Covid-19, à la recherche du taux perdu.

L’Etat d’urgence sanitaire, le confinement, le torpillage économique, la répression policière sont officiellement, médicalement et médiatiquement justifiés par un chiffre: le taux de mortalité du Covid-19. Selon les sources, celui-ci varie d’un monstrueux 10% à quelque chose de comparable avec la grippe, de l’ordre de 0,2%.

Le taux d’infection et le taux de reproduction.

Ce taux se calcule en divisant le nombre de décès par le nombre de personnes infectées. Autant le nombre de décès associés au Covid-19 est sans doute relativement exact au jour le jour (sauf en Chine où le doute persiste sur la réalité des chiffres officiels), autant le nombre de personnes infectées à l’instant t reste une inconnue, les estimations variant pour la France de quelques centaines de milliers à plusieurs millions.

Ce chiffre est une inconnue pour tous les pays, et tout particulièrement pour ceux ne pratiquant pas de dépistage massif. Sa valeur dépend essentiellement du fameux taux de reproduction, R, représentant le nombre de personnes qu’un individu infecté va ensuite contaminer. Si R dépasse 1 (et au sein d’une population ne prenant aucune mesure il sera de l’ordre de 3 ou plus) l’épidémie se propage de manière exponentielle. S’il est inférieur à 1, l’épidémie tend à s’éteindre d’elle-même, même si elle ne s’éteint jamais tout à fait.

Il y a donc deux mesures essentielles à réaliser, outre le comptage des morts, pour approcher d’une valeur réaliste du nombre de gens contaminés à un moment donné: savoir qui est ou a été contaminé, et connaître la valeur de R. Malheureusement personne ne connait réellement ces chiffres (1), d’où des réactions des autorités partant des pires scénarios, d’où une probable aggravation de la situation globale par excès de mesures de précaution, et notamment par excès de confinement (2).

Le chiffre R.

Le chiffre R est sans doute le plus facile à estimer. De toute évidence la mise en place des gestes barrières, qui dépend de la compréhension de leur utilité part la population pour être bien appliqués, influence énormément ce chiffre. Aux Pays-Bas, une démocratie qui ne considère pas que les libertés publiques relèvent du produit jetable, l’on considère officiellement que ce R est passé de 3 avant la mise en place des gestes barrières (y compris fermeture des bars, restaurants et écoles), à 0,3 aujourd’hui (3).

Il semble évident qu’avec un confinement, en plus de ces mesures déjà très restrictives, ce R est du même ordre voire inférieur ici mais, il n’est valable que pendant la période de confinement: en effet le virus – sauf plan de vaccination massif et mondial – est installé dans la société humaine et resurgira à la première opportunité. Et ce tant qu’il n’aura pas infecté au moins 50% de la population, lui conférant alors une immunité de groupe qui, elle, stoppe l’épidémie faute de nouvelles “cibles” – le R tombe alors proche de zéro et y reste tant que la population reste immunisée.

Le pari de pays tels les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suède (qui pour le moment n’a rien fermé) est qu’il faut arriver à maintenir R à 1 ou juste en-dessous sans trop casser l’économie. Avec R=1 l’épidémie se propage de manière linéaire plutôt qu’exponentielle, le système de santé arrive à gérer le flux de malades gravement touchés par le Covid-19, mais on évite la plupart des dégâts associés à un crash économique: les récessions entraînant de nombreux problèmes sociaux et une surmortalité non directement associées à l’épidémie. Selon cette étude parue dans le Lancet, en effet, la récession de 2008-2009 causa 500 000 décès du fait de l’augmentation de la précarité (4).

Propagation lente sans confinement: Suède.

Cette méthode de propagation lente fut celle initialement retenue au Royaume-Uni avant qu’il ne bascule en mode confinement face à des projections alarmantes sur le nombre de décès à venir (chiffres dont personne ne sait vérifier la véracité, évidemment). La Suède, de son côté, n’a pas dévié de sa stratégie initiale. Elle estime que même en gardant écoles et restaurants ouverts, son modèle de la contagion du Covid-19 lui permet de penser que son système de santé ne sera pas dépassé et que, plus vite la population s’auto-immunise, plus vite l’épidémie se terminera sans impact notable sur son économie.

