Ukraine, le retour du bâton.

On attribue à un certain Philip Snowden d’avoir écrit, en juillet 1916, que “la vérité est la première victime de la guerre“. Mais encore plus tôt, au 18ème siècle, un certain Samuel Johnson aurait été plus complet en disant que “Parmi les calamités de la guerre, on peut citer à juste titre la diminution de l’amour de la vérité, par les mensonges que l’intérêt dicte et que la crédulité encourage“. Le 21ème siècle n’arrête pas de leur donner raison car, si la masse d’information disponible ainsi que le nombre de sources ont massivement augmenté, les intérêts des uns comme la crédulité des autres auront progressé dans des mesures comparables.

Ces quelques jours de combats dramatiques auront donc offert un florilège intense de mensonges, de manipulation, de moralisme plus ou moins hystérique et de déclarations martiales basées sur des intérêts idéologiques et politiques typiques de toute guerre et, comme pour toute guerre, c’est le temps qui permettra de séparer la réalité des intentions et des faits, des écrans de fumée de la rhétorique des intérêts bien compris.

Il faut donc commencer, si l’on veut comprendre plutôt que revendiquer, par replacer les choses dans le fil du temps et des faits établis. Et le premier fait à rétablir est celui de la constance de la guerre en Europe depuis la chute du Mur, et dont l’épisode actuel n’est que la prévisible continuité. On pourrait même parler de chambre d’écho.

1990-91, la première guerre du Golfe contre l’Irak et fin de l’URSS.

Dans la foulée de la guerre entre l’Iran et l’Irak, Saddam Hussein tente de conquérir le Koweit (qu’il considère irakien et veut récupérer depuis 1958). Il tombe dans un piège (6), ce qui déclenche un processus permettant aux USA de reprendre pied, militairement parlant, au cœur du Moyen-Orient. Le 25 décembre 1991, l’URSS s’effondre définitivement. la guerre froide se termine “officiellement” en juin 1992 avec les accords de réductions d’armes Start II.

1992, la doctrine Wolfowitz.

La fin de l’URSS mène les USA à définir une nouvelle doctrine de suprématie totale, la doctrine Wolfowitz (7), marquant le début de l’ère de la confrontation perpétuelle entre les USA et leurs vassaux d’un côté, et le reste du monde de l’autre, dont la Russie et la Chine.

1999, Kosovo.

En 1999, soit quatre ans après les interventions de l’Otan en Bosnie, interventions en accord avec le conseil de sécurité de l’ONU (dont fait partie la Russie) une guerre civile entre Serbes et Albanais yougoslaves se termine sur une intervention militaire de l’Otan qui, pendant 78 jours, bombarde massivement les civils serbes. Une intervention menée sans l’accord de l’ONU, se terminant par l’indépendance (très théorique) du Kosovo, mais dont Poutine dira ceci en 2008:

“Le précédent du Kosovo est un précédent terrible, qui fera de facto voler en éclats tout le système des relations internationales, développé non pas sur des décennies, mais sur des siècles”, a déclaré Poutine lors d’une réunion à Moscou des dirigeants régionaux.

“Ils n’ont pas réfléchi aux résultats de ce qu’ils font. Au bout du compte, c’est un bâton à deux extrémités et la deuxième extrémité reviendra les frapper en pleine figure”, a déclaré M. Poutine, dans des commentaires diffusés ultérieurement par la télévision d’État.

https://www.smh.com.au/world/putin-calls-kosovo-independence-terrible-precedent-20080223-gds2d5.html

2001-2020, Moyen-Orient.

Il serait trop long, ici, de revenir en détail sur les épisodes du Moyen-Orient à partir de 2001, avec l’invasion de l’Afghanistan dont nous connaissons désormais les faits (1), avec l’attaque contre l’Irak de 2003 sur base de fausses preuves officielles (2), avec l’attaque contre la Libye devant “calmer” Kadhafi face aux insurgés de Benghazi, mais qui se termina sur un changement de régime non prévu par la résolution de l’ONU (mais qui arrangeait très bien Nicolas Sarkozy…(3)), et avec l’affaire de l’Etat Islamique en Syrie et en Irak, où des “alliés” de l’Occident armaient les islamistes pour faire tomber Assad (4).

