Vers une guerre entre MNBC et Bitcoin?

Les Monnaies Numériques de Banques Centrales (MNBC) et le Bitcoin ont ceci en commun d’être basés sur la fameuse blockchain, et ceci de différent que les MNBC sont sous contrôle centralisé et non transparent (par les banques centrales, comme d’ailleurs nombre de cryptomonnaies sous contrôle de l’organisme émetteur), alors que le Bitcoin est décentralisé et transparent: par d’organisme régulateur central, et publication de toutes les transactions.

Comme rapidement décrit dans l’article précédent “Vers la fin du dollar?“, les MNBC répondent officiellement à une demande de fluidité des opérations financières et à l’élimination de tout blanchiment d’argent sale, mais répondent surtout à la volonté des Etats d’imposer un contrôle total sur l’activité économique des populations: les MNBC permettront aux autorités de suivre toutes nos opérations “privées”, de tuer l’économie parallèle qui fonctionne avec le cash (et qui permet à des millions de gens de survivre), et de nous interdire certaines opérations en fonction des règles liberticides du moment, genre crédit social, pass sanitaire, pass carbone, etc…

Le Bitcoin répond précisément à la demande inverse: émancipation du système monétaire “fiat” où, comme on le voit aujourd’hui avec le dollar, la monnaie est devenue une forme de fiction aux mains de politiques et de technocrates généralement ineptes et corrompus, émancipation des outils de contrôle étatique (le contrôle se faisant intrinsèquement via la blockchain), et réserve de valeur au titre d’un “or numérique” dont la quantité maximale est fixée et connue d’avance (en l’occurrence, 21 millions de Bitcoins).

Intérêts croisés.

A l’heure actuelle, la plupart des investisseurs (et surtout des spéculateurs) du Bitcoin, et des cryptomonnaies en général, passent par des “exchanges” en ligne, des sociétés privées ayant développé une plateforme d’achat/vente de cryptomonnaies, permettant ainsi à tout un chacun de participer sans devoir s’investir dans la haute technicité de la chose. Les plus grandes s’appellent Binance, Coinbase ou, jusqu’il y a peu, FTX, le cas qui illustre un problème fondamental du monde crypto: même si ces sociétés de change sont régulées (par exemple enregistrées en France auprès de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF), cela ne garanti pas leur bonne gestion (voire leur corruption totale, comme avec FTX). Une justification pour les Etats et les organismes de régulation de chercher à fortement réguler le secteur, voire à carrément l’interdire, comme c’est le cas en Chine.

Et c’est là où se situe le front: les Etats qui planchent sur les MNBC (et la Chine est déjà en phase de déploiement de son e-yuan), comme l’UE et les USA, voient les cryptomonnaies comme une concurrence, une manière pour la population d’échapper à leur emprise totalitaire, et veulent donc les tuer. A commencer par le Bitcoin, la reine des crypto, et avec Ether la seule avec potentiellement la puissance de créer une réelle concurrence aux MNBC.

Mais les Etats ne sont pas seuls à décider, et doivent prendre en compte l’avis des grandes institutions financières (banques, fonds de pensions, etc..) vu que ce sont les mêmes personnes qui “pantouflent” entre la politique, la technocratie et la finance, le tout formant un ensemble relativement cohérent en termes d’intérêts. Or la finance s’intéresse au Bitcoin, et compose déjà la majorité des gros investisseurs (dits “baleines” dans le jargon), même si leur investissement reste marginal jusqu’à présent, vu la très grande volatilité de ces actifs.

Mieux encore, la finance s’y intéresse de plus en plus, ce malgré les scandales type FTX, et même peut-être grâce à eux: le secteur va être “nettoyé” de ses mauvais acteurs par l’arrivée d’une régulation plus dure, ce qui va redonner confiance aux investisseurs, d’autant plus dans une période où le dollar est sous tension et où les risques d’une récession majeure sont reconnus par à peu près tout le monde. Comme l’or, le Bitcoin pourrait alors avoir un rôle de réserve de valeur, et attirer des fonds qui sortent du cash et des actions.

Une dynamique illustrée par plusieurs faits: le NASDAQ, la bourse des valeurs technologiques américaines, prévoit d’ouvrir sa propre plateforme d’accès aux cryptomonnaies d’ici l’été 2023 (1). Idem pour le New York Stock Exchange (2). Black Rock, le plus gros fond de pension du monde avec 9,5 billions (millions de millions) de dollars d’actifs en gestion, développe ses activités crypto (3), tout comme Fidelity Investments, autre monstre de la finance (4).

Phase de consolidation.

Il est donc peu probable que le marché des cryptomonnaies devienne illégal à court ou moyen terme, et il est clair que les institutions financières classiques et proches du pouvoir ont l’intention de piquer le marché aux pure players Binance et autres Coinbase, et ceci explique pourquoi ces derniers sont actuellement sous le feu nourri des régulateurs (5), en vertu du principe (voir “L’Etat Prédateur” de James Galbraith) que ce sont désormais les (gros) acteurs économiques, théoriquement soumis à la régulation, qui régulent les régulateurs vu que ce sont les mêmes personnes qui passent de l’un à l’autre, en se rendant mutuellement service. Voir un certain Emmanuel Macron et l’affaire des autoroutes, par exemple.

