Entre COP23 et Terre Plate.

Ce mois de novembre 2017 sera riche de grands moments d’autosatisfaction, pour les croyants comme pour ceux qui profitent des croyants. En effet deux grands événements a fort potentiel tragi-comique ont lieu presque concomitamment: la COP23 à Bonn, Allemagne (1), et la Conférence Internationale de la Terre Plate à Raleigh, Caroline du Nord (2). Je ne sais pas laquelle sera la plus marrante, mais je sais bien laquelle participera le plus à l’élévation thermométrique du globe avec force jets privés, motorcades présidentielles, régiments policiers et tout et tout.

Flashback

Se tenait à Paris fin 2015 la COP21 – dont le nom en français, logiquement, est la FLIC21 (3) vu l’empressement de l’Etat à valoriser la liberté d’expression par un matraquage bien senti -, un monument d’autosatisfaction et d’hypocrisie climatique proclamant la sainteté d’un objectif de limitation de la hausse des températures à 2°C, objectif que tout le monde (sauf les croyants) savait pertinemment impossible à atteindre même dans le meilleur des cas, c’est-à-dire si tous les participants non seulement promettaient les réductions nécessaires, mais surtout les mettaient en oeuvre. Ce qui n’est évidemment pas le cas. (4).

Suite à la FLIC21, s’est tenue la COP22 à Marrakech en 2016. But: mettre en oeuvre les accords de Paris. Résultat (je cite): Les quelque 200 pays réunis à Marrakech à la COP22 se sont mis d’accord vendredi 18 novembre aux alentours de minuit pour mettre au point d’ici à décembre 2018 les règles d’application de l’accord sur le climat conclu l’an dernier à Paris. Entre déception et avancées, RFI dresse le bilan de cette conférence sur le climat à l’issue de deux semaines de discussions sur le réchauffement climatique. (5) Les croyants applaudissent un peu, les autres se marrent ou pleurent, c’est selon.

La Flat Earth Society, ou Société de la Terre Plate, fut fondée en 1956 et, après une période d’inactivité, fut relancée en 2009 et compte aujourd’hui plusieurs centaines de membres et bien plus de sympathisants encore. Plus proche d’une secte que d’un courant scientifique, on peut ici aussi parler de croyants et de manipulateurs. Peu importe que l’on puisse démontrer en s’asseyant au bord d’une falaise que la Terre est ronde, le besoin de croire se suffit à lui-même et, comme c’est le cas aujourd’hui dans une grande partie ce que l’on appelle encore le domaine scientifique, la nécessité de démontrer que ce à quoi on croit (ou, surtout, ce dont on peut tirer bénéfice) est la vérité fait que l’on choisi les informations qui nous arrangent, et on refuse de voir celles qui nous dérangent (6).

C’est vrai pour les tenants de la Terre plate, c’est vrai pour ceux qui continuent à parier sur des réduction d’émissions de GES qui ne viendront pas, et qui même si elles venaient ne suffiraient pas à atteindre la fameuse limite de 2°C. L’important n’est pas tant le résultat que le processus, l’allégeance au dogme qui nous envoie en retour le sentiment d’appartenance à une caste plus proche de la Vérité que toutes les autres.

Dans le cas de la Terre Plate, le dogme est assez facile à identifier même s’il n’existe pas une seule et unique théorie de la Terre Plate – hors le fait qu’elle est plate. Les différences sont dans les manières d’évacuer toutes les preuves de sa ronditude: les images de l’espace sont des faux, la NASA est un complot, les bords de la Terre Plate sont gardés par les militaires donc on ne peut pas y aller pour se “pencher” sur le bord… bref tout et n’importe quoi mais c’est pas pire que la Vierge Marie enfantant Jésus, ou la parole d’Allah transcrite par le Prophète et les 72 vierges (thème central de la chose religieuse, la vierge) qui attendent les martyrs. C’est juste plus rigolo et ça ne tue personne.

