Afghanistan, game over?

Après un arrêt momentané, le processus dit de Doha entamé en 2018 entre l’administration Trump et les Talibans vient de se conclure avec la signature d’un accord de retrait des troupes US de ce pays, sous certaines conditions (1).

La situation était présentée sur ce blog en janvier 2019 (2): en vue de quitter l’Afghanistan et d’honorer sa promesse de campagne, Donald Trump a engagé des négociations avec les Talibans hors présence du supposément légitime gouvernement afghan de Ashraf Ghani. Exclusion spécifiquement réclamée par les Talibans qui se considèrent, eux, comme représentants légitimes d’un pays qu’ils ont renommé l’Emirat Islamique d’Afghanistan. Tout un programme.

Retrait total sous 14 mois.

L’accord oblige les américains et l’ensemble de la coalition alliée de retirer ses forces d’Afghanistan sous 14 mois et, donc, de laisser la voie libre à une prise de pouvoir talibanne sur l’ensemble du pays. Que va faire le régime de Ghani? Sans le support US / Otan son armée est incompétente face aux Talibans et leurs bases arrières pakistanaises.

Les Talibans ont-ils l’intention d’exterminer tout Afghan associé au régime “démocratique” mis en place par les US, ou ce dernier va t’il se fondre naturellement dans la mouvance islamiste, je l’ignore. Et tout le monde s’en fout. Une seule chose est sûre, le petit semblant de liberté accordé aux femmes afghanes sous le régime de Kaboul va rapidement disparaître sous la noirceur des burkas et autres formes de torture tellement appréciéss des barbus coranisés.

Pas de bases terroristes en Afghanistan.

En contrepartie de cette reprise de contrôle de l’Afghanistan et un retour à la situation d’avant les événements du 11 septembre 2001, les Talibans s’engagent à ne tolérer sur leur territoire aucune faction terroriste visant les US et leurs alliés. Cela veut dire que les Talibans s’interdiront d’installer des camps d’entrainement djihadistes explicitement ennemis des US et leurs “alliés”, notion très vague par les temps qui courent mais au premier rang desquels on trouvera, j’imagine, les pays membres de la coalition en Afghanistan.

Cela ne veut pas dire que les Talibans ne pourront pas ouvrir ces camps au Pakistan, ni qu’ils doivent renoncer à une quelconque affiliation politique avec Al-Qaïda ou l’Etat Islamique, même si ce dernier est plutôt vu comme un concurrent à abattre qu’un partenaire. Le mouvement Taliban, en effet, veut le contrôle de l’Afghanistan et des régions pakistanaises voisines, la mise sous chape religieuse de l’ensemble de la population locale, et le contrôle de la production d’opium pour faire rentrer des devises, mais il ne s’inscrit pas dans une logique expansionniste.

La déclaration d’intention des Talibans.

Dans un éditorial publié par le New York Times le 20 février 2020 le représentant des Talibans, Sirajuddin Haqqani, tente de donner une image positive d’un Afghanistan post-occupation:

I am confident that, liberated from foreign domination and interference, we together will find a way to build an Islamic system in which all Afghans have equal rights, where the rights of women that are granted by Islam — from the right to education to the right to work — are protected, and where merit is the basis for equal opportunity.

J’ai confiance qu’une fois libérés de l’interférence et de la domination étrangère, nous trouverons ensemble le moyen de construire un système islamique garantissant les mêmes droits à tous les Afghans, où les droits de la femme prévus par l’Islam – du droit à l’éducation au droit au travail – seront protégés, et où le mérite fondera l’égalité (d’accès aux opportunités).

https://www.nytimes.com/2020/02/20/opinion/taliban-afghanistan-war-haqqani.html

Nul doute que Mr Haqqani serait accueilli en héro sur la scène des Césars. D’autant que les Talibans ne reculent devant aucune promesse pour inspirer confiance:

We are ready to work on the basis of mutual respect with our international partners on long-term peace-building and reconstruction. After the United States withdraws its troops, it can play a constructive role in the postwar development and reconstruction of Afghanistan.

We acknowledge the importance of maintaining friendly relations with all countries and take their concerns seriously. Afghanistan cannot afford to live in isolation. The new Afghanistan will be a responsible member of the international community.

Nous sommes disposés à travailler sur une base de respect mutuel avec nos partenaires internationaux pour une paix à long terme et la reconstruction (du pays). Après que les USA auront retiré leurs troupes, ils pourront jouer un rôle constructif dans le développement et la reconstruction d’après-guerre.

Nous reconnaissons l’importance de maintenir des relations amicales avec tous les pays et de prendre leurs inquiétudes au sérieux. L’Afghanistan ne peut se permettre de vivre isolé. Le nouvel Afghanistan sera un membre responsable de la communauté internationale.

https://www.nytimes.com/2020/02/20/opinion/taliban-afghanistan-war-haqqani.html

En effet, vu avec quels honneurs d’autres pays islamiques “responsables” sont traités par l’Occident s’ils s’alignent sur l’axe US-Israël, il suffira aux Talibans de copier la posture saoudienne pour pouvoir tranquillement torturer, assassiner tout opposition interne (3) et tenir leurs femmes en laisse. J’imagine également que cet accord, qui fermera le robinet à pognon afghan au profit du complexe militaro-industriel US, sera compensé par l’ouverture d’un autre robinet sous forme de budgets de reconstruction qui iront à d’autres multinationales “sympathisantes”. Business is business.

De la guerre sans fin à l’autodétermination.

Reste que malgré l’évidente hypocrisie de tout cela, les USA et l’Otan n’ont rien à faire en Afghanistan. Reste que cette aventure est une catastrophe depuis le début (voir ce qu’en disent les Afghanistan Papers publiés par le Washington Post fin 2019 (4)) et que rien, sans doute, ne peut être pire – pour les Afghans en général – que la situation actuelle de guerre sans fin. Le droit à l’autodétermination des peuples vaut aussi en terre d’Islam, que cela nous plaise ou non.

Qui plus est, la route sera longue avant l’arrêt réel de la guerre. Aujourd’hui en effet, les drones US ont attaqué des Talibans qui s’en prenaient à des forces afghanes. Le gouvernement de Ashraf Ghani, sur le dos duquel s’est signé cet accord n’a, lui, rien promis à personne et va sans doute vendre chèrement sa peau.

En toute justice, il faudrait fusiller G.W. Bush, Dick Cheney et Donald Rumsfeld, initiateurs de cette catastrophe, pour crimes contre l’humanité en Afghanistan et en Irak.

Liens et sources:

(1) https://www.state.gov/wp-content/uploads/2020/02/Agreement-For-Bringing-Peace-to-Afghanistan-02.29.20.pdf

(2)

(3)

(4)

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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