A terme, pourtant, c’est-à-dire au moment où les MNBC seront prêtes et que la situation économique le commandera, l’interdiction des cryptomonnaies reste un scénario plausible, à l’image de l’interdiction de détenir de l’or promulguée par le gouvernement américain en 1933, en pleine Grande Dépression, pour éviter un run sur le dollar. Si les prédictions d’une fin du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, sous les coups de boutoir de l’ineptie des gouvernements US / euro-atlantistes et de l’offensive anti-dollar des BRICS, devait se révéler exacte (et la probabilité est plutôt haute qu’il en soit ainsi), tout peut arriver pour, à nouveau, éviter un run sur le dollar où tout le monde chercherait à en sortir. La porte serait alors fermée grâce aux MNBC.

Le risque dystopique.

Pas fermée pour tout le monde, sans doute, ou pas totalement, mais quel en serait l’effet sur la valeur du Bitcoin, de loin la plus importante des cryptos? Je n’en ai évidemment aucune idée, mais beaucoup de gens semblent prévoir une hausse de cette valeur dans les années à venir du fait de l’entrée massive des investisseurs institutionnels, la menant à jouer son rôle “d’or numérique”, avec des valorisations entre $100 000 et $1 000 000 par Bitcoin (contre $28 000 actuellement) d’ici 3-5 ans. On imagine que les institutions financières ne vont pas accepter de perdre des milliards sans protester, et qu’elles feront tout pour maintenir la valeur du Bitcoin. Mais des arrangements sont toujours possibles, surtout avec une planche à billets MNBC. Les petits investisseurs, eux, n’auront alors sans doute plus que leurs yeux pour pleurer.

La guerre des MNBC contre le Bitcoin, et plus généralement des MNBC contre la liberté des populations, se prépare donc avec, en toile de fond, la probable fin de l’hégémonie du dollar américain et une crise économique comparable à celles des années 30. Il est clair que le bloc des BRICS mené par la Chine veut aussi imposer les MNBC, et ne veut pas du Bitcoin: les régimes les plus représentatifs de ce bloc, s’ils ont raison de chercher à s’émanciper du dollar, n’en sont pas pour autant des chantres de la démocratie et des libertés individuelles.

En Europe, la BCE est clairement en phase de préparation d’une MNBC “e-euro” (6), dont le lancement serait prévu vers 2027. Il y a donc une fenêtre de 3-4 ans pour la mise en place des forces combattantes, avec d’un côté la MNBC (qui ne sera pas universelle vu que plusieurs pays européens ne font pas partie de la zone euro) et de l’autre des réserves alternatives de valeur, notamment l’or, les matières premières, l’immobilier et les cryptos. Des marchés qui vont attirer ceux et celles qui se méfient des MNBC, mais qui sont eux-mêmes à la merci de manipulations, d’effets géopolitiques incontrôlables, et de lois de circonstance.

La numérisation du monde, dopée par l’IA (sujet d’un prochain article) mais aux mains de gens ineptes, de tendance sociopathe et généralement corrompus (il suffit de suivre les conférences du WEF à Davos pour s’en rendre compte), nous mène assez clairement vers une forme de dystopie dont les MNBC en sont un élément clé. Au-delà de la lutte entre MNBC et monnaies concurrentes tel le Bitcoin, c’est surtout un conflit de civilisation qui se prépare.

En conclusion, extrait d’un article de 2021 dans Bitcoin Magasine, intitulé “MNBC et le nouvel ordre mondial orwellien”, où l’on aborde les possibilité de programmation des MNBC: date de péremption, limites d’usage, etc..

Avec les MNBC programmables, les banques centrales auraient la possibilité de forcer les individus à financer des projets politiques de prédilection. Par exemple, en raison de l’inquiétude croissante suscitée par le changement climatique, une banque centrale pourrait manipuler l’argent de manière à ce qu’il ne puisse être dépensé que dans des entreprises “vertes”. Si la bonne personne avait suffisamment d’influence, peut-être que la prochaine série de mesures de relance ne pourrait pas être dépensée en bœuf, mais seulement en légumes, en pâte d’insecte comestible et en immobilier à base de gousses. Quoi qu’il en soit, le système monétaire deviendrait rapidement un outil utilisé par les personnes les plus influentes pour poursuivre leurs objectifs, dont certains peuvent être partagés par vous, mais d’autres auxquels vous pouvez vous opposer radicalement.

Bien que cette éventualité puisse sembler désastreuse, elle n’envisage même pas la possibilité de lier le concept d’un score de crédit social à une future MNBC. Les possibilités de contrôle de la population pourraient certainement être élargies si cela devait se produire : les planificateurs centraux seraient en mesure d’encourager certains comportements chez les personnes qui reçoivent des paiements de stimulation ou un revenu universel. Si les employés moyens sont aujourd’hui considérés comme des “esclaves salariés”, que seront-ils lorsque le gouvernement pourra leur retirer l’accès aux biens et aux services s’ils ne restent pas dans le rang ?

https://bitcoinmagazine.com/culture/cbdcs-orwellian-new-world-order

Liens et sources:

(1) https://www.nasdaq.com/articles/nasdaq-eyeing-q2-2023-release-for-bitcoin-and-crypto-custody-platform

(2) https://www.nytimes.com/2021/10/18/business/dealbook/bitcoin-etf-proshares.html

(3) https://www.nasdaq.com/articles/blackrock-blk-prepares-to-offer-crypto-trading-services

(4) https://www.fidelity.com/crypto/overview

(5) https://www.ft.com/content/8022f952-e1f6-47d8-a68b-3577c5420af3

(6) https://www.ecb.europa.eu/paym/digital_euro/html/index.fr.html

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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