Les événements au sein de l’establishment britannique depuis deux semaines resteront sans doute dans les livres d’histoire, quoi qu’il arrive ensuite. L’arrivée au pouvoir de Boris Johnson sur une plateforme “le Brexit ou rien, rien que le Brexit” après son élection par ses pairs du parti conservateur en remplacement de Theresa May (1), a jeté le Royaume-Uni dans une crise politique réminiscente de celle de 1629 lorsque Charles 1er fermait le Parlement (2) pendant onze ans.
La fermeture ou “prorogation” du Parlement britannique pour cinq semaines, imposée par Johnson afin d’avoir les mains libres dans la dernière ligne droite devant mener à un Brexit inconditionnel le 31 octobre prochain, a donné lieu à des scènes dignes d’une série TV avec des députés se battant ou s’agrippant au Speaker pour l’empêcher de partir, à la démission dudit Speaker – et élément clé de la saga Brexit – John Bercow (3), et à une série de jugements de la part de trois juridictions nationales (Angleterre, Ecosse et Irlande du Nord) en attendant la position finale de la Court Suprême britannique sur la question de la légalité d’une telle fermeture.
En attendant la Cour Suprême.
Le Court écossaise estime la décision illégale, les deux autres estimant qu’il s’agit là d’un acte politique n’impliquant pas la Justice mais la Court irlandaise précisait néanmoins l’irrecevabilité d’un Brexit qui ne respecterait pas les accords de Good Friday – cet accord de paix entre les deux Irlandes stipulant, entre autres, l’interdiction de toute frontière physique au sein de l’île. Or un Brexit sans accord aurait pour effet a priori incontournable la mise en place d’une telle frontière, comme il en existe une sur tout le périmètre de l’Union Européenne et, a fortiori, sur tout le périmètre d’un Royaume-Uni redevenu totalement indépendant et juridiquement isolé.
Côté indépendantistes britanniques la stratégie est claire: tout miser sur la légitimité d’un Brexit-quoi-qu’il-arrive vu que c’est (du moins c’était, à la marge, voici trois ans et grâce à quelques manipulations (4)) la volonté populaire. Pour Nigel Farage, chef symbolique des indépendantistes, il faut d’abord faire le Brexit et discuter ensuite, d’homme à homme. Au point où on en est, il n’a peut-être pas tort mais on peut difficilement faire confiance à un régime britannique sous Boris Johnson qui n’hésite pas à dire d’emblée qu’un RU détaché de l’UE ne paiera pas ses dettes et fera ce qu’il voudra indépendamment des accords en place. Ce n’est pas parce que l’on divorce que l’on peut de ce fait décider de ne plus honorer ses contrats et dettes antérieures.
La position européenne.
C’est précisément le message que Michel Barnier et Jean-Claude Juncker faisaient parvenir aux Britanniques cette semaine (5): même en cas de Brexit sans accord les problèmes posés ne disparaîtront pas par magie, et notamment le problème du “backstop” à la frontière entre les deux Irlandes. Que c’est fort bien de dire que l’on est pas d’accord avec le backstop, encore faudrait-il proposer à sa place quelque chose qui tienne la route.
Ce point de vue est également celui d’une motion actuellement proposée au vote au Parlement Européen (6), stipulant entre autres qu’en cas de Brexit sans accord, toutes futures négociations avec le RU auront comme prérequis que le RU honore ses engagements et obligations vis-à–vis du droit des citoyens (européens résidant au RU et britanniques résidant au sein de l’UE), du solde financier et des accords de Good Friday.
Et sinon quoi? Si chacun reste sur ses positions cela mènera à un indescriptible bordel dont personne ne sortira gagnant mais où les Britanniques ont clairement le plus à perdre. La Livre va dégringoler de manière drastique, renchérissant les nécessaires importations de nourriture et autres produits de première nécessité que le RU ne produit pas (7), sans parler des tarifs douaniers.
Un gouvernement peut-il sciemment exposer ainsi l’ensemble de sa population à un tel degré d’incertitude et de précarité?
Quid également des accords bilatéraux en le RU et la France en matière de défense et de “gestion” de la frontière britannique actuellement délocalisée en France du fait des accords du Touquet?
De quoi le Brexit est-il finalement le nom?
A titre personnel je ne suis pas opposé au principe du Brexit, je reconnais tout à fait les graves insuffisances et dérives de l’Union Européenne dans sa forme actuelle et je comprend bien l’argument central des indépendantistes britanniques qui, dans un monde se dirigeant à toute vapeur vers le bilatéralisme “à la carte” en lieu et place des grands accords multilatéraux des dernières décennies, ne veulent pas être liés par la technocratie européenne. Mais on ne peut pas non plus faire n’importe quoi, risquer de plonger des millions de Britanniques dans la précarité, risquer de relancer la guerre en Irlande, risquer le séparatisme écossais, risquer de sérieuses tensions en Manche juste pour la gloire de quelques uns. Le chaos issu d’un Brexit sans accord ouvrira encore plus la porte au fascisme britannique, à l’Homme providentiel qui sauvera le navire en faisant fi de siècles de parlementarisme et de démocratie. Précisément le genre de situation qui se termine toujours mal.
La saga du Brexit tourne autour de cette problématique: faire avec la volonté populaire tout en garantissant l’intégrité territoriale et la continuité politique, économique et sociale. On se moque facilement, ici comme outre-Manche, de l’incapacité du Parlement britannique à trouver une solution, mais cette incapacité illustre simplement la grande complexité de la situation – du fait notamment de la frontière irlandaise – et le fait que ce Parlement, contrairement à d’autres pays dont la France, n’est malgré ses nombreux défauts pas une simple chambre d’enregistrement de la volonté de l’exécutif.
Ce n’est pas “efficace” diraient Macron, Erdogan ou Xi Jinping, “a waste of time” disent les indépendantistes britanniques mais il ne faudrait pas oublier que c’est cette “inefficacité” qui protège les démocraties du totalitarisme.
Liens et sources:
(1)
(2) https://www.universalis.fr/encyclopedie/charles-ier-1600-1649-roi-d-angleterre-1625-1649/
(3)
(4)
(5) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/speech_19_5610
(7)
les commissaires non élu sont une dictature qui nous mêne vers une catastrophe . et le brexit permettra a l’Angleterre d’y échapper !
que se passera t il quand les mondialistes européens nous auront mener dans une crise terrible après avoir détruit tout les moyens qui aurait pu nous permettre de nous en sortir ?