Brexit Poker 11 – Coup de feu à U.K. Corral

Mardi soir Theresa May a à nouveau perdu, par une large majorité de 149 voix contre, sa seconde tentative pour faire approuver son accord de sortie de l’UE. Sa proposition était la même que celle du mois de janvier (1) avec quelques modifications sur la question centrale du backstop irlandais. Cela n’a pas convaincu le partenaire nord-irlandais DUP du gouvernement de May, arc-bouté contre toute forme de fermeture de la frontière entre les deux Irlandes ou entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni.

A 17 jours de la date de sortie officielle du RU, le Parlement britannique reste, à l’image de la population en général, tout aussi divisé: une majorité ne veut pas de deal à la sauce May, et ne veut sans doute pas non plus d’une sortie sans accord car consciente de la probable catastrophe économique et sociale que cela entraînerait.

Si rien ne change d’ici le 29 mars c’est bien un No deal Brexit qui s’imposera par défaut, à moins que le RU ne demande à l’UE de repousser la date de sortie, ou que May n’arrive, avec le Parlement dos au mur, à faire passer son accord en force.

Le No Deal dans la balance.

Ce mercredi les députés britanniques vont donc devoir décider s’ils acceptent la possibilité d’un No deal, et s’ils refusent effectivement cette éventualité (ce qui semble probable mais rien, dans cette saga, n’est jamais acquis d’avance (2)) ils devront décider jeudi s’ils demandent une extension à l’UE, demande qui devrait être motivée par un objectif crédible car l’UE, en soi, n’a rien à gagner à attendre pour rien.

Si les députés rejettent un No Deal on voit mal comment ils ne pourraient pas soumettre une demande d’extension vu le peu de temps qu’il leur reste pour imaginer d’autres solutions. S’ils rejettent la demande d’extension la seule possibilité hors coup de théâtre semble être que May soumette son plan une troisième fois, obligeant de fait les députés à l’entériner vu qu’ils se seraient empêchés pas ailleurs de sortir sans plan.

Mais les négociateurs européens ont d’ores et déjà signalé que le jeu avait assez duré et qu’ils ne négocieraient plus rien avec Theresa May tant que le Parlement britannique n’accouche pas de quelque chose. L’UE n’est a priori pas opposée à une extension courte se terminant avant les prochaines élections européennes du 26 mai. Les Britanniques pourraient donc gagner quelques semaines tout au plus, mais pour faire quoi? That is the question.

Le compromis Malthouse

Si le RU demande une extension allant au-delà du 26 mai, cela impliquerait que des candidats britanniques devraient se présenter aux élections européennes vu que le RU en ferait toujours partie, un non-sens si c’est pour partir peu après. Cette option existe au sein du Parlement britannique, elle s’appelle le Malthouse Compromise du nom du ministre du logement Kit Malthouse qui a pu convaincre des députés des deux côtés des Communes de promouvoir une solution basée sur une extension courte suivi d’une période de transition longue (jusqu’à fin 2021) associée à une re-définition du backstop irlandais applicable indéfiniment, mais encadrée par une volonté affichée de tisser des accords stables entre le RU et l’UE sur le long terme (3).

Donc soit les députés britanniques votent contre le No deal avec ou sans extension et cela va se jouer entre le plan de Theresa May et un second référendum pour sortir de l’impasse, soit ils acceptent le No deal et là, sauf victoire à l’arrache de dernière minute de May, on est parti pour le Grand Bordel.

La question douanière.

Les douanes françaises se sont amusées à simuler l’obligation systématique de contrôle aux frontières des camions, pourrissant la vie des dizaines de milliers de gens dans des embouteillages monstres sur l’autoroute de Calais (4).

Côté britannique, on propose des trains de mesures pour éviter l’asphyxie. En matière alimentaire, plus d’un tiers de la consommation britannique provient de l’UE, aujourd’hui importée sans taxe du fait de l’UE mais, en cas de No deal Brexit, la règle de l’OMC s’appliquerait pas défaut et renchérirait ces importations à hauteur de 9 milliards de livres (5), un choc pénible pour les ménages les plus précaires et cause probable d’émeutes à venir.

Problème compliqué par l’impossibilité politique d’imposer ces taxes à la frontière entre République d’Irlande (membre de l’UE) et Irlande du Nord. Cette frontière deviendrait donc du jour au lendemain un paradis de contrebandiers, important au black des produits de l’UE détaxés.

Le gouvernement britannique propose donc d’annuler purement et simplement ces taxes douanières pendant au moins un an, évitant le plus possible la hausse des prix alimentaires (il y aura des hausses sur de nombreux autres produits de toute manière) et une situation inextricable à la frontière entre les deux Irlandes.

C’est le coup de feu à U.K. Corral.

Liens et sources:

(1)

(2) https://www.theguardian.com/politics/2019/mar/13/ministers-expected-to-vote-to-rule-out-no-deal-brexit

(3) https://www.theguardian.com/politics/2019/jan/29/the-malthouse-compromise-everything-you-need-to-know-brexit-vote

(4) https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/brexit-douaniers-maintiennent-leur-mouvement-calais-dunkerque-point-circulation-1633872.html

(5) https://www.theguardian.com/politics/2019/feb/23/uk-food-imports-from-eu-face-9bn-tariff-bill-under-no-deal-brexit

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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