Personne, ici, n’est prêt d’oublier le fameux “nous sommes en guerre” sombrement invoqué par Emmanuel Macron le 16 mars 2020, date funeste marquant l’entrée de la France (et d’une bonne partie du monde, à quelques semaines près, en imitation des Chinois) dans une dystopie politico-sanitaire où l’Etat, assisté d’un certain nombre de ses bénéficiaires, entrait en guerre contre sa population pour arriver à une vaste catastrophe sociale et sanitaire mais aussi, sinon surtout, à l’enrichissement massif des dits bénéficiaires, et à la jouissance par les psychopathes en place, qu’ils soient ministres, médecins ou miliciens, d’un pouvoir quasi absolu dont on sent bien, aujourd’hui, flotter le petit parfum de nostalgie dans l’esprit monocultivé de l’adhérent au camp du Bien ayant troqué le QR pour le canon – mais de loin, laissons à Ceasar ce qui lui revient, c’est à dire l’obus de 155mm.
Ca, c’était la Saison 1, vaste programme en plusieurs épisodes encore loin d’être terminé car l’Etat d’urgence et les méthodes “de guerre” couvrant ces politiques ineptes, en particulier l’occulte “Conseil de défense” associé à l’impayable “Conseil scientifique” dont le bon Delfraissy cherche désespérément la sortie, sont censés se terminer ce 31 juillet, mais:
Il semble clairement hors de question pour les macronistes de laisser tomber une telle verticalité (Xi est mon héro), d’où la tentative en cours d’une prolongation de la chose, dans un climat politique certes moins godillot qu’auparavant, mais je ne me fais aucune illusion sur les capacités jupitériennes à acheter convaincre suffisamment de députés “d’opposition” pour faire le nécessaire.
Economie de guerre.
Ce qui nous amène à la Saison 2 et la transformation du “nous sommes en guerre” à la notion “d’économie de guerre”:
Face aux implications de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron monte au créneau. La France va réévaluer ses dépenses militaires, entrant dans une “économie de guerre”, a annoncé le président de la république Emmanuel Macron, qui a plaidé pour une industrie européenne de défense “beaucoup plus forte”. L’ouverture du salon Eurosatory, plus grand salon international de défense et de sécurité terrestres à Villepinte, au nord-est de Paris, a été l’occasion pour le président français de “tirer les conséquences” du bouleversement géopolitique provoqué par la guerre en Ukraine.
https://www.capital.fr/economie-politique/guerre-en-ukraine-macron-veut-doper-la-defense-et-entrer-dans-une-economie-de-guerre-1438874
Selon Wikipédia, la définition d’une économie de guerre est la suivante:
L’économie de guerre désigne les pratiques économiques exceptionnelles mises en œuvre lors de certaines périodes historiques de fortes agitations ou d’autarcie extrême, généralement mais pas nécessairement liées à l’existence de conflits armés. Elle a pour objectif le maintien des activités économiques indispensables à un pays, l’autosuffisance, la dissuasion de la consommation privée, la garantie de la production des aliments et le contrôle de l’économie depuis l’État.
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_guerre
On peut distinguer deux grands cas: celui où l’économie de guerre est une réponse à une agression, en cours ou prévue, comme ce fut le cas en 39-45 par exemple, où le but est de défendre une entité (ici nationale) avec l’accord de la vaste majorité de la population, même si elle en souffre un temps.
Ou celui du régime totalitaire imposant une économie de guerre à sa population, au nom d’un ennemi extérieur (ou même intérieur) permanent, lui permettant de régner sans partage. Typiquement la Corée du Nord, mais l’URSS s’en rapprochait fortement à l’époque, et la Russie y entre aujourd’hui de plain-pied.
Pour les pays de l’Otan c’est aujourd’hui plus subtil car nous nous auto-déclarons en guerre, sans y être vu que la Russie ne nous a pas déclaré la guerre (l’Ukraine n’est pas dans l’Otan), mais en y étant vu que nous armons l’Ukraine et sanctionnons la Russie.
L’Otan utilise donc une situation, certes dramatique mais prévisible de longue date (au moins depuis l’échec des accords de Minsk), pour pousser l’Europe à entrer dans une économie de guerre qu’elle s’impose d’elle-même, pour lutter contre un ennemi qui n’a évidemment ni l’intention ni les capacités à nous envahir, ce d’autant moins du fait de la déterrence nucléaire. D’où la question centrale de savoir qui est véritablement visé.
