Covid-19: Séminaire de John Ioannidis à l’IHU-Méditerranée.

Les lectrices et lecteurs de ce blog connaissent sans doute John Ioannidis, cet épidémiologiste et statisticien de Stanford au cœur de plusieurs articles ici – et ce, depuis bien avant le Covid – portant notamment sur la valeur des études scientifiques (voir “La plupart des articles scientifiques n’ont aucune valeur“).

John Ioannidis est très actif sur le front covidien, parmi les premiers à mener des évaluations rationnelles face à la panique de début 2020 (1).

Il fut parmi les premiers à questionner la réalité des chiffres de mortalité covidienne qui nous venaient de Chine début 2020. Il participa aux premières études réalisées sur des populations ciblées en Italie et en Californie, et dès le mois de mars 2020 il critiquait ouvertement l’incarcération de masse (ou « confinement ») en tant que mode de lutte contre l’épidémie. Pour lui, cela ne servait à rien en termes de mortalité absolue, et faisait subir à la population des effets négatifs inacceptables.

Ce 5 janvier 2021, Ioannidis et d’autres publiaient une étude dans le European Journal of Clinical Investigation, intitulée « Assessing Mandatory Stay‐at‐Home and Business Closure Effects on the Spread of COVID‐19 » (Evaluation des confinements et fermetures des commerces sur l’évolution du Covid-19).

https://zerhubarbeblog.net/2021/01/18/covid-19-censure-et-deni-de-realite/

Ce 18 février 2021 il était donc l’invité du Pr Didier Raoult pour une conférence à distance avec son équipe de l’IHU de Marseille, conférence disponible ci-dessous. Si vous comprenez l’anglais le reste de cet article ne vous apportera pas grand chose de plus, sinon j’en tente ci-après une petite synthèse.

Synthèse de la présentation.

John Ioannidis commence par rappeler que la gestion d’une pandémie nécessite bien plus que la seule épidémiologie, qu’il faut mettre en œuvre les connaissances de nombreux secteurs allant de la sociologie et de la psychologie à la politique de santé publique, en passant par la virologie et la recherche. De cette complexité découle le fait que l’inférence causale précise est quasi-impossible.

La situation globale.

Il résume ensuite la situation actuelle au niveau mondial: De 20% à 25% de la population a été infectée par le Sars-Cov-2 ou un variant (1,5 à 2 milliards de personnes, dont 110 millions de “cas” documentés). Le taux de létalité (nombre de morts sur nombre de cas) est variable, de l’ordre de 0,12%-0,15% en Europe / USA / Amérique Latine à “seulement” 0,05% en Asie et Afrique. Il rappelle enfin qu’à l’heure actuelle, 0,5% de la population globale est complètement vaccinée, et 2% a reçu une première dose.

Il confirme la stratification des décès: une personne de 80 ans a un risque de l’ordre de mille fois plus élevé qu’un enfant de dix ans. Il présente un document montrant que le risque de décès du Covid, pour les moins de 65 ans, est dans les mêmes eaux que le risque associé aux allers-retours quotidiens en voiture.

La protection des plus à risque.

Les facteurs de risque sont désormais bien identifiés: âge et diverses comorbidités permettent de prédire le risque de létalité avec une bonne précision, une caractéristique assez inhabituelle selon J.I. Ceci permet de penser (là où on est encore capable de penser) des stratégies de protection ciblées car on sait pertinemment qui est réellement à risque – ce que J.I. appelle ici Precision shielding.

Certains pays ont pu réduire, peu ou prou, le taux d’infection chez les gens à risque (et en particulier au sein des Ehpads) comparativement à la population générale, d’autres au contraire on vu ce taux augmenter dans la population fragile bien plus que dans la population générale. Les deux extrêmes sont la Corée du Sud pour une excellente protection de la population à risque, et la Belgique pour précisément l’inverse.

L’infection asymptomatique.