Un Occident tellement courageux qu’il finira par fuir en laissant ses alliés Kurdes aux mains des hordes turques (5). En 2015, Vladimir Poutine interpelle cet Occident depuis la tribune de l’ONU:

« L’intervention extérieure agressive à entraîné, au lieu de réformes, la destruction pure et simple des institutions étatiques et du mode de vie lui-même. En lieu et place du triomphe de la démocratie et du progrès règnent la violence, la misère et les catastrophes sociales, tandis que les droits de l’homme, y compris le droit à la vie, ne sont appliqués nulle part.

J’aimerais demander aux responsables de cette situation : « Avez-vous au moins conscience de ce que vous avez fait ? » Mais je crains que cette question ne reste en suspens, parce que ces gens n’ont pas renoncé à leur politique basée sur une confiance exagérée en soi et la conviction de son exceptionnalité et de son impunité. »

https://zerhubarbeblog.net/2015/10/05/vladimir-poutine-interpelle-loccident-sur-le-moyen-orient-et-les-equilibres-mondiaux/

2014, coup d’Etat pro-occidental en Ukraine.

Cet évènement clé du processus de pourrissement volontaire entre l’Est et l’Ouest est décrit dans l’article “Ukraine, une béquille pour l’Otan” (8). C’est le premier retour du bâton dont parlait Poutine en 2008: c’est le rapport de forces, plutôt que le droit, qui décide de la réappropriation territoriale. Il annexe donc la Crimée afin de protéger sa base navale d’une possible intégration de l’Ukraine au sein de l’Otan, après avoir occupé l’Ossétie du Sud géorgienne pour la même raison.

Il signe les accords de Minsk avec l’Ukraine, cette dernière devant reconnaître l’autonomie des provinces séparatistes russophiles du Donbass, et arrêter toute action militaire afin de permettre la démilitarisation de la zone (9). Accords moyennent respectés dès le début, et de moins en moins au fil du temps. Les Russes en accusent ouvertement l’Ukraine en décembre 2021, et l’Ukraine confirme en janvier 2022 que respecter ces accords (dont les “parrains” sont l’Allemagne et la France) signifierait la destruction du pays.

2022, Retour du bâton.

La suite relève de l’histoire récente avec la reconnaissance et la protection des régions sécessionnistes par Poutine ce 21 février:

C’est le retour du bâton anticipé par Poutine depuis 2008 mais c’est, surtout, la défaite de l’intelligence au profit des intérêts du complexe militaro-industriel américain et du moralisme européen à deux balles qui tient lieu de géopolitique.

Les mêmes idéologues étaient contre la répression russe en Tchétchénie aux mains de terroristes islamistes, mais pour les guerres d’invasion au Moyen-Orient, pour la guerre au Kosovo, mais contre l’annexion de la Crimée ou le séparatisme pro-Russe en Ukraine. Les mêmes qui applaudissent la censure de RT et croient que France24 est idéologiquement neutre.

Heureusement, tout le monde n’est pas BHL (10), et des voix mûres n’ayant plus grand chose à gagner ou à perdre, comme Hubert Védrine, le général Vincent Desportes ou Dominique de Villepin, osent affronter la pensée unique moralisatrice en rappelant quelques principes:

Politique et propagande.

D’anciennes images présentées comme arrivant d’Ukraine (11) à un as fantôme de l’aviation ukrainienne (12), en passant par la menace nucléaire (big frisson) et une union sacrée européenne servant la soupe aux quasi-dictatures racistes locales (Pologne, Hongrie…) trop heureuses d’accueillir les “bons” réfugiés ukrainiens, la machine à moraliser fonctionne à plein régime, sans même avoir besoin des fermes à trolls russes.

