Ce samedi dans la foulée de l’Acte 24 des Gilets jaunes, l’un des hommes les plus commentés du débat politique actuel, Juan Branco, publiait ce Facebook live en vue d’une mobilisation massive de la rue pour le 1er mai.
Ce blog publiait un premier article sur Juan Branco en janvier (1), avant la publication par l’éditeur Au Diable Vauvert du livre Crépuscule par ce même Branco, essai dont la version PDF était déjà disponible en accès libre et dont j’ai pu profiter. Depuis lors la publication de Crépuscule à fait des vagues, son auteur étant invité sur Thinkerview ainsi que, paraît-il, chez un certain âne Nouna dont je n’arrive jamais à retrouver la trace.
Pour une révolution sans effondrement.
Dans son long message de samedi, Branco en appelle à une révolution qui se fasse sans effondrement de l’Etat. Il pense possible que le régime Macron soit actuellement, lui, au bord de l’effondrement et qu’il est nécessaire de mettre certains membres du gouvernement actuel en prison pour corruption, citant en particulier Edouard Philippe dans le cadre de l’affaire AREVA / Uramine (2). Nul doute que Castaner et son apologie de la violence policière sauvage et fascisante soit également sur la liste des salopards à interner d’urgence.
Branco parie donc sur un mouvement massif ce 1er mai, qui serait nécessairement une confrontation entre ce qu’il estime toujours être un mouvement supporté par une majorité de Français et un régime aux abois qui ne tient que grâce à sa garde prétorienne, ses divisions de robocops et sa justice opérant par abus massif de pouvoir (3). Même le Financial Times se pose la question, c’est dire (4).
Quoi qu’il arrive dans les semaines ou les mois à venir il me semble qu’une chose au moins est démontrée: la France est beaucoup plus proche d’une démocrature à la Turque que d’une démocratie au sens premier du terme. Macron est mentalement beaucoup plus proche d’un Erdogan ou d’un Orban que d’une Merkel. Le pays est sur la pente du fascisme et de la dictature policière et ceci devrait interpeller tout.e Républicain.e, de gauche comme de droite.
Justice et police, ainsi que la majorité des médias même si l’affaire Gaspard Glanz semble avoir ouvert quelques yeux dans le petit monde du journalisme accrédité (5), n’ont aucun respect pour la légalité et le principe républicain dès lors qu’il s’agit de protéger un régime dont dépendent leurs privilèges.
Je pense que même chez ceux et celles qui ne supportent pas ouvertement le mouvement des Gilet jaunes, mais qui ne sont pas non plus les clients du régime, l’éclairage sur la réalité oligarchique du système français offert par Crépuscule, associé à l’aspect illégitime de la répression policière et judiciaire en cours, aura un effet de rejet du régime Macron.
Les prochaines européennes pourraient s’avérer un désastre pour la Macronie, et pas seulement à cause de l’amateurisme crasse de sa tête de liste. Que pourrait alimenter ce rejet? Il y a de beaucoup d’eau à courir avant les prochaines présidentielles en 2022 donc l’enjeu, pour Juan Branco, est clairement de transformer la crise actuelle en une dynamique de renversement du régime à brève échéance tout en maintenant un Etat fonctionnel pendant la phase de transition.
L’aspect critique de la crédibilité
L’intérêt d’un opposant issu des mêmes milieux que l’oligarchie est qu’il ne peut pas dire n’importe quoi sous peine de perdre sa crédibilité, se voir ranger au même niveau que les révolutionnaires de salon ou les extrémistes, ceux qui en appellent à un “Grand Soir et on verra bien ensuite”. Ce type de Grand Soir ne pouvant mener qu’à un effondrement du fonctionnement de l’Etat et à la loi de la jungle dont profiteraient immédiatement les factions les plus violentes, il est trop dangereux pour qu’une minorité suffisante (voire une majorité) de Français l’envisagent, préférant naturellement subir une démocrature dont ils pensent déjà discerner plus ou moins le périmètre.