La majorité des cas sont asymptomatiques, et non détectés. Cette autre caractéristique spécifique au Covid offre, selon J.I., trois grandes options:

  1. Traiter tout le monde comme potentiellement infecté, stopper tout contact, attendre l’arrivée du vaccin. Cette approche, illustrée par les confinements et autres mesures essentiellement répressives, ne marche pas car, d’une part, il n’est pas possible d’arrêter tous les contacts, et d’autre part elle protège plutôt les moins vulnérables (notamment les jeunes) que les plus à risques. Sans parler des énormes dommages collatéraux.
  2. Tester tout le monde, ou du moins le plus de gens possibles, et isoler tous les cas positifs. Seulement possible en début d’épidémie, avec suffisamment de tests disponibles. Typique des approches asiatiques.
  3. Mettre en place une surveillance épidémiologique efficace basée sur le dépistage (par exemple via les eaux usées) et la recherche des variants. Associer à cela une protection draconienne des plus à risque, des mesures raisonnables pour les autres, et vacciner dès que possible.
La chimère confinatoire.

John Ioannidis montre ensuite comment le modèle créé par l’Imperial College de Londres tente de démontrer l’efficacité du confinement en utilisant un mauvais modèle et une sélection ad hoc des données. C’est là où l’on retrouve l’instrumentalisation politique sous une apparence scientifique, ou comment justifier de mesures hautement délétères, anti-démocratiques et répressives sous couvert d’analyses sophistiquées. Un problème déjà largement discuté sur ce blog (2).

Sur la même ligne, la question de la mobilité et de sa réduction visant à limiter le nombre d’infections: J.I. fait la différence entre la suppression aveugle de la mobilité (cad le confinement et autres couvre-feux), la suppression avec objectif, la suppression visant la réduction du risque d’infection, ou du risque élevé, ou encore visant la réduction des infections pour les personnes à haut risque. Toutes ces options s’emboitent telles des poupées russes, mais le choix devrait résulter d’une analyse coût-bénéfice. Il reprend ici son étude sur les effets de distanciation, tous modes confondus, déjà présentée ici dans “Covid-19: Censure et déni de réalité” (3).

Donc, selon J.I., s’il reste possible que le confinement ait pu, dans certains cas, avoir un effet de réduction du nombre de cas, les comparaisons entre pays avec et sans confinement, associées à l’analyse statistique des courbes pays par pays, indiquent que non seulement cet effet est très faible s’il existe, mais qu’en plus il est probable qu’il ait l’effet inverse: une augmentation des cas.

Les tests randomisés appliqués à la distanciation physique.

Autant les essais randomisés relatifs aux médicaments abondent, autant ceux relatifs à la distanciation / port du masque sont rares. Et ceux qui ne vont pas dans le sens des politiques restrictives, tel celui réalisé au Danemark sur l’efficacité du masque, ont même du mal à se faire publier :

Scientific American parle également de cette récente étude danoise sur les masques, dont je parle dans (8), qui conclut que le port du masque dans la vie courante n’a quasiment aucun impact sur le risque d’infection. Cette étude mit des mois à trouver preneur alors que, du point de vue de SA, elle est tout à fait pertinente et crédible. Ces refus de publication ne s’expliquent que par la peur d’aller à contre-courant de la « vérité officielle », qui est qu’il faut porter le masque dehors comme dedans pour « ralentir » l’épidémie, alors qu’en fait il n’en est rien.

https://zerhubarbeblog.net/2020/12/01/covid-19-et-guerre-scientifique/

Pour John Ioannidis, il est urgent de mettre en place des études randomisées afin de savoir, précisément, ce qui est efficace ou pas, et d’arrêter de faire n’importe quoi ou de simplement copier ce que fait le voisin. La contre-productivité du n’importe quoi commence à apparaître, par exemple avec une étude sur l’effet des fermetures des écoles aux USA lors de la première vague, où l’auteur estime que cela aura fait perdre plus de cinq millions d’années/humain. Il parle également de l’augmentation de la mortalité associée à la non prise en charge des cancers et autres maladies. Une augmentation qui va s’étaler sur les vingt ans à venir.