Le symbole d’Eurosatory.
Macron a annoncé cet état d’économie de guerre depuis le salon Eurosatory. Eurosatory, c’est là où l’on peut apprécier sans danger l’immense offre d’armement proposée aux armées, certes, mais surtout aux forces dites de sécurité ou de l’ordre, et symbole de la réalité de cette guerre menée par les Etats contre leurs populations. Je sais, j’y suis allé pour raisons professionnelles voici quelques années, avant les LBD et les drones, et le moins que l’on puisse dire est que cela m’a mis mal à l’aise. J’imagine qu’aujourd’hui c’est encore bien pire, et le business en plein boum.
Après avoir passé un appel d’offre pour 1100 viseurs de LBD à Noël, le gouvernement continue à renforcer son arsenal répressif. Le 14 mars, un appel de marché public était publié dans le bulletin officiel pour « fourniture de munitions cinétiques de défense unique (MDU) de calibre 40 mm au profit des forces de sécurité intérieure ».
Comme le rappellent les journalistes du service Checknews de Libération, cette commande de 170 000 munitions de LBD (dont 10 000 « munitions marquantes »), intervient dans le contexte où de nombreuses voix se sont élevées contre l’usage de cette arme. A tel point qu’en janvier, une commission d’enquête parlementaire avait proposé de restreindre l’usage des LBD face aux « mouvements de foule ».
https://www.revolutionpermanente.fr/La-repression-qui-vient-le-gouvernement-commande-170-000-munitions-de-LBD-supplementaires-24526
On appréciera également le nouveau Centaure, ce truc qui doit faire bander la gendarmesque prenant d’assaut les camps de hippies mais qui servira surtout, j’imagine, pour “sécuriser” les déplacements d’un Micron 1er risquant de prendre des tartes en se baladant ailleurs qu’au Touquet ou à Neuilly:
“Ce véhicule blindé de maintien de l’ordre (VBMO) baptisé Centaure est un engin de plus de 14 tonnes, fabriqué par la société française Soframe. Avec 7,4 mètres de long, 3,3 m de haut et 2,5 m de large, son moteur de 280 à 330 chevaux, Centaure est une sorte de tout-terrain pouvant franchir des pentes de 40%, des fossés profonds de près d’un mètre et rouler à 110 km/h pendant 600 km avec 10 à 12 hommes à bord.
https://infodujour.fr/societe/58492-les-nouveaux-blindes-des-forces-de-lordre#:~:text=Les%20v%C3%A9hicules%20blind%C3%A9s%20de%20maintien,expos%20de%20Paris%2DNord%20Villepinte.
Mais le plus impressionnant, ce sont ses équipements anti-émeutes. Ce véhicule blindé équipé d’une lame flottante à l’avant peut dégager sans difficultés des axes barrés par des barricades ou des véhicules pesant plus de 3,5 tonnes, à la vitesse de 30 km/h comme le précise le magazine de la gendarmerie Essor.
Sur le toit de l’engin, une tourelle avec un système lance-grenades, une caméra longue portée avec vidéo de surveillance. De part et d’autre du véhicule, un système de défense sophistiqué.
Bref, un engin de guerre qui fait peur quand on sait qu’il va être utilisé contre des manifestants.
Certains se battent contre cette technopolice faisant usage de moyens normalement associés à l’armée, notamment la Quadrature du Net via cette action datant de trois ans déjà:
Il y a 3 ans, La Quadrature du Net lançait l’initiative Technopolice pour recenser les nouvelles technologies policières installées dans nos villes. Aujourd’hui, la surveillance de nos rues est devenue totale, car ces technologies se renforcent les unes les autres : vidéosurveillance généralisée, fichage de masse, reconnaissance faciale et détection automatisée de comportements. Pour mettre un coup d’arrêt à cette surveillance totale, nous lançons une plainte collective contre le ministère de l’intérieur qui l’organise illégalement.
https://www.laquadrature.net/2022/05/24/plainte-collective-contre-la-technopolice/
Je rappelle ici ce documentaire américain de 2016, intitulé “Do Not Resist“, sur les effets catastrophiques de la militarisation policière (1).
Dès lors que tant de gens applaudissent le sacrifice journalier de près d’un millier de soldats ukrainiens, j’ai déjà proposé que toute cette flicaille militarisée aille s’entrainer un peu sérieusement aux côtés des Ukrainiens sur le front de l’Est, mais bizarrement la chose reste sans écho.
Conséquences d’une déclaration officielle de passage à l’économie de guerre.
