SNCF: Système Nord-Coréen Ferroviaire?

La direction de la SNCF envoie t-elle ses responsables de la communication en stage en Corée du Nord? C’est que que l’on pourrait penser en lisant cet article de Elie Patrigeon dans l’Expansion de ce lundi, “Comment la SNCF m’a empêché de filmer la grogne des usagers“.

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Gare Montparnasse, vendredi soir, vers 17h40, le train 8135 à destination du Mans est à quai. Une certaine tension est perceptible : plusieurs groupes de policiers sont présents alors même que la destination n’est pas spécialement sensible… Simplement, des abonnés font grève pour protester contre les retards à répétition, et depuis plusieurs jours, refusent de montrer leurs billets aux contrôleurs (voir l’article et la vidéo). Des confrères de France 2 et de RTL doivent, notamment, tourner quelques interviews à bord du train. Ils sont appréhendés sans ménagement par la police ferroviaire, elle-même dirigée par des membres de la direction de la SNCF.

Pour ma part, je parviens à accéder au quai, billet valide et caméra en poche. Alors que j’achève une prise de vue du TGV en question, avant de monter dans la rame, six policiers, accompagnés d’une “responsable” de la communication de la SNCF m’interpellent. “Filmer ici est strictement interdit sans autorisation spéciale de la SNCF” me dit la communicante alors que me voilà cerné par la police. Je demande alors la raison de cet interdit et je comprends vite que je ne pourrai pas lutter : “c’est Vigipirate”. Me voilà donc sous le coup des lois anti-terroristes!

Suit un contrôle en règle de tous les papiers que je peux fournir : sauf-conduit professionnel, passeport et billet de train. Les journalistes, ce soir là, ont dû être les seuls à qui on a demandé les billets avant leur accès au train. Une partie de ma bande est effacée. Mais on est bien décidé à me faire louper le train : le contrôle dure, mon passeport est dans les mains de la police ferroviaire et la communicante débite les menaces, notamment sur la saisie de mon matériel.

J’avais pourtant joint, dans l’après-midi, le service de communication de la SNCF. On m’avait promis de me rappeler…

Je suis stagiaire, et la communicante de la SNCF se saisit de ce prétexte pour dénoncer le fait que je ne suis “pas un journaliste chevronné”, et estimer que je suis inapte, de fait, à la couverture des actualités SNCF. Elle demande la saisie de ma caméra et contrôle mes papiers. Lui faisant remarquer qu’elle n’est pas habilitée à faire ce genre de choses, le ton monte. Et cette fois-ci, on atteint 10 policiers autour de moi. Dans le genre discret, on a vu mieux : c’est le journaliste qui se fait prendre en photo par les passagers qu’il devait interviewer.

L’officier de police qui arrive reprend les choses en main, recadrant de fait la communicante : mes papiers sont en règle, je dois simplement cesser de filmer. Alors qu’un compromis est trouvé avec cet officier, plutôt professionnel, la communicante indique aux passagers que le retard du train est dû… aux journalistes récalcitrants… C’est pourtant la mise à quai tardive de la rame qui en est la cause. Les passagers, d’ailleurs, ne s’y trompent pas.

Je réussis, malgré tout, à monter dans le train à la dernière seconde, suivi par des agents de la police ferroviaire. Je récupère alors mon passeport. Seule une courte interview, qui sera diffusée dans l’après-midi, pourra être réalisée d’autant que la plupart des grévistes se trouvent dans la première rame alors que je suis dans la seconde, où sont néanmoins rassemblés plusieurs d’entre eux. La SNCF aura partiellement réussi à empêcher mon reportage en me laissant monter au dernier moment.

Arrivé au Mans, nouveau contrôle de la police. Je perds mes interlocuteurs grévistes, qui partent en réunion avec la direction régionale de la SNCF. Les agents des forces de l’ordre, quelque peu gênés par la situation, me demandent d’être coopératif et de ne plus filmer. De toute façon, les grévistes sont rentrés chez eux. Je repars plus tard dans la soirée avec un TGV qui arrivera en retard à Paris.

Ce jour là, la communication de la SNCF a eu tout faux. Et les journalistes auront été bloqués par les lois anti-terroristes…

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Citoyen: “Il n’y avait pas un truc dans la Constitution française au sujet de la liberté de la presse?”

SNCF: “Ta gueule. Mais on t’enverra une invitation pour le lancement de la toute nouvelle rame Kim-Il-Sung, comme ça tu pourras pousser avec les autres.”

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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