D’autres effets délétères sont mentionnés, telle la violence intrafamiliale associée au confinement, ou l’alcoolisme, ou le retour de la tuberculose mais encore plus grave est l’augmentation de la pauvreté et du risque de famine pour quelques 100 millions de gens supplémentaires de par le monde.

Prédire l’évolution de la pandémie.

J.I. est clair: il est impossible de prédire ce qu’il va se passer d’ici quelques mois, et même ce qu’il va se passer demain reste marqué du sceau de l’incertitude. De nombreux modèles existent, mais ils sont incomplets, nourris de données imprécises sinon fausses. La politisation de la science, évidente dans le cadre des “comités scientifiques” et de la récupération d’une science “aux ordres” par les politiques et les technocrates, est devenue un problème majeur pour la gestion raisonnée de cette pandémie. Il faut mettre en place une claire séparation entre l’analyse scientifique et la décision politique.

La vaccination et le risque de compensation.

John Ioannidis est entièrement en faveur de la vaccination, même s’il pense qu’elle sera surtout efficace l’an prochain. Il met en garde contre un effet de compensation de risque: si l’efficacité réelle est moindre qu’annoncée (autour de 95%), par exemple de 80% voire 60%, les gens se sentant (faussement) sécurisés vont adopter des comportements à haut risque de contamination.

Il termine avec un résumé des préconisations présentées auparavant, et un appel final à la non-destruction du monde du fait de mesures trop agressives. Please.

Liens et sources:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2020/04/04/covid-19-a-la-recherche-du-taux-perdu/

(2) https://zerhubarbeblog.net/2020/05/06/covid-19-etude-des-luttes-ou-lutte-des-etudes/

(3) https://zerhubarbeblog.net/2021/01/18/covid-19-censure-et-deni-de-realite/

Edité le 5 mars: la vidéo de Ioannidis sous-titrée en français:

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

15 réponses

  1. trape

    Ne croyez pas que ce gouvernement a fait des erreurs car il a fait exactement ce qu’il voulait pour obtenir un résultat dont l’objet principal est le contrôle des populations, pas la pandémie. Rien de mieux que la peur et si cela ne suffit pas, la trique fonctionne. Car sinon comment expliquer l’interdiction faite aux médecins de tenter de soigner mais aussi de communiquer sur leurs expériences personnelles thérapeutiques, avec la complicité du conseil de l’ordre ? Incompréhensible face à une nouvelle maladie sans aucune référence de traitement…Tout doit et reste possible en action, par les médecins dans ces circonstances, logiquement.. Le pouvoir n’en a pas voulu. Imaginez qu’un traitement simple et peu couteux permette de traiter la covid . Alors le plan machiavélique tombait à l’eau. Nous savons que c’est le cas puisque des traitements ont donné des résultats, constatables dans de nombreux pays…
    Amusant de constater que les seniors ++ ne se souviennent pas de 2 pandémies de même importance délétère que la covid. Pourquoi ? Les politiques n’avaient pas alors utilisé la pandémie de Guizhou 1958 ou de Hong Kong 1969 pour manipuler les peuples,
    Concernant le confinement, face à une maladie virale respiratoire, nous savions que cela ne servait à pas grand chose, connu pour la grippe mais aussi pour la covid, des mars dans une publication. Alors pourquoi les politiques ont continué à brandir cette mesure liberticide et inutile ? Idem avec le couvre-feu. Pire l’étude de l’Inserm en Haute Garonne a montré un effet favorisant l’infection de ce couvre feu.
    Aucune erreur n’a été faite. Tout est inscrit dans une stratégie politique qui a profité d’un événement pandémique comme l’humanité en affronte parfois, ni plus, ni moins.
    Le réveil des français risque d’être douloureux, mais cela n’aura rien a voir avec un coronavirus…

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