Lors de sa prise de pouvoir en juillet, suite à la démission de Theresa May, Boris Johnson avait tout misé sur un Brexit au 31 octobre 2019, accord ou pas accord. Plutôt crever qu’encore repousser l’échéance, avait-il annoncé. Aujourd’hui le Brexit est reporté au 31 janvier 2020, une élection générale anticipée aura lieu le 12 décembre 2019, et BoJo n’a clairement pas l’intention d’honorer sa promesse.
On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir essayé. Il a tenté et trouvé un accord avec l’UE contournant le problème du fameux backstop sur la question de la frontière entre les deux Irlandes (République d’Irlande et Irlande de du Nord) en maintenant de fait cette dernière dans l’union douanière européenne. Au grand dam des unionistes irlandais évidemment.
Face au veto des Communes sur la question d’une sortie sans accord, à l’impossibilité de placer une frontière physique entre les deux Irlandes et à l’impossibilité pour l’UE de ne pas avoir de frontière douanière, une telle solution pouvait peut-être fonctionner mais les députés britanniques en ont décidé autrement et ont forcé le Premier Ministre à solliciter un nouveau report du Brexit.
Report que l’UE ne pouvait qu’accorder à moins de se retrouver, de son propre fait cette fois, face à un Brexit dur que personne ne veut – hors les Brexiters pur jus bien sûr, ceux qui ont les moyens d’éviter de souffrir économiquement de l’inévitable crash, ou les nationalistes qui croient encore aux contrats magiques avec les ogres américains, chinois ou indiens.
Mais report, cette fois, conditionné par l’avancée d’une élection générale initialement prévue pour 2022 et qui se tiendra désormais le 12 décembre de cette année. BoJo lui-même a réclamé cette élection, seule manière pour lui de légitimer son pouvoir (il est actuellement en place du seul fait d’une élection interne du parti conservateur, pas un élu du peuple britannique).
Face à lui le leader des travaillistes, Jeremy Corbyn, a accepté le challenge et les deux partis lancent actuellement leurs campagnes électorales. La promesse de Johnson, s’il est élu, est d’accomplir le Brexit au 31 janvier suivant, d’une manière ou d’une autre, en se basant sur une réelle légitimité représentative. La promesse de Corbyn est de négocier un nouvel accord endéans les trois mois (soupirs des représentants européens) et de soumettre cet accord à un nouveau référendum populaire endéans les six mois.
Le Labour de Corbyn est très divisé sur la question du Brexit. Son allié écossais, le SNP (Scottish National Party), y est farouchement opposé et engagerait, en cas de Brexit, une nouvelle initiative pour son indépendance et une demande de retour au sein de l’UE. Comment, personne ne le sait vu les règles actuelles d’admission mais, pour une majorité d’Ecossais, rester dans l’UE est une question de survie.
Préventivement, Corbyn a fait savoir au SNP qu’en cas de victoire en décembre il ne tolérerait pas de nouveau référendum écossais sur la question de l’indépendance “pendant les années formatives” d’un nouveau gouvernement travailliste, mais ne s’y opposerait plus ensuite (2).
Les étapes à venir sont donc claires, ce qui est assez inhabituel dans cette affaire. Des élections en décembre menant soit à un Brexit (avec ou sans accord) fin janvier sous gouvernance conservatrice, soit à un référendum entre mars et juin sous gouvernance travailliste afin de choisir entre une nouvelle proposition négociée ou pas de Brexit du tout.
Mensonges, désinformation et manipulations en tous genres seront certainement au programme de cette campagne électorale mais, après trois années d’incertitudes depuis le premier référendum (lui-même marqué par les techniques de manipulation de Cambridge Analytica au profit des listes pro-Brexit (1) et les mensonges éhontés de Nigel Farage et de Boris Johnson sur le coût réel de la participation britannique à l’UE), c’est désormais quitte ou double et tout le monde votera en connaissance de cause.
Liens et sources:
(1)