Faut-il couler les baleiniers japonais?

Le Japon est le pays le plus farouchement attaché au barbarisme qu’est l’industrie de la chasse à la baleine. Avec la Norvège et l’Islande il forme le trio de tête des braconniers des mers. Pourtant membre de la Commission Baleinière Internationale (IWC, pour International Whaling Commission) depuis 1951, il a refusé de se soumettre au moratoire sur cette activité adopté par la IWC en 1982, n’arrêtant officiellement la chasse commerciale qu’en 1988 après avoir annoncé, un an plus tôt, le lancement d’un programme de “recherche scientifique” sur les baleines dans l’océan antarctique.

Recherche évidemment bidon, une simple couverture pour continuer la chasse dans ces eaux riches en cétacés (1). En 1994 le Japon lance un autre programme de “recherche” dans le Nord-Ouest du Pacifique. Tout ceci se passant sous couvert de l’IWC qui “reconnait” l’argument de “recherche” japonais, personne n’intervient jusqu’à ce que l’ONG Sea Shepherd, créée en 1977 Paul Watson – l’un des fondateurs de Greenpeace – se mette aux trousses des baleiniers japonais à partir de 2005.

Neuf ans plus tard en 2014, après des années d’escarmouches navales, la Cour de Justice Internationale ordonne l’arrêt des “recherches” du Japon. L’année suivante le Japon se remet à la “recherche” en Antarctique mais en s’imposant un quota annuel de 333 baleines. Sea Shepherd continue évidemment ses actions de guérillas contre les tueurs nippons, qui investissent des millions de dollars en équipements de surveillance et de protection afin de déjouer les pièges des commandos écologistes qui n’ont pas froid aux yeux:

En septembre 2018 le Japon propose à l’IWC de permettre à nouveau la pêche légale de la baleine, proposition rejetée par l’IWC. Coup de théâtre ce 20 décembre 2018: le Japon annonce qu’il va se retirer de l’IWC.

Cette décision a deux conséquences immédiates: d’une part le Japon n’est plus tenu d’obéir (ou de faire semblant d’obéir) aux règles de l’IWC, d’autre part il ne pourra plus prétendre faire de la “recherche” sous couvert de l’IWC. La communauté internationale a critiqué ce retrait. Greenpeace parle de “grave erreur”. La décision pourrait poser un problème légal au sens où le Japon a signé la Convention des Nations Unies sur la réglementation maritime et que celle-ci stipule que la ressource maritime doit se gérer via des organisations internationales.

Pour Paul Watson / Sea Shepherd par contre, ce retrait est une excellente chose et il s’en explique ainsi (3):

  1. Le Japon ne peut plus se cacher derrière l’argument de recherche et défie ouvertement les lois internationales de conservation de l’espèce.
  2. Débarrassée du Japon, l’IWC pourra enfin faire exister le Sanctuaire baleinier de l’Atlantique Sud et s’occuper pleinement de la conservation des baleines plutôt que la gestion de la chasse.
  3. Les petits pays clients du Japon qui siègent à l’IWC n’auront plus de raison de voter en faveur du Japon, et ceux tels la Mongolie qui n’ont rien à y faire sinon se faire acheter leur voix par le Japon, s’en iront d’eux-mêmes.
  4. L’IWC pourra voter la condamnation définitive de la chasse industrielle à la baleine.
  5. L’Antarctique étant sanctuarisé, le Japon ne pourra plus y chasser “légalement” sous couvert de “recherche” et il est très possible qu’il arrête effectivement ses activités dans cette région.
  6. Sortir de l’IWC permet au Japon d’arrêter la chasse en Antarctique sans perdre la face.
  7. L’opposition à la chasse par les Japonais deviendra plus simple du fait que cette chasse relèvera purement et simplement du braconnage, sans couverture de “recherche” via l’IWC.
  8. L’objectif fixé par Sea Shepherd d’abolir la chasse à la baleine dans les mers du Sud / Antarctique aura été atteint.

Le gouvernement japonais justifie sa position en disant que des pêcheurs japonais vivent de cette chasse et que l’on ne peut pas tout arrêter ainsi. C’est un peu comme dire que l’industrie nucléaire, sujet à consonance très particulière au Japon, doit perdurer car elle emploie beaucoup de monde. Ce qui est vrai, surtout pour nettoyer après les accidents.

Si le Japon confirme effectivement ce retrait, qu’il avait déjà voulu faire en 2007 mais avait reculé face aux pressions américaines notamment, la flotte baleinière japonaise se retrouvera définitivement hors-la-loi. Est-ce le signe d’une volonté de sortir de cette industrie sans paraître plier sous la pression des anti-baleiniers, Sea Shepherd en tête, ou est-ce une déclaration de guerre?

Il est trop tôt pour le dire mais dans le second cas je participerais volontiers à un éventuel crowd-funding de Sea Shepherd pour installer des tubes lance-torpilles sur ses navires d’interception.

Liens et sources:

(1) https://www.smh.com.au/politics/federal/the-shocking-japanese-whaling-footage-the-australian-government-wanted-to-hide-20171127-gztg06.html

(2) https://english.kyodonews.net/news/2018/12/05bd54236e5a-urgent-japan-to-withdraw-from-iwc-to-resume-commercial-whaling-sources.html?fbclid=IwAR3iDDTG2tybL0x0mxnvel74N71gPdVBgpxX6ejE0qzAAkVzbc0gWmIg5eM

(3)

Autres liens:

https://www.livescience.com/62682-japanese-whalers-murdered-122-pregnant-whales.html?utm_source=notification

https://en.wikipedia.org/wiki/Minke_whale

http://hsi.org.au/assets/user/default/SC_67B_SCSP_08_2018.pdf

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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