résolution de problèmes critiques (l’un d’eux, le Dr Harold H. Doiron, étant connu pour avoir trouvé comment éviter les turbulences destructrices au cœur des moteurs de fusées) qui, à la retraite, se sont inquiétés de l’approche à leur avis pseudo-scientifique du GIEC. Mais groupe qui sent aussi le souffre du fait de sa profonde intégration au sein de l’institut Heartland (10), un think-tank ultra-libéral américain pro-tabac, pro-armes et évidemment climato-sceptique de longue date.

Si on en reste aux aspects scientifiques, ce groupe propose un modèle de forçage climatique qui colle aux observations passées et qui prévoient un réchauffement, dans les condition actuelles d’émission des GES, de 1,8°c pour 2100. Le groupe ne remet pas en cause la réalité d’une période de réchauffement climatique, ni même qu’il soit en partie causé par l’homme, mais il dit que ce phénomène est pour l’essentiel une variation naturelle avec, en plus, une composante anthropique (émissions des GES) dont l’effet reste faible, en tout cas loin des prévisions alarmistes du GIEC.

Le graphique ci-dessous est au centre de l’argument du groupe TRCS car il montre l’écart entre tous les modèles du GIEC et les mesures réelles (ronds bleus et carrés verts), la ligne rouge épaisse étant la moyenne des modèles du GIEC.

models1

Un concept clé de l’analyse climatique est la sensibilité, définie par le GIEC comme étant la hausse de température associée à un doublement du taux de CO2 dans l’atmosphère, sensibilité donnée par le GIEC entre 2°C et 4,5°C, le plus probablement de l’ordre de 3°C et en tout cas au-dessus de 2°C qui est la limite avant que le climat ne passe – dixit le GIEC toujours – à un stade incontrôlable. Le groupe TRCS, se basant sur plusieurs études non liées au GIEC, estime que la sensibilité réelle au CO2 ne dépasse pas 1,5°C, ou 1,8°C en prenant en compte tous les GES (et pas seulement le CO2), Selon le développement des émissions des GES dans le futur, si elles continuent à augmenter au pro-rata de la croissance mondiale on y sera en 2050, si les émissions en restent à leur niveau actuel plutôt vers 2080.

Ce point de vue, une sensibilité nettement plus faible du climat aux émissions de CO2 par rapport aux modèle du GIEC, est aussi partagé par le Pr François Gervais, rapporteur critique auprès du GIEC, qu’il exprimait en 2015 dans cette tribune à l’institut Schiller (11).

Il existe donc de réelles oppositions aux prévisions du GIEC, oppositions qui ne nient pas nécessairement un effet anthropique mais qui évaluent différemment la sensibilité du climat aux émissions de GES, et donc la température finale prévisible si rien ne change en matière d’émissions dans les décennies à venir – voire si elles continuent à augmenter, le cas le plus probable en réalité. En effet il existe une corrélation forte entre la croissance de la population mondiale et les émissions de CO2 (12).

Malgré son mix énergétique très favorable en matière d’émissions (seule 10% de la production électrique française est d’origine fossile, contre 65% à l’échelle mondiale, du fait de la forte proportion nucléaire (13)), la France n’arrive pas à tenir ses objectifs. Elle doit s’attaquer aux questions de l’isolation du bâti et des transports pour avancer, mais la plupart des pays du G20 connaissent une situation bien pire et même s’ils investissent dans le renouvelable, les politiques actuelles en vigueur depuis les USA à la Chine en passant par l’Europe, la Russie, l’Afrique et l’Amérique Latine, politiques essentiellement axées sur la croissance économique à fort taux de carbone, n’ont aucune chance de réduire sensiblement les émissions de GES.

Il est donc temps d’arrêter les incantations et de jeter un regard lucide sur ce qu’il se passe. Qui, parmi les dirigeants du G20, croit vraiment ce que dit le GIEC? Nous devons exiger une confrontation scientifique ouverte entre le GIEC et d’autres points de vue, même associés à des bords politiques détestables pour autant qu’ils soient scientifiquement acceptables. Car de deux choses l’une, soit le GIEC a raison et on ne peut tout simplement plus tolérer de régimes politiques qui foncent droit dans le mur mais accepter une brusque décroissance économique, soit le climat est bien moins sensible à l’activité humaine que ce que dit le GIEC et réduire brutalement nos émissions ne changera rien, il faut plutôt accompagner un mouvement qui se fera de toute manière.

Pour l’instant nous avons le pire des deux mondes, d’un côté un catastrophisme climatique hautement médiatisé et de l’autre une réponse très largement inadéquate, une vraie schizophrénie d’où il est urgent de sortir.

 

Notes:

(1) https://www.nouvelobs.com/planete/20181201.OBS6399/cop24-mais-pourquoi-tout-le-monde-a-l-air-de-s-en-foutre.html?fbclid=IwAR0RDvccMkyHXGvw4tygr5k3nJXUCJdqYLMYIAm03t8b57HxCnBfjZraTs0

(2) https://zerhubarbeblog.net/2015/11/08/flic21-perte-de-temps-et-crise-dangoisse-climatique/?_ga=2.216700190.967938474.1543506753-1363598453.1499013386

(2b) https://www.franceculture.fr/ecologie-et-environnement/cop24-comment-va-la-planete-trois-ans-apres-laccord-de-paris

(3) https://zerhubarbeblog.net/2018/11/22/de-la-recuperation-des-gilets-jaunes-a-la-survie-en-milieu-rural/

(4) http://www.skyfall.fr/2018/01/16/la-fabrication-du-consensus-lhistoire-du-debut-du-giec/

(5) https://zerhubarbeblog.net/2017/08/23/remise-en-cause-du-co2-dans-le-rechauffement-climatique/

(6) https://zerhubarbeblog.net/2013/01/23/fritz-vahrenholt-et-le-climat-une-seconde-opinion/

(7) https://www.climato-realistes.fr/association-des-climato-realistes/

(8) https://www.lexpress.fr/actualite/societe/meteo/philippe-verdier-le-monsieur-meteo-climatosceptique-du-service-publique_1725197.html

(9) https://www.therightclimatestuff.com/

(10) https://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_Heartland

(11) http://www.institutschiller.org/Le-climat-reel-valide-t-il-les.html

(12) http://euanmearns.com/global-co2-emissions-forecast-to-2100/

(13) https://zerhubarbeblog.net/2018/11/21/climat-et-promotion-nucleaire/

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

23 réponses

  1. jean-Luce Morlie

    Bonjour,

    Merci pour vos articles, je laisse trois réflexions afin de les partager égalment avec d’autres visiteurs de passage.

    La mise à l’avant-plan du rôle du CO2 anthropique dans le changement climatique permet de faire oublier que la destruction de la variété des espèces et de paysage, comme la fragilisation des sociétés, est due au néocapitalisme. Le système global est en effet seulement orienté sur l’accroissement de la richesse d’un petit nombre.

    J’ai été frappé par la crise de nerfs de Claire Nouvian demandant que le climatoscepticisme soit assimilé au négationnisme: c’est désormais acquis, mettre en doute l’importance le rôle du CO2 anthropique et le dissocier de la causalité politique est devenu une marque d’infamie.

    De même, l’instrumentalisation de Mlle Thundberg annonce la mise en place d’un autoritarisme vert ; et l’interdiction de la pensée libre et critique. Il sera désormais très difficile de nous déprendre des chemins mnésiques par lesquels le petit nombre des riches orientera l’avenir, encore une fois à son seul profit.

    Jean-Luce Morlie

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.