La question n’est évidemment pas d’être pour ou contre Poutine, cette question étant réservée aux seuls Russes. La question est de comment faire avec, de ce que devrait être notre politique internationale, et de qui devrait la mener. L’incompétence de nos représentants étant en général proportionnelle à leur amour du cinéma, il est clair qu’il n’y a rien à espérer de la vaste majorité des leaders occidentaux.

D’un Macron jouant la carte ukrainienne pour s’assurer une réélection par défaut (sur le thème de: on ne change pas de chef en temps de guerre) à un Boris Johnson comptant bien sur Poutine pour le sortir de la “Partygate”, cette affaire de soirées folles en plein confinement, le potentiel politique de cette crise, au sens de la politique politicienne, n’est perdu pour personne. Ca tombe bien, le Covid donnait des signes de faiblesse.

En matière de cinéma, justement, le président Zelensky est un professionnel, et la guerre comme le cinéma ont besoin de héros. Loué, sans doute à juste titre, pour son courage et sa détermination dans l’adversité, il était pourtant nettement moins apprécié pour ses qualités de président “normal” malgré des débuts prometteurs (14). Son appel actuel à une accession immédiate de l’Ukraine au sein de l’UE relève d’un opportunisme assez douteux, mais il fait avec ce qu’il a.

Contre-témoignage hallucinant de la reporter française Anne-Laure Bonnel sur la réalité au Donbass:

Le cas allemand.

Le seul cas vraiment intéressant est le cas allemand. Le nouveau chancelier Olaf Scholz, dans sa jeunesse des années 80, était de gauche et demandait que l’Allemagne quitte l’Otan. Il a aujourd’hui largement tourné casaque, mais sa décision de monter le budget de la défense allemande à la barre des fameux 2% du PIB, et de fermer la parenthèse de la non intervention de la Bundeswehr en terre étrangère, marque un réel tournant qui pourrait, à terme, mener à un retour à sa revendication de jeunesse: quitter l’Otan.

Vu d’Allemagne, l’Otan est la force qui empêche le développement de relations économiques apaisées avec la Russie. L’Otan, c’est-à-dire les Américains, ne veulent pas du pipeline NordStream2 censé amener le gaz russe aux chaudières allemandes et européennes. Pour emmerder les Russes, mais surtout pour vendre leur propre gaz de schiste.

Certes, l’Allemagne a aujourd’hui besoin de l’Otan face à la menace russe, mais j’imagine que Scholz, comme d’autres, auront compris que la sécurité européenne passe désormais par une défense crédible indépendante du délire impérialiste américain. Précisément ce que demandait, en son temps, un certain Donald Trump…

Poutine joue son va-tout.

Poutine sait que la seule chose de certain lorsqu’on lance une guerre, c’est que rien ne se passera comme prévu. Il est peut-être surpris de la résistance ukrainienne dont une partie de la population semble prendre les armes. Il est peut-être surpris par l’ampleur des sanctions qui affectent d’ores et déjà l’économie russe (13), comme il est peut-être surpris par les réactions d’une minorité russe contre la guerre, certes réprimée “à la Macron” par ses milices armées, mais qui ternissent néanmoins l’image du Czar pleinement adoré par ses sujets.

Il est clair que la Russie n’a pas les moyens matériels de “tenir” l’Ukraine, un pays plus grand que la France avec une population de 44 millions. L’armée russe devra se replier, d’ici quelques jours ou semaines, sur la nouvelle frontière à l’Est afin de panser ses plaies. L’appétit des militaires russes à massacrer des Ukrainiens qui ne leur ont rien fait est sans doute limité, surtout s’ils subissent eux-mêmes des pertes conséquentes. Fondamentalement, Russes et Ukrainiens sont frères.

La question est le niveau de destruction que cette armée va faire subir à l’Ukraine, et la profondeur des plaies psychologiques et politiques que ceci va induire.

Espérons que les négociations entre représentants russes et ukrainiens, en cours depuis ce lundi, accoucheront a minima d’un cessez-le-feu, puis d’une forme de résolution commune. Sinon, tous ces