Brexit Poker 9 – Sans backstop mais vers quel avenir?

Le 15 janvier Theresa May perdait le vote au Parlement britannique pour son accord de sortie conclu avec l’Union Européenne. Le 16 elle survivait à une motion de censure montée par l’opposition, le Labour mené par Jeremy Corbyn (1). Sommée de proposer un nouveau projet dès le lundi suivant mais n’ayant rien à offrir, le débat politique s’est depuis lors focalisé sur la proposition d’une série d’amendements soumis au vote ce soir, mardi 29 janvier 2019.

En parallèle, la pression à l’encontre d’un Brexit sans accord ou hard Brexit, aujourd’hui rebaptisé No deal Brexit, a sérieusement augmenté avec le refus de May d’entériner l’impossibilité d’un tel événement.
Matt Griffith, directeur de l’association des chambres de commerce britanniques, informait le pays qu’une partie conséquente des ses 75 000 membres se préparait activement à un No deal. Préparations allant du stockage massif de produits à la recherche de bureaux et sites industriels en Europe.

Tom Enders, le patron de Airbus qui emploie 14 000 personnes au RU pour la fabrication des ailes des avions Airbus, a clairement indiqué qu’en cas de No deal l’opération britannique de Airbus pourrait bien s’envoler vers l’Europe avec armes et bagages (2). Plusieurs ministres du gouvernement, dont le ministre de l’économie Richard Harrington, ont publiquement menacé de démissionner si le Parlement ne repoussait pas la date de sortie (le 29 mars 2019) ou ne rendait pas impossible une sortie sans accord.

La clé du problème reste le fameux backstop irlandais, l’obligation pour le RU de rester dans l’union douanière européenne afin d’évier le rétablissement d’une frontière dure entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, frontière considérée inacceptable par les Irlandais car incompatible avec les accords de paix de Good Friday. Mais frontière qui, en cas de No deal, serait automatiquement réinstallée par l’UE et pourrait très facilement remettre le feu aux poudres en Irlande du Nord.

Le Parlement recherche une issue à cette situation sans issue. Un amendement soumis au vote ce soir, l’amendement Brady, imposerait au gouvernement de trouver une solution alternative à la fermeture de la frontière inter-irlandaise comme condition pour accepter un accord de sortie. Quelle solution, personne ne le sait et c’est bien le problème (3).

Theresa May s’oppose au vote d’un amendement, introduit par l’opposition, interdisant le No deal car elle perdrait alors la seule arme lui permettant de “fouetter” les parlementaires britanniques en direction de son accord de base, celui rejeté le 15 janvier mais qui leur semblerait “moins pire”, sans doute, qu’une sortie sans accord. Le combat en cours est un combat entre les parlementaires opposés à un No deal ou à l’accord de May, et le gouvernement et ses alliés qui, certes, ne veulent pas vraiment d’un No deal mais préfèrent cette option à un second référendum.

Une solution intermédiaire est proposée sous un autre amendement, appelé l’amendement Yvette Copper du nom de sa génitrice, visant à repousser la date de sortie à la fin de 2019 si Theresa May n’a rien de mieux à offrir d’ici fin février. Un autre amendement, par Rachel Reeves, propose de repousser cette date de sortie encore plus loin, à l’horizon de mars 2021. Ceci permettrait aux Britanniques de se remettre en ordre de marche sous un nouveau gouvernement.

Dominic Grieve, encore lui (4), a réussi à introduire un amendement modifiant carrément les règles de fonctionnement du Parlement en stipulant qu’un projet (motion) introduit par un minimum de 300 députés dont au moins 10 conservateurs (parti au gouvernement) serait automatiquement discuté en priorité à la session parlementaire suivante. A l’heure actuelle le choix de ce qui est discuté ou pas en séance est soumis à l’aval du Speaker, actuellement John Bercow, qui n’est pas un ami de Theresa May.

Résultat du vote:

L’amendement A, proposant de préférer toute forme d’union douanière à un No deal Brexit a été refusé par 31 voix. Une victoire pour les Conservateurs.

L’amendement O, soumis par les Écossais du SNP et les Gallois de Plaid Cymru vise à interdire un No deal et demande la prolongation de l’article 50 (date de sortie), ainsi que le respect de la volonté de ces peuples de ne pas quitter l’UE. Vote très largement perdu par ses initiateurs. Seconde victoire des conservateurs.

L’amendement G, de Dominic Grieve: Défait, à nouveau au profit des Conservateurs.

L’amendement B “Yvette Copper” pour l’extension de l’article 50 à la fin de 2019: Défait.

L’amendement J “Rachel Reeves” pour le report de l’article 50 de deux ans. Défait.

L’amendement I “Spelman” visant à interdire l’option d’un No deal: Gagné par seulement 8 voix. Première défaite de la soirée pour Theresa May.

L’amendement “Brady” est passé, par 16 voix, donnant à Theresa May le support du Parlement afin de trouver une alternative au backstop irlandais, en échange à l’acceptation de son accord originel ainsi modifié. Je ne vois pas ce que l’UE peut répondre à cela, ayant déjà dit “non” en principe, mais l’avenir proche nous le dira!

Liens et sources:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2019/01/16/brexit-poker-8-communes-sous-haute-tension/

(2) https://www.theguardian.com/politics/2019/jan/26/brexit-british-firms-mass-exodus-no-deal?CMP=Share_AndroidApp_Tweet

(3) https://www.theguardian.com/politics/2019/jan/22/no-deal-brexit-would-mean-hard-irish-border-eu-confirms

(4) https://zerhubarbeblog.net/2019/01/09/brexit-poker-7-lamendement-chagrin/

(5) https://www.theguardian.com/politics/live/2019/jan/29/brexit-vote-commons-latest-news-developments-liam-fox-says-may-now-saying-withdrawal-deal-text-must-be-rewritten-politics-live

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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