Gilets jaunes: après l’insurrection, le suicide qui vient.

Les mêmes causes ayant tendance à produire les mêmes effets, la transformation d’une cause servant l’intérêt général en une cause partisane tend à effacer son potentiel d’influence au profit de ses pires opposants.

La décision d’une partie des Jaunes à suivre l’exemple des Verts relève à mon sens d’une erreur stratégique majeure. Les Verts, à la base, sont une mouvance d’intérêt général transpartisane. L’écologie, la défense de l’environnement et, aujourd’hui, la prise en compte de l’effet climatique concernent tout le monde et devraient exister au sein de toutes les mouvances politiques vu que personne, hors quelques illuminés genre Trump ou Bolsonaro, n’a intérêt à ne pas prendre en compte la question écologique.

Malheureusement les Verts ont préféré créer des partis “verts”, concurrençant ainsi les autres partis auxquels ils pouvaient piquer des voix. Ceci les a obligé à former des alliances plus ou moins foireuses, entrer et sortir de gouvernements qui les utilisaient comme faire-valoir, pour terminer aujourd’hui dans les marges folkloriques de la politique politicienne alors que le monde entier fait face à une crise écologique majeure. C’est un comble.

Les Verts auraient dû intégrer les autres partis pour les “verdir” plutôt que confisquer le label “écolo” au profit de la frange la plus gauchiste du spectre politique, et finalement tout perdre. On peut parfaitement être de gauche ou de droite, voire même d’extrême-gauche ou d’extrême-droite, et avoir une conscience écologique, une compréhension des enjeux liés à l’environnement.

Certes aujourd’hui cette conscience existe un peu partout, mais la faiblesse de la représentation écolo au sein des partis traditionnels, au-delà de la façade, plombe leur capacité à réellement avancer. Ces partis font de l’écologie plus en fonction des probabilités électorales des Verts que d’une réelle motivation endogène. Il suffit de demander à Nicolas Hulot.

L’entrée en politique politicienne du mouvement des Gilets Jaunes me semble vouée au même échec. Aux européennes de mai ils vont sans doute phagocyter quelques voix à la gauche, aux insoumis, aux Verts mais de ce fait renforcerons les positions LREM voire LR voire RN. Marine Le Pen, pour le coup, joue habilement la carte des GJ. Elle ne cherche pas la récupération mais caresse doucement dans le sens du poil, sachant que l’électorat plutôt rural et travailleur smicard qui fait le gros des troupes des GJ est sans doute plus sensible, à choisir, aux arguments du RN que des Insoumis plus urbains et “intellos”.

Les Gilets jaunes, comme les Verts du début, parlent au nom de l’intérêt général. Ils réclament une vie décente, une politique fiscale juste et raisonnable, une prise en compte de leur réalité par la nomenklatura parisienne. L’arrogance, la violence et l’hypocrisie de cette dernière, malgré quelques gestes d’apaisement avec la prime du smic, fait perdurer un mouvement de gens qui ne supportent plus d’être les éternels dindons de la farce.

Tous ces GJ ne sont pas homogènes politiquement, certains sont plus de gauche d’autre plus de droite, mais ils se retrouvent sur une revendication commune, celle d’origine: arrêt du racket routier, de la fiscalité punitive, des inégalités extravagantes du modèle néolibéral de Macron et des régimes français depuis 20 ans, de l’exclusion de la volonté du peuple dans la pratique politique.

Ces revendications, les GJ devraient les porter au sein des partis politiques et/oui des syndicats dont ils sont le plus naturellement proches, porter le combat aussi bien chez Mélenchon que chez Wauquiez que chez Le Pen ou chez Faure (le patron du PS. Oui il faut désormais préciser…). Certains peuvent même essayer chez Macron, mais là c’est tellement verrouillé qu’effectivement il ne faut pas trop compter dessus. Il faudrait avoir des GJ au sein de tous les conseils d’administration de ces partis et des syndicats, des représentants non pas d’utopies politiques mais de revendications concrètes et partagées par tous.

Cela n’empêche pas qu’il y ait une compétition politique entre partis au nom d’idéologies ou d’utopies politiques différentes, c’est même tout l’enjeu démocratique. On peut espérer que, tout comme tous les partis acceptent aujourd’hui le principe des congés payés, de l’assurance maladie, du chômage, tous accepteront demain les principes de justice fiscale, de respect des modes de vie non parisiens, de démocratie participative par RIC interposé.

La pire des choses serait de voir tout ceci disparaître dans le broyeur politicien, un parti Gilets jaunes qui perdrait vite et son âme et sa vitalité dans un combat nihiliste pour les voix et les postes bien rémunérés.

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A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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