Comme nous l’avons vu dans le cas covidien, ce type de déclaration ne relève pas uniquement de la rhétorique anxiogène mais se traduit par des mesures matérielles: Etat d’urgence et démocratie au rabais, gouvernance par décret, suspension des droits fondamentaux, blanc seing accordé aux forces de police et règne des petits nazis à grandes casquettes.
Dans les faits, la déclaration d’économie de guerre peut légitimer un certain nombre de mesures très conséquentes: rationnement en énergie, en capacité de déplacement (déjà testé en vrai, souvenez-vous des rayons de 1, 10 ou 100 km imposés pendant le Covid), et en nourriture via les fameux tickets (ou les QR codes, soyons modernes). Mais également ponction sur les économies des citoyens pour financer “l’effort de guerre”, contrôle des changes, et fiscalisation (encore plus) massive de toutes les activités économiques.
Un business comme un autre.
On notera ici une subtilité selon que le pays en “économie de guerre” fasse partie des belligérants avec des combats sur son territoire (donc des destructions et des pertes humaines), ou serve les armées combattantes sans être lui-même sous le feu. Ce second cas fut celui des USA pendant la seconde guerre mondiale, où le Victory Program imposé en 1942 par Roosevelt était un plan d’économie de guerre pour fournir les forces alliées, et qui aura mené à l’enrichissement massif du pays.
Les USA de Biden ont clairement l’intention de refaire le même coup: s’enrichir sur le dos de l’autodestruction de l’Europe, qui se prive d’une source d’énergie majeure (gaz et pétrole russe) pour acheter du GNL américain au prix fort (issu des gaz de schiste), et en lui vendant des armes chères, très chères. Un F-35, c’est 100 millions de dollars, emballage cadeau jaune et bleu compris (on n’est pas des chiens non plus). Les usines d’armement tournent à plein régime pour compenser les “dons” déjà faits à l’Ukraine.
Le retour de l’Otan et de la séparation Est-Ouest.
Macron, comme Scholz en Allemagne et d’autres, veut donc intensifier l’économie de l’armement qu’il ne peut se permettre, donc invoque le passage en économie de guerre, “justifiant” ainsi de trains de mesures liberticides et prédatrices qui ne bénéficieront, comme d’habitude, qu’à une petite minorité.
Certes, il y a un argument recevable en faveur d’une montée en puissance de la défense européenne, si elle vise l’émancipation vis-à-vis de l’Otan et, donc, des USA. Si elle permet ensuite une vraie géostratégie européenne, crédible aux yeux des Russes et des Chinois, débarrassée du joug américain. C’était d’ailleurs le point de vue de Donald Trump mais bon, passons.
Malheureusement ce n’est pas du tout ce qui se profile, bien au contraire:
Le sommet de l’Otan, ces 29-30 juin à Madrid, est déjà “historique” au sens où il devrait, pour les atlantistes, marquer une nouvelle ère de domination idéologique plaçant clairement la Russie et la Chine dans le camp du Mal opposé au nôtre, le camp du Bien.
Le conflit en Ukraine sert évidemment de justification pour ceci, les manœuvres faites par l’Otan depuis 2008 pour attirer la Russie dans le merdier ukrainien étant bien sûr passées sous silence. Un conflit qui vise à affaiblir la Russie et l’UE en raison des coûts directs et indirects (notamment prix de l’énergie nourrissant une forte inflation), paralysant le continent dans une guerre longue et meurtrière (pour l’instant, surtout pour les ukrainiens), laissant le champ libre aux USA pour confronter son vrai ennemi, la Chine.
Au sein de l’Otan, derrière la façade et les propos belliqueux du domestique US qu’est Boris Johnson, derrière la haine russophobe qui calcine les neurones des Polonais, des Baltes et quelques autres, c’est la panique car la réalité est que la Russie est en train d’éliminer, jour après jour, l’ensemble du contingent militaire ukrainien (certains parlent de 1 000 morts par jour), malgré les livraisons d’armes qui ne font que faire durer les choses sans permettre d’infléchir la dynamique opérationnelle.
Non seulement la supériorité militaire russe est évidente, mais la propagande du camp du Bien est contredite par des dizaines de reportages de gens sur place (dans le Donbass) qui témoignent des exactions ukrainiennes (2). En haut de l’échelle ukrainienne, il semble y avoir un conflit entre les chefs militaires, qui veulent se replier et négocier plutôt que continuer à perdre des hommes pour rien, et la bande à Zelensky+Otan+UE qui veut “défendre la démocratie jusqu’au dernier ukrainien” afin de rentrer de plain-pied, et l’arme à l’œil, dans l’UE et dans l’Otan, seule compensation au remodelage des frontières ukrainiennes par la force russe.