C’est bien sûr plus compliqué dans le cas dudit réchauffement climatique anthropique, c’est-à-dire la partie du réchauffement liée à l’activité humaine. Pour certains, les plus croyants, tout ou quasiment tout le réchauffement est lié à l’activité humaine sous forme d’émission de GES, notamment de C02. Pour d’autre, il y a une partie liée au cycle naturel (la Terre ayant connu d’autres périodes chaudes) et une partie liée à l’activité humaine ayant pour effet d’accélérer ce processus. Pour d’autres encore, l’activité humaine est tout à fait marginale dans le phénomène actuel, et c’est la position actuelle de l’administration américaine. Le GIEC impute quasiment tout le phénomène de réchauffement à l’activité humaine, ce qui est logique vu que sa mission première est de créer l’industrie des énergies renouvelables en partant du principe que le réchauffement est de nature anthropique (7). Le point de vue pro-GIEC monopolisant les canaux de communication et tout avis contraire étant considéré débile (et d’autant plus depuis Trump), toute recherche remettant en cause ce dogme est passée sous silence. Pourtant elle existe, la dernière en date à ma connaissance ayant fait l’objet de ce récent billet (8). Bien sur il est très possible que ces études soient toutes fausses, mais encore faut-il le démontrer en essayant de les répliquer.

Cette incertitude dans le pourcentage du réchauffement attribuable à l’activité humaine, associée à l’ambiguïté politique qui d’une part doit réduire les émissions de GES mais d’autre part doit satisfaire ses populations qui veulent toutes des voitures, des vacances en avion, des maisons chauffées, de la viande et des produits industriels pas chers, fait que l’on entend beaucoup de promesses et de cocoricos mais peu de réalisations. Ce d’autant plus que même si volonté de réalisation il y a, et elle existe là où la pollution est la plus visible comme en Chine, sa mise en oeuvre est complexe et plusieurs approches existent.

Il y a en gros trois approches: l’imposition de normes, la taxation et le marché des droits d’émission de carbone. Toutes ont des avantages et des inconvénients. Les normes peuvent être efficaces en théorie mais tendent à renchérir les produits, à augmenter la bureaucratie et à motiver la triche (voir Das Auto par exemple). Elles peuvent aussi être contre-productives, par exemple en imposant un certain niveau d’isolation thermique qui n’est possible qu’avec des isolants dérivés du pétrole, ou créées au profit de lobbies. Il y a en fait assez peu de normes réellement effectives, c’est surtout une manière d’occuper et de développer la bureaucratie au profit de ses “clients”, les grands groupes et sociétés capables d’intégrer des tonnes de réglementation, au détriment des “petits” qui sont ainsi asphyxiés.

La taxation est très facile à mettre en oeuvre mais généralement sans effet réel autre que l’appauvrissement des populations visées. Le fait que le litre d’essence augmente n’a pas vraiment d’effet sur la consommation globale, vu que les gens n’ont en général guère le choix de rouler. Sauf si l’argent récolté sert effectivement au développement d’alternatives avec des objectifs clairs, la taxation “écologique” relève plus du racket que de la politique environnementale.

Le marché des quotas de carbone, enfin, a mauvaise presse car souvent présenté comme un “droit à polluer”, et ne concerne pour l’instant que l’industrie, mais il a l’avantage d’avoir un réel effet de réduction (les quotas d’émission étant réduits d’année en année) et de permettre le financement concret d’alternatives: si un pays vend ses droits, il doit émettre moins mais en contre-partie reçoit de l’argent (le produit de la vente des quotas) pour développer l’énergie propre et/ou réduire les gaspillages (9).