Quel est le taux d’infection réel?

La question du nombre réel de personnes infectées au sein d’une population donnée, clé du calcul de la mortalité réelle du virus- et donc de la juste mesure pour le contrôler – est un objet de recherche très actuel, et est loin de faire l’unanimité.

Face aux modèles qui tablent sur une mortalité haute et, donc, légitiment le confinement et tout ce qui s’ensuit, d’autres ont une approche bien plus circonspecte. On peut écouter le point de vue de l’épidémiologiste John Ioannidis, que j’ai présenté ici (5), ou encore le chercheur de Stanford Dr. Jay Bhattacharya interviewé ici:

D’autres voix s’élèvent contre des mesures anti-Covid qui seraient finalement pires que le mal. Contre une stratégie de confinement forcené qui certes réduit la mortalité à court terme, mais augmente celle à long terme par induction. Par exemple le Prof David Katz, un fondateur du Yale University Prevention Research Center, dit ceci:

Je suis très inquiet du fait que les conséquences sociales, économiques et de santé publique de cet arrêt presque complet de la vie normale – fermeture des écoles et commerces, interdiction des rassemblements – seront profondes et calamiteuses, plus graves que les pertes liées au virus lui-même. La bourse rebondira, mais beaucoup de commerces et d’entreprises ne le pourront pas. Le chômage, la paupérisation et le désespoir qui en résulteront probablement, seront des plaies de premier ordre pour la santé publique.

I am deeply concerned that the social, economic and public health consequences of this near-total meltdown of normal life — schools and businesses closed, gatherings banned — will be long-lasting and calamitous, possibly graver than the direct toll of the virus itself. The stock market will bounce back in time, but many businesses never will. The unemployment, impoverishment and despair likely to result will be public health scourges of the first order.

“Is Our Fight Against Coronavirus Worse Than the Disease?”, New York Times 20th March 2020

On peut lire et écouter d’autre points de vue de ce genre par exemple ici (5).

Calculer des taux de mortalité par classe d’âge.

Il existe donc une discussion au sein de la science sur la réalité du niveau d’infection, et donc sur la réalité du taux de mortalité associé au Covid-19. Faute de tests de détection, soit de la présence du virus (test PCR) soit du passage du virus rendu détectable via les anticorps que les gens développent (tests sérologiques), nous n’avons pas de données précises mais pas non plus de raisons de penser qu’il est notablement supérieur à celui de la grippe. Il est par contre plus spectaculaire du fait qu’il requiert, pour les gens gravement atteints, une ressource relativement rare sous forme de lits de réanimation et de respirateurs.

Personne ne parle, en effet, des 8 000 décès annuels de la grippe car ils ne font pas les Unes médiatiques et n’encombrent pas les salles de réanimation. On parle par contre des décès en Ehpads, là où réside la cible parfaite du Covid-19: personnes âgées et souffrant, le plus souvent, de maladies chroniques. 600 000 personnes vivent en Ehpads, sans compter les maisons de retraite non médicalises. Le taux de mortalité en Ehpad est de l’ordre de 25% annuel en temps normal (6), soit 150 000 soit en moyenne 12 500 par mois.

Les médias annoncent à grands cris le “lourd bilan” de 884 morts en Ehpads depuis mi-mars (7), ce qui n’est jamais que 7% de la mortalité “normale” mensuelle moyenne. D’autant que, vu l’état de santé de la plupart des personnes en Ehpad (sinon elles n’y seraient pas) n’importe quelle infection inattendue peut créer une surmortalité du fait de cette fragilité. C’est la différence entre le coup de massue qui tue une personne par ailleurs en bonne santé, et la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Statistiquement parlant ce n’est pas neutre.