Je ne dis pas que c’est bien, mais la force est ce que le camp du Bien utilise face à ses ennemis, réels ou imaginaires, depuis plus de vingt ans, donc c’est un peu tard pour en faire un cas moral. Fallait y penser avant.
Les demandes d’adhésions de la Suède et de la Finlande, mettant fin à un équilibre géopolitique datant de la guerre froide, ne changent rien sur le fond mais renforcent cette dynamique atlantiste pour un nouveau Mur Est-Ouest qui serait, cette fois-ci, construit et surveillé par le camp du Bien.
La faillite des sanctions contre la Russie, et notamment le retour de boomerang envers l’UE où l’Allemagne, entre autres, commence à s’inquiéter sérieusement pour son industrie liée, de longue date, à la fourniture d’énergie depuis la Russie (3), ainsi que la fin proche de la résistance ukrainienne au Donbass et sur l’axe Sud reliant la Crimée à l’enclave de Transnistrie, se combinent à la réalisation que l’Otan risque de perdre son pari d’une destruction économique et politique de la Russie.
Face à cela la bravache (et les morts) continue de plus belle: Zelensky promet de reprendre le Sud perdu aux Russes, et Stoltenberg (secrétaire général de l’Otan) prévient que la guerre durera des années, malgré les souffrances et les privations qu’elle imposera aux européens (4). Pour défendre la démocratie, bien sûr. Ils vont se réveiller quand, les gens?
L’économie de guerre, et tout ce qu’elle entraine, tombe alors à pic pour noyer le poisson, augmenter encore la censure, redonner des couleurs au drapeau national au son des bottes cloutées, et remettre le couvert des politiques liberticides et punitives déjà bien testées, malheureusement avec un certain succès, pendant la Saison 1.
Liens et sources:
(1) https://zerhubarbeblog.net/2016/10/04/do-not-resist-un-documentaire-effarant-sur-le-joug-policier/
(2) Par exemple https://web.telegram.org/k/#@chroniques_conflit_ukraine
(3) https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/03-Economie/-/2538266
Les raclures du lobby vaccinal ne perdent pas de temps. https://atlantico.fr/article/decryptage/exclusif-le-gouvernement-projette-la-prolongation-du-pass-vaccinal-mais-avec-quelle-majorite-sante-covid-19-pandemie-brigitte-bourguignon-emmanuel-macron-vaccination-francais-projet-de-loi-roger-verniere
L’Otan cherche comment s’en prendre à la Chine. https://english.alarabiya.net/News/world/2022/06/27/NATO-members-wrangle-over-how-to-treat-China
Ci-dessous la traduction d’un article du Financial Times (lu par les élites du camp du Bien, donc), sur l’incapacité de l’Occident de “placer la Russie en quarantaine”.
L’article est intéressant au sens où il reconnait une vérité qui semble échapper à ce même camp du Bien: hors l’Occident, le monde voit le conflit en Ukraine comme un conflit régional, voit la Russie comme un partenaire commercial voire politique dans un monde multipolaire, et voit l’hystérie occidentale comme un peu hypocrite vu que les USA, notamment, usent de la force militaire chaque fois que cela les arrange.
Traduction.
L’un des aspects les plus frustrants du débat américain sur l’Ukraine est son degré d’auto-illusion sur l’unité mondiale. L’hypothèse est fausse.
Vladimir Poutine est détesté et craint par la plupart des pays occidentaux, tout comme Volodymyr Zelensky est adulé. Mais l’Occident n’a pas été rejoint par la plupart des autres pays. Lorsque l’Indonésie accueillera le sommet du G20 en novembre, Poutine sera présent malgré la demande d’expulsion de la Russie formulée par Washington. Seuls quatre des 55 dirigeants africains ont assisté au discours virtuel de M. Zelensky devant l’Union africaine, qui avait finalement accepté qu’il s’adresse à eux après dix semaines de demande. Tous les sommets ne sont pas des festivals de films occidentaux, où Zelensky est devenu un incontournable. Et tout le monde ne partage pas l’avis de l’establishment américain de la politique étrangère selon lequel Poutine mène une guerre existentielle contre la démocratie. Je n’ai pas besoin d’être convaincu des sombres conséquences du programme impérial tardif de Poutine, ni de la nécessité qu’il échoue. Mais je ne suis pas un diplomate indien, un consommateur africain ou un importateur d’énergie latino-américain. L’Occident n’est pas le monde, et le monde n’est pas l’Occident. Il est étonnant qu’un tel truisme doive être souligné.
