Chine vs USA: de la guerre tarifaire à la guerre monétaire.

Il est loin le temps béni où Trump dégustait des gâteaux au chocolat avec son meilleur ami Xi Jinping puis, en guise de pousse-café, balançait une cinquantaine de vieux Tomahawks sur une base syrienne afin de faire monter le prix de l’action Raytheon (1).

Quelques mois plus tard, à l’été 2018, Donald Trump déclenchait une guerre commerciale avec la Chine en imposant des droits de douanes sur la moitié des importations en provenance de Chine (2). Cette dernière répliquait, dans une moindre mesure certes, mais le coup de poing de Trump pour tenter de rééquilibrer une balance commerciale très défavorable avec la Chine n’a pas fonctionné. Même l’industrie US souffre alors que les tarifs douaniers sont censés la protéger des importations chinoises, et les emplois manufacturiers ayant disparus depuis l’an 2000 ne reviendront pas quoi qu’il arrive car c’est surtout la technologie (automation / robotisation), plus que les importations chinoises, qui le décime (3).

Les USA perdent la guerre.

La guerre commerciale menée par les USA depuis un an, même si elle partait d’une revendication légitime, a totalement foiré et simplement fait perdre du pouvoir d’achat aux consommateurs américains (qui achètent les produits chinois renchéris par les taxes). Les exportateurs US sont également touchés par les taxes douanières chinoises, et les Chinois viennent de confirmer leur décision de ne plus acheter de produits agricoles US. Coup dur pour cette industrie, même si d’un point de vue écologique tout ceci semble a priori positif.

Refusant d’y mettre fin et de perdre la face, Trump est passé à la vitesse supérieure: il accuse la Chine de manipuler sa monnaie, accusation qui n’avait plus été formulée à l’encontre des Chinois depuis 1990. Cette question est cruciale: la Chine achète et vend en dollars US sur le marché international, mais son marché intérieur est en yuan. Le taux de change yuan/dollar affecte le prix des exportations chinoises, et dans sa phase d’expansion la Chine maintenait artificiellement son taux de change le plus bas possible – manœuvre de dumping caractérisé.

La question monétaire.

la Chine fut obligée de freiner ce dumping en maintenant un taux de change “raisonnable” entre le yuan et un panier de monnaies, dont le dollar qui compte pour quelques 30% dudit panier. Ce qui fait que, depuis cette époque, le dollar vaut un peu moins de sept yuans et qu’il ne fallait surtout pas qu’il passe la barre psychologique de sept yuans – ce qui serait un signe de dévaluation suspecte.

Inévitablement, le manque à gagner chinois combiné au forçage américain a finalement eu raison de cette stabilité et le dollar est passé à plus de sept yuans, menant ainsi les USA à accuser la Chine de délinquance monétaire.

Panique ce lundi à la bourse où le Dow perdait 3%, mais les Chinois reprenaient le contrôle de la situation dès ce matin et stabilisaient le yuan juste au-dessus de la barre fatidique (4). La banque centrale chinoise a indiqué qu’elle ne désirait pas lancer une guerre monétaire avec les USA – et donc avec le monde vu que si le yuan baisse face au dollar, il baisse aussi face à toutes les autres monnaies dont l’Euro – mais je suppose que même Trump a reçu le message.

En effet, si les Chinois se mettaient à réellement dévaluer le yuan, cela compenserait la hausse des tarifs douaniers US et renforcerait encore plus la position concurrentielle chinoise. Au prix, certes, d’un renchérissement de leurs importations mais la Chine est d’une part largement exportatrice et, d’autre part, dispose de tellement de réserves en dollars et autres monnaies (5) qu’elle peut sans doute se le permettre.

Statu quo jusqu’en novembre 2020?

Plus grand monde, dans la sphère économique US, ne supporte la guerre commerciale lancée l’an dernier par Donald Trump (6). La guerre éclair hautement politicienne est en train de se retourner contre les USA et surtout contre son Président. On peut parier que les Chinois ont décidé de faire tomber Trump aux prochaines élections (novembre 2020) en lui refusant tout deal et en maintenant la pression sur l’économie américaine.

Xi Jinping, lui, en vrai dictateur installé à vie sur le trône de la République Populaire de Chine (qui n’a plus rien d’une république et plus grand chose de populaire), voit beaucoup plus loin que novembre 2020 et considère, sans doute, Trump et sa guéguerre comme un simple incident de parcours dans son projet de domination mondiale.

Considérations qui rendraient Trump presque sympathique et qui devraient, surtout, faire prendre conscience à nos chers dirigeants du grand danger d’une dépendance économique envers la Chine. En clair, on va se faire bouffer. Sortir de cette dépendance coûtera cher à court et moyen terme, mais c’est cela ou accepter de devenir un Disneyland pour chinois en goguette.

Liens et sources:

(1)

(2)

(3) https://money.cnn.com/2016/03/29/news/economy/us-manufacturing-jobs/

(4) https://www.washingtonpost.com/business/2019/08/06/dow-bounces-points-us-stocks-bounce-back-global-trade-war-fueled-rout/

(5) https://en.wikipedia.org/wiki/Foreign-exchange_reserves_of_China

(6) https://edition.cnn.com/2019/08/05/economy/trade-war-china-yuan/index.html

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

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