Du Big Bang à l’univers cyclique.

L’un des tous premiers articles sur ce blog s’intitulait Big Bang ou pas Big Bang? (1). Plus de dix ans après cette question a priori rhétorique, vu l’incontournable place que prend la théorie du Big Bang dans l’idée que nous nous faisons du monde, les problèmes inhérents à cette théorie n’ont toujours pas de solutions et, selon certains, il se pourrait bien qu’elle soit une fausse bonne idée.

Origine et possible fin de l’idée du Big Bang.

L’idée du Big Bang vient, essentiellement, de la découverte que l’univers est en expansion constante. Il semble donc logique que si l’on remonte le temps on contracte l’univers, et qu’à un moment donné tout soit regroupé dans une espèce de particule originelle, une singularité qui aurait “explosé” voici quelques 14 milliards d’années. Explosé et donné naissance à l’espace et au temps, qui – selon la Relativité d’Einstein – sont fondamentalement une et même chose d’où la question ennuyeuse: si le temps n’existait pas encore, comment quoi que ce soit aurait-il pu se passer?

Certains proposent alors, comme présenté dans l’article Big Bang, un début sans commencement ne suffit plus (2), un Big Bang associé à une singularité nue existant dans une cinquième dimension (chose possible dans le cadre de la théorie des cordes). D’autres encore estiment que quel que soit le type d’univers (expansion éternelle, big bang puis big crunch, oeuf cosmique) il ne peut pas ne pas y avoir eu un commencement.

On a pensé s’en sortir en invoquant un événement quantique: c’est une perturbation quantique qui aurait mit le feu aux poudres. Mais si l’on invoque le quantique alors cela engendre d’autres problèmes, et notamment celui de l’apparente homogénéité de l’univers car si l’univers sortait d’une explosion primale, d’un Big Bang, les fluctuations quantiques seraient apparues en même temps. Ces fluctuations sont l’apparition et la disparition aléatoires de particules, donc de concentrations d’énergies différentes en différents lieux de l’univers aux premiers instants de son existence.

Ces différences auraient été intégrées dans l’expansion et nous devrions aujourd’hui voir de l’hétérogénéité dans l’espace, des régions organisées différemment du fait de ces perturbations quantiques originelles. Ce qui ne semble pas être le cas.

Le problème de l’inflation cosmique.

On tenta d’y apporter une réponse en imaginant une phase d’expansion hyper rapide aux tous premiers instants, phase dite d’inflation cosmique, qui aurait eu pour effet d’absorber cette hétérogénéité. Les zones de densités énergétiques différentes auraient toutes “éclaté” sous la pression de l’inflation. Cette phase terminée, l’univers aurait repris son expansion “normale” et paraîtrait effectivement homogène.

Sauf qu’évidement pour qu’il y ait eu cette période d’inflation cosmique il faudrait une force, un champ qui le permette. La force qui préside à l’expansion actuelle, observable, de l’univers est déjà assez mystérieuse en soi, elle est ce que l’on appelle l’énergie noire, mais on a guère d’idée sur ce qui aurait pu être à l’origine de la phase d’inflation. Pire encore, une phase d’inflation n’échapperait pas à ces mêmes fluctuations quantiques qui donneraient sans doute lieu à des espaces encore plus différentiés que l’hétérogénéité de départ, autrement dit un “multivers”. Il se pourrait qu’ici le remède soit pire que le mal.

Pour enfoncer encore un clou dans le cercueil de l’inflation cosmique, la recherche de traces d’ondes gravitationnelles primales que devrait générer l’arrêt de la phase d’inflation (à ne pas confondre avec les ondes gravitationnelles détectées par LIGO, qui sont le fruit de collisions entre trous noirs (3)) n’a jusqu’à présent rien donné.

Une autre idée.

D’où l’intérêt persistent pour une hypothèse concurrente à celle du Big Bang, celle d’un univers avec phase d’expansion suivie d’une phase de contraction (aussi nommé univers ekpyrotique) où, après une longue phase d’expansion, la force derrière cette expansion (l’énergie noire) se désintégrerait et, laissé à la seule force gravitationnelle, l’univers ferait marche arrière (en termes de volume) jusqu’à un Big Crunch. La phase de contraction permettrait de gommer les hétérogénéités du crunch et donc de ne pas faire appel à cette phase d’inflation cosmique très problématique.

Peut-on aller plus loin et envisager un univers cyclique, passant pour l’éternité d’expansion en contraction, sans s’arrêter dans l’infiniment froid d’une expansion sans retour ni dans l’infiniment chaud d’un Big Crunch?

L’univers cyclique.

C’est en tout cas la thèse que défend l’astrophysicienne Anna Ljjas avec sa question: “Vivons-nous dans un univers anamorphique? (4). Par ce terme il faut ici entendre un univers qui aurait des périodes d’expansion et de contraction simultanées selon ce qui est mesuré – concept un peu tordu sur lequel je reviendrai plus bas – mais dont l’immense avantage est qu’il offre une solution simple (tout est relatif) pour arriver à l’univers plat et homogène que nous voyons, en partant d’une forte hétérogénéité inhérente à un commencement perclus de ces fameuses fluctuation quantiques.

Le principe est le suivant: l’univers est cyclique, oscillant entre une phase compacte (un presque Big Bang) ouvrant sur une expansion, et une phase de refroidissement ouvrant sur une contraction. Se faisant il passerait par une phase anamorphique dont l’effet serait de “gommer” toutes les hétérogénéités issues de la phase d’expansion. Lors de cette phase il y aurait d’un côté une expansion telle que mesurée en prenant la longueur de Planck comme étalon, de l’autre une contraction en prenant pour unité de mesure la longueur d’onde de Compton, ou la mesure entre deux point.

En relativité générale ces deux mesures sont censées êtres constantes, mais selon la relativité quantique l’une peut varier par rapport à l’autre. On peut donc imaginer, dans la phase anamorphique, un tel effet double débouchant sur un univers très homogène lorsqu’il repart, rebondit dans une phase d’expansion “normale”, ce qui est notre situation actuelle.

Pour Anna Ljjas et ses collègues il s’agit désormais de trouver des traces de ce rebond, qui aurait lieu une fois tous les cent milliards d’années. Si ces traces existent elles se trouvent dans le fond diffus cosmologique (5), là où l’on recherche actuellement des traces de l’inflation cosmique. Si l’on continue à ne pas en trouver, c’est autant de gagné en faveur de l’hypothèse cyclique.

Liens et sources:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2008/08/23/big-bang-ou-pas-big-bang/

(2)

(3)

(4) https://www.pbs.org/wgbh/nova/article/do-we-live-in-an-anamorphic-universe/

(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Fond_diffus_cosmologique

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

2 réponses

  1. bluemanca

    Passionnant merci.
    J’apporte de l’eau à votre moulin, tout du moins à la présence obligée d’une dimension supplémentaire ou d’une brane qui sous-tend notre univers : normalement, rien ne devrait sortir d’un trou noir. Or la gravité et l’effet lense-thuring montre que la masse en rotation dans le trou noir influe sur l’extérieur.
    Conclusion : il y a un sous-champs, ou un sous-espace, ou une dimension, ou une brane, qui véhicule la gravitation et ses effets.

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