Pour moi comme, je l’imagine, pour pas mal de gens, un thème majeur de cauchemar est celui qui nous embarque dans une descente aux enfers aux mains d’une justice nous ayant faussement accusé. “Faussement” au sens où l’on serait effectivement innocent, ou au sens où l’on serait coupable malgré soi: par accident, malchance, coup du sort.
Ces cauchemars où nos vies basculent se rencontrent pour de vrai dans les tribunaux, dans ces salles d’audiences où défilent, des heures durant, des hommes et des femmes dont le statut de hors-la-loi n’est bien souvent que la résultante de vies de merde, de déficits d’amour, d’accidents, de mauvaises rencontres, d’addictions et de désespérance.
Parfois, et de plus en plus souvent malheureusement, on y croise aussi des gens victimes de la police politique pour avoir tagué une vitrine, insulté un robocop violent, décroché un tableau présidentiel ou brûlé une barrière de péage (1), signe de protestation face à une corruption rampante au sein de l’Etat organisée par de vrais mafieux qui, eux, sont rarement inquiétés.
Dans un rapport, le Greco (Groupe d’États contre la corruption) du Conseil de l’Europe appelle la France à mettre en œuvre une meilleure politique de lutte contre la corruption. Ils s’inquiètent également de la proximité opaque entre l’exécutif et les représentants d’intérêts.
http://www.rfi.fr/france/20200110-france-corruption-etat-rapport-conseil-europeen-anticor-autorite-anticorruption?ref=tw
Bien sur il y a aussi tous ceux et celles qui sont là pour de bonnes raisons, des délinquant.e.s et bandits patentés qui enfreignent les lois en connaissance de cause, mais ceux-là ne vivent pas dans le cauchemar, ils sont plutôt le cauchemar des autres et hors sujet ici.
Chroniques judiciaires.
Les douze chroniques judiciaires présentées par Florence Saint-Arroman dans son recueil “Quand nos vies basculent” relatent, via autant de cas réels décrits avec justesse et sensibilité, et autant d’explications de textes par des experts de la chose judiciaire, ce qu’elle décrit comme:
…le fonctionnement d’une communauté humaine où chacun peut déraper un jour, “nous” comme “eux”, parce que les difficultés ou les accidents de la vie prennent le dessus. Ces récits nous concernent et donnent à réfléchir.
Florence Saint-Arroman, Chroniques judiciaires, 4ème de couverture.
Il y a des jeunes, des moins jeunes, des vieux dans ces histoires. J’aurai pu me retrouver un jour à la place de Cyrille, ce jeune de 20 ans faisant le sam pour ses copains un soir de fête, mais s’endormant au volant et tuant ainsi deux amis. Il n’ira finalement pas en prison mais devra se faire aider psychologiquement. Ou Pat, homme de 61 ans souffrant de bipolarité et arrêté alors qu’il roulait sans permis. Il ira en prison. Ou le désigné “Monk” arrêté sur accusation d’une main aux fesses d’une dame sur un parking Leclerc. Il sera relaxé, le tribunal ayant accepté que son geste était tout à fait involontaire. Mais entre-temps, quel cauchemar!
De la justice française.
Le rôle de l’institution judiciaire dans la société est fondamental, bien évidemment. La justice française, malheureusement, à très mauvaise réputation et la philosophie totalitaire du macronisme visant à l’instrumenter n’arrange pas les choses. Comme le disait tout récemment le fameux pénaliste Eric Dupont-Moretti,
Ceux qui ont encore confiance dans la Justice ne la connaissent pas.
https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1574020221-ceux-qui-ont-encore-confiance-dans-la-justice-ne-la-connaissent-pas-eric-dupont-moretti-sur-i24news?fbclid=IwAR2aEDxiAck_kdXs1Uemy1iuU
La Commission européenne pour l’efficacité de la justice épingle le manque d’indépendance et la surcharge des parquets français (2), état de fait dont se servent les régimes successifs pour instrumentaliser la justice à l’encontre de l’opposition politique.
Il y a des procureurs et des juges inféodés aux intérêts politiques, tels Philippe Courroye dans l’affaire Bettencourt ou Thierry Fragnoli dans cette de Tarnac, mais au niveau des “petites” affaires relatées dans “Quand nos vies basculent” cela se joue surtout au niveau des personnalités des procureurs, avocats et juges. Certain.e.s ont une excellente réputation et rendent une justice exemplaire, telle la juge Céline Therme qui œuvra plusieurs années à Chalon-sur-Saône – où se déroulent les audiences décrites dans les chroniques. D’autres sont aléatoires voire des con.ne.s fini.e.s. Cela c’est moi qui le dit, pas l’auteure bien évidemment.
Justice attendue et justice réelle.
La justice c’est donc, aussi, une question de chance: sur qui on tombe. Cet aspect casino contribue fortement à l’appréhension (la terreur, en fait) que l’on doit ressentir face à cette institution lorsque l’on estime se trouver là par erreur ou par accident. Mais comme le dit l’auteure:
La justice, comme toute institution, est critiquable, et, comme toute institution, doit être critiquée pour qu’elle reste vivante et équilibrée, mais son fonctionnement reste méconnu et trop souvent nous confondons, sans le savoir, la justice telle qu’elle est rendue dans la République française, et une justice immanente dont nous ne pouvons accepter qu’elle n’existe pas, un peu comme la famille parfaite.
Ce qui ne signifie pas, à mon avis, qu’il faille accepter une justice médiocre ou aléatoire au nom de l’impossibilité d’une justice parfaite car, en effet, l’injustice est le premier vecteur de déliquescence d’une société.
Reste que ce recueil de chroniques est très prenant, les terribles histoires qui s’y déroulent racontées avec une grande sensibilité associée à un recul tout à fait professionnel. Le livre est disponible à l’achat via ce lien (3) et les chroniques hebdomadaires de Florence Saint-Arroman apparaissent sur son compte Twitter @Florence_StA et sur le site du journal Info-Chalon (4).
Liens et sources:
(3) https://quandnosvies.wixsite.com/monsite/post/8-livres-%C3%A0-lire
Pour certains apparemment cet article est à côté de la plaque, mélange tout et dessert même le livre qu’il présente. Si vous avez des commentaires à faire là-dessus je suis toute ouïe car mon intention n’est pas celle-là.