Voici la règle numéro un de mon abécédaire non écrit de la diplomatie mondiale : Éviter le nombrilisme. Une bonne diplomatie voit les choses d’un autre point de vue et les prend en considération. Je crains que les États-Unis et l’Occident en général ne passent à côté d’une grande réalité sous-jacente dans la réaction mondiale à la barbarie de Poutine : la guerre en Ukraine stimule la demande d’un monde multipolaire, ce qui est très différent de ce que nous nous sommes dit.
La plupart des pays non occidentaux ont soif d’autonomie stratégique. Ils peuvent être troublés par les images de Bucha et de Marioupol, tout comme nous sommes troublés par les images de nettoyage ethnique au Myanmar ou les villes bombardées en Syrie. Cela ne signifie pas qu’ils vont suspendre leurs intérêts pour empêcher que cela ne se produise, pas plus que nous ne le faisons lorsque d’autres appellent à l’aide. Pour une grande partie du monde, l’Ukraine n’est qu’une autre tragédie humanitaire. Le fait que l’Occident la considère comme existentielle est une irritation. Les Africains, les Arabes et les Latino-Américains savent que lorsqu’il y a un conflit entre les idéaux et les intérêts des États-Unis, ces derniers gagnent généralement. Nous devrions nous garder de juger ceux qui font des compromis similaires.
Le monde ressent la guerre d’Ukraine principalement de deux manières : la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Après une pandémie au cours de laquelle la croissance des marchés émergents s’est effondrée et où leurs ratios dette/PIB ont explosé, l’inflation des produits de base est la dernière chose dont ils ont besoin. Si l’on ajoute à cela la hausse des taux d’intérêt américains, on obtient les éléments constitutifs de la prochaine crise des paiements des marchés émergents et une instabilité politique croissante. Nous ne pouvons pas reprocher à des pays comme l’Inde et le Brésil d’acheter du pétrole russe à prix réduit. Il ne faut pas non plus s’étonner que les céréales russes trouvent preneurs. Le fait que Poutine bloque les exportations de céréales ukrainiennes et vole ce qui lui tombe sous la main est une réflexion brutale sur l’éthique de Moscou. Mais cela ne change pas le calcul des autres. La dureté de l’économie l’emporte sur le moralisme exagéré. Joe Biden, après tout, est sur le point de se rendre en Arabie saoudite pour faire pression sur ce pays afin qu’il augmente sa production de pétrole. Cela met à mal deux principes censés être au cœur de l’administration Biden : réduire les combustibles fossiles et éviter les autocraties parias.
Le découplage rapide de l’Occident avec la Russie se heurte à des limites géopolitiques. Des pays comme la Chine et l’Inde contribuent à la création de systèmes de paiement et de voies de transport alternatifs pour les produits russes. Ils bloquent également les tentatives occidentales d’éjecter la Russie du système multilatéral. La meilleure réponse de l’Occident à cette situation serait d’accorder aux marchés émergents le type de largesses dont la Chine a pris la tête depuis longtemps. Washington devrait être le fer de lance des efforts visant à renforcer la sécurité alimentaire mondiale, à organiser la restructuration de la dette des marchés émergents et à accorder des licences pour la production de vaccins Covid (ou, mieux encore, à suspendre les brevets) dans le monde entier. Si nous voulons que les autres nous suivent contre la Russie, nous devons prêter attention à ce qu’ils veulent. Se répéter que nous sommes dans une guerre de la lumière contre les ténèbres, dans laquelle il n’y a pas de juste milieu, n’est pas une stratégie diplomatique.
https://www.ft.com/content/f94bae9d-0c08-4757-b72a-7df549766aa9?fbclid=IwAR2AepaIHhVWWamVG4gtVjujvS5olTcdRljuY8Dns_G1b3vQQoMKP6zZ1KU
[…] Après la guerre, l'économie de guerre? […]
Faut s’accrocher mais c’est pertinent. https://lundi.am/L-anarcheologie-de-Jean-Vioulac
[…] (2) https://zerhubarbeblog.net/2022/06/26/apres-la-guerre-leconomie-de-guerre/ […]