Une étude chinoise du 24 mars publiée dans Science Magazine estime que seulement 14% de la population réellement infectée par le Convid-19 est reconnue comme telle (8). Faute de dépistage massif, nous ne voyons que le haut de l’iceberg. Si l’on rapporte cela à la France, les 82 000 personnes aujourd’hui dépistées positives au Covid-19 représenteraient en réalité de l’ordre de 585 000 personnes réellement infectées, soit 0,9% de la population. Certains épidémiologistes pensent que ce chiffre est en réalité plus proche de 10% du fait d’un R élevé en début d’épidémie. Gardons les deux cas de figure en tête.

Si l’on rapporte le chiffre de 0,9% à la mortalité observée, cela donnerait un taux de mortalité de 1,1% de la population générale. Dans le second cas, 0,1%. Dans les deux cas, avec une forte concentration de ces décès sur la population à risques: personnes de +65 ans avec maladies respiratoires ou chroniques genre diabètes:

https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-maladies/2622115-coronavirus-victime-france-bilan-mort-deces-age-femme-homme-jeune-personnes-fragiles-qui-meurt/

Selon cette même source, 84% des patients décédés avaient 70 ans et plus. Autrement dit, en arrondissant, 4/5 des mortalités sont associées à la classe d’age +65 ans (5 200 personnes à cet instant) et 1/5 aux autres (1 300, pour un total de 6 500 décès à ce jour).

Reprenons nos deux hypothèses de taux d’infection. Dans le premier cas nous avons 585 000 personnes réellement infectées. La classe d’âge de +65 ans représentant 26% du total (9), si l’on fait une bête règle de trois cela donne 152 100 personnes âgées actuellement infectées, pour 5 200 décès soit un taux de mortalité de 3,4% pour cette classe. Et donc pour les autres classes, de (1 300 divisé par (585 000- 152 100)) soit 0,3%.

Dans le second cas, à savoir 10% de taux réel d’infection (6 700 000 personnes), le même calcul nous donne pour les personnes de +65 ans (5 200 divisé par 26% de 6 700 000) soit 0,3% de taux réel de mortalité. Et pour les autres classes combinées, 0,03%.

Si l’on reste, par précaution, sur le scénario le plus pessimiste d’un taux réel d’infection, à l’heure actuelle, de l’ordre de 1% il faut considérer un taux de mortalité sérieux de l’ordre 3,4% chez les personnes à risques, et à peine supérieur au taux général de mortalité de la grippe pour les autres. Sachant que ce sont ces mêmes “autres” qui travaillent et ont besoin de l’activité économique pour vivre et faire vivre, les confiner et faire perdre à l’économie 60 milliards d’euros par mois (3 points de PIB) pour un risque de 0,3% (et sans doute encore inférieur) est, de toute évidence, une stratégie parfaitement contre-productive.

Certes il faut protéger la population la plus vulnérable, s’organiser pour que les +65 ans soient protégés, mais cela peut se faire sans confiner tout le monde. Que les pouvoirs publics ne soient pas à même de faire ce simple calcul m’interroge. Aveuglement? Calcul politique pour faire bon usage de la panique ambiante? Corruption au profit de ceux et celles ayant tout intérêt à voir s’ouvrir une nouvelle pompe à fric pour le développement de médicaments et vaccins? Je l’ignore. Mais cela m’inquiète.

Liens et sources:

(1)

(2)

(3) https://www.letemps.ch/monde/aux-paysbas-une-vie-presque-ordinaire?fbclid=IwAR1zaDLte9JCH81l42W3jB4G42KD03_VTYYc5rnDRrqUw8guT-vuLkgEUSY

(4) https://www.telegraph.co.uk/news/2016/05/25/financial-crisis-caused-500000-extra-cancer-death-according-to-l/

(5) https://off-guardian.org/2020/03/24/12-experts-questioning-the-coronavirus-panic/?

(6) http://www.apsp-paca.net/documents/LAFINDEVIEENEHPADCBERNARD.pdf

(7) https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-il-y-a-eu-au-moins-884-deces-dans-les-ehpad-en-france-depuis-le-debut-de-l-epidemie-annonce-le-directeur-general-de-la-sante_3896749.html

(8) https://science.sciencemag.org/content/early/2020/03/24/science.abb3221

(9) https://www.insee.fr/fr/statistiques/2582785?sommaire=2587886

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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