Donc pas de Grand Soir au lendemain triste mais une chute du régime ouvrant une phase de transition, transition qui serait gérée par une démocratie directe assignant des personnes de confiance aux postes de commandement des institutions, ce afin de maintenir la continuité de l’Etat.
Il faut pour cela que les procédures de démocratie directe soient en place dès le début de la phase de transition, donc pensées et préparées avant. Et cela est déjà en soi un énorme autant que passionnant chantier, un chantier auquel s’attellent déjà les Assemblées Générales des Gilets jaunes mais qui devraient impliquer un échantillon de la population bien plus large encore.
C’est alors dans le cadre de cette phase de transition que devaient se discuter et se décider les options politiques de cette nouvelle République, parmi lesquelles la relation à la monnaie, à l’Europe, à la fiscalité, etc… Branco pose ces questions, donne parfois ses idées mais en appelle surtout aux gens qui l’écoutent de participer à la discussion.
Il y a ici une réelle autant que rare opportunité de remettre en cause l’injonction d’adaptation au néolibéralisme et une reprise de contrôle du politique (6).
Juan Branco se donne un possible futur rôle de Procureur chargé d’instruire les procès à l’encontre de l’oligarchie: vérification des origines des fortunes, dénonciation de la corruption et des abus et privilèges, etc..
Pourquoi pas mais la difficulté première d’une telle transition, si elle ne doit pas se terminer avec l’élection pure et simple d’un nouveau représentant du même système, c’est de prévoir les effets concrets d’une politique de rupture afin de ne pas se retrouver, demain, face à une contre-révolution menée par un peuple affamé.
Comme les Britanniques le découvrent avec le Brexit (7), on ne peut pas faire fi des conséquences de ses choix politiques. Beaucoup d’opposants en appellent ici à un Frexit alors que le cas français est encore bien plus compliqué que le cas britannique, qui a des frontières naturelles et sa propre monnaie. Entre la situation actuelle et un Frexit il y a un éventail de solutions intermédiaires, avec par exemple la réintégration du franc en parallèle avec l’euro afin de protéger une partie de l’économie nationale, qui tournerait en francs. C’est ce que font les chinois avec le yuan, une monnaie à usage essentiellement interne dont la parité avec les monnaies extérieures est contrôlée politiquement.
Il y a en France des réalités qui ne tolèrent pas l’amateurisme du fait de possibles conséquences dramatiques: l’arsenal nucléaire militaire, la production et la distribution d’énergie et notamment celle d’origine nucléaire sont des éléments sur lesquels il serait impensable de perdre le contrôle. De même une dissociation brutale avec le système financier, sur lequel la France dépend pour son propre financement, aurait pour conséquence de fermer les robinets et un impact social immédiat.
Ces pièges, Juan Branco sait pertinemment qu’il faut les éviter si une nouvelle République doit s’installer durablement. Et il est loin d’être le seul à le savoir. J’espère donc qu’il ne va pas rester seul ou limité à une garde rapprochée composée de gens tels Etienne Chouard ou Michel Onfray, mais qu’une communauté de gens compétents et honnêtes va aussi faire un grand pas vers une alternative à la décadence actuelle.
Liens et sources:
(1)
(2)
https://www.liberation.fr/france/2016/02/10/areva-les-dessous-d-un-scandale-d-etat_1432481
(4)
https://www.ft.com/content/6fe3b1fc-40e1-11e9-9499-290979c9807a
(6)
(7)
Le point de vue de Claude Rochet: https://claude-rochet.fr/juan-branco-un-crepuscule-sans-aurore/?fbclid=IwAR1G2NID0X01w-RAHI_K8iRgPnM1k3hSh369ZtVqEIZXLcKqF28pAFzTiKE
Pourquoi focaliser sur Macron? Juan Branco, février 2019: https://youtu.be/f_5GyY9PlI0
Rébellyon n’y trouve rien d’intéressant : https://rebellyon.info/Le-best-seller-de-Juan-Branco-un-opuscule-20685