Qu’est ce qu’un journaliste?

Question motivée par la toute récente affaire Gaspard Glanz, ce journaliste indépendant associé à Taranis News qui couvre les luttes sociales depuis dix ans, et qui fut placé en GAV samedi dernier pour un doigt d’honneur – mérité – envers un policier agressif.

A sa sortie, ce lundi soit après presque deux jours d’incarcération, Gaspard Glanz indiquait n’avoir pas été reconnu par la “justice” en sa qualité de journaliste du fait qu’il n’a pas de carte de presse, ce qui pour lui n’a rien à voir avec le fait d’être ou non un journaliste, et de se voir interdit de présence à Paris lors de manifestations jusqu’à son procès en octobre prochaine.

Outre le flagrant délit de justice politique quand on compare ce qui est imposé à Gaspard Glanz, pour un mouvement d’humeur, et ce qui est imposé à un certain Benalla (1) pour des affaires d’une toute autre importances, ce pose la question du “délit de journalisme”.

Selon le droit français, malheureusement méconnu aussi bien des policiers que des magistrats à la solde du régime Macron, un journaliste est ainsi définit:

Les articles L7111-3 à L7111-5 du Code du travail précisent qu’est « journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». Ces publications peuvent être électroniques. Tout journaliste professionnel est couvert par la Convention collective nationale de travail des journalistes.

L’exercice du journalisme est libre en France et n’est pas réservé aux journalistes professionnels. Il peut être exercé, par exemple, dans le cadre d’un média associatif ou autre, à but non lucratif et donc non enregistré à la Commission paritaire des publications et des agences de presse

Les conditions du statut de journaliste professionnel furent précisées par la Cour de Cassation en 2013 comme suit (2):

Le 25 septembre 2013, la Cour de cassation a jugé que la qualité de journaliste professionnel s’applique, d’une part, à toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ou, d’autre part, lorsque l’employeur n’est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale (Cass. Soc., 25 septembre 2013, n° 12-17516).

Il n’y a donc aucun doute possible, malgré les récriminations des commentateurs des médias officiels qui veulent faire croire qu’ils sont les seuls habilités à se proclamer “journalistes”, sur le fait que Gaspard Glanz – et tous les gens qui sont de facto impliqués dans la couverture et la retransmission régulière de la vie de la Nation – sont des journalistes.

Se pose alors la question de la carte de presse, qui pour beaucoup de gens semble être la preuve que l’on est un “vrai” journaliste. Énormément de gens qui couvrent des événements en tant que journalistes n’ont pas de carte de presse du fait que la commission qui délivre cette carte, commission composée de représentants syndicaux (3) dont l’objectif premier est de défendre le statut de journaliste affilié, non indépendant et au service des médias “officiels”, n’a aucune envie de donner un tel sésame à des gens comme Gaspard Glanz et intègre donc la notion d’employeur pour éliminer les candidats indépendants (4):

S’il s’agit d’une première demande, il faut exercer la profession depuis trois mois au moins consécutifs, et tirer de cette activité le principal de ses ressources, c’est-à-dire, plus de 50 %. Naturellement, les fonctions exercées doivent être de nature journalistique. Enfin, l’employeur doit être une entreprise de presse (écrite ou audiovisuelle) ou une agence de presse agréée. Pour un renouvellement, les conditions à remplir sont les mêmes, mais la régularité de l’activité s’apprécie sur les douze mois précédant la demande.

En dehors de la sphère des médias officiels détenteurs de cartes de presse, qui organisent l’information autour de lignes éditoriales validées par leurs actionnaires et clients publicitaires, le journalisme recouvre un large éventail d’approches et d’objectifs: journalisme civique visant à intégrer le plus possible le grand public, le journalisme citoyen relevant surtout de l’initiative personnelle, le journalisme open-source basé sur la technologie internet permettant de donner aux lecteurs l’accès à l’ensemble des sources qui fondent l’article en question – typiquement ce que ce blog essaie de faire – Indymédia, etc…

Aucune forme de journalisme ne garantit par elle-même l’objectivité ou la qualité de son contenu. Un média qui se dit “libre et indépendant” peut néanmoins rester très dépendant d’une idéologie. Le degré de confiance qu’on lui accorde va dépendre, notamment, de sa capacité à reconnaître son propre biais idéologique / politique / philosophique.

Problématique très bien illustrée par cet entretien de Frédéric Tadeï sur la chaîne Youtube de La Croix:

Le fait est que le tropisme autoritaire qui menace aujourd’hui l’ensemble de nos démocraties, et notamment la France, a les journalistes en ligne de mire. Cet article de mars dernier dans le NouvelObs ne dit pas autre chose:

Pressions et attaques contre les journalistes et les médias se sont encore accrues en 2018

« Le problème n’est pas neuf. Mais il s’aggrave jusqu’à devenir une menace pour le fonctionnement de la démocratie », s’alarme l’Observatoire de la déontologie de l’information.


https://www.nouvelobs.com/teleobs/20190314.OBS10746/pressions-et-attaques-contre-les-journalistes-et-les-medias-se-sont-encore-accrues-en-2018.html

Ce déni de démocratie fut magistralement illustré samedi avec la répression des journalistes par la police, institution à la dérive qui est en train de “suicider” sa légitimité en se transformant en police politique obscènement répressive (5).

On pourrait croire à un gag mais dans le classement 2019 de la liberté de la presse par RSF, la France pointe à la position 32. Juste après l’Afrique du Sud mais, heureusement, juste avant le Royaume-Uni (6).

Sommes-nous toutes et tous des journalistes?

Liens et sources:

(1)

(2)
https://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/conditions-reconnaissance-statut-journaliste-professionnel-12797.htm

(3)
http://www.ccijp.net/article-7-composition-de-la-commission-de-premiere-instance.html

(4)
http://www.ccijp.net/article-35-faq.html

(5)

(6)
https://rsf.org/fr/classement#

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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