Quel est l’objectif de la COP23 à Bonn? Mettre en oeuvre les accords de Paris, que nous savons déjà être impossibles à tenir. A l’heure actuelle, les engagements nationaux de réduction ne totalisent qu’un tiers des engagements requis pour théoriquement atteindre l’objectif fixé à Paris pour 2020. Un tiers des engagements, on ne parle même du niveau de réalisation. La COP23 a pour mission d’imposer les contraintes obligeant les signataires de Paris de réaliser leurs promesses. Ce n’est pas dit aussi brutalement, mais dans les mots de Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de l’ONU Changements Climatiques lors de l’ouverture de la COP23:

Le message ne peut pas être plus clair. Nous n’avons plus le luxe du temps. Nous devons agir maintenant. Alors on commence à partir de là – ici et maintenant.

Nous devons atteindre des buts bien spécifiques ici, à Bonn.

Nous espérons que ces négociations seront l’échelon supplémentaire, essentiel, qui nous permettra de concrétiser l’Accord de Paris, d’avancer sur ses règles d’application et d’en atteindre ses objectifs.

Nous devons aussi progresser pour concrétiser les engagements prévus pour 2020. A cet égard la finance et les promesses d’atténuation sont essentiels. (10)

La COP23 se présente donc, à nouveau, comme un grand théâtre où des gens en costumes-cravates ou tailleurs applaudissent des Fidjiens en pagne jouant une cérémonie tropicale dans le froid palais des congrès de Bonn. Les bons sentiments vont jaillir, certains verseront une larme, on se fera des grandes accolades et surtout on se promettra de se retrouver pour la suivante, c’est tellement sympathique et tous frais payés.

Du côté de la Terre Plate, les spécialistes de l’enfumage d’esprits faibles vont faire des conférences et vendre leurs livres auprès de leurs fidèles regroupés à Raleigh, fidèles qui auront au préalable payé entre 100 et 250 USD pour ce privilège. De manière générale, ces gens-là sont “climato-sceptiques” par essence vu que les modèles climatiques impliquent une Terre ronde, et que la science n’est qu’un vaste complot. Ce qui ne les empêche pas d’utiliser Internet, la télé par satellite et les modèles informatiques bien entendu. En matière de croyance, les contradictions n’ont jamais posé de problème.

 

Notes

(1) https://cop23.unfccc.int/fr/news/la-cop23-s-ouvre-sur-des-appels-pressants-a-maintenir-le-cap-de-l-accord-de-paris

(2) http://fe2017.com/

(3) https://zerhubarbeblog.net/2015/11/08/flic21-perte-de-temps-et-crise-dangoisse-climatique/

(4) https://zerhubarbeblog.net/2015/11/30/cop21-ou-2-degres-dirrealisme/

(5) http://www.rfi.fr/cop22/20161119-maroc-environnement-terre-cop-22-afrique-accord-climat-paris-rechauffement

(6) https://zerhubarbeblog.net/2017/10/18/la-plupart-des-articles-scientifiques-nont-aucune-valeur/

(7) http://documents.epfl.ch/groups/u/ue/ue-enac-marche-carbone/www/acteurs/acteur_GIEC.html

(8) https://zerhubarbeblog.net/2017/08/23/remise-en-cause-du-co2-dans-le-rechauffement-climatique/

(9) https://www.ddmagazine.com/1628-Comprendre-le-marche-du-carbone.html

(10) https://cop23.unfccc.int/fr/news/discours-d-ouverture-de-la-cop23-de-patricia-espinosa-secretaire-executive-de-l-onu-changements

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

6 réponses

  1. Pas de surprise, le bilan de la COP23 est bien maigre. On est d’accord pour se retrouver en Pologne en 2018. Mais ce ne fut pas perdu pour tout le monde: 492 représentants pour la Côte d’Ivoire, suivie par la Guinée (355), le Congo démocratique (340), le Congo (308) et le Maroc (253). Loin de la moyenne mondiale (60). Les Ivoiriens justifient cet excès par la présence de beaucoup d’ONG… Je ne vais rien dire, ce serait méchant.
    https://www.ouest-france.fr/environnement/climat/cop23-malgre-l-urgence-un-tout-petit-pas-pour-le-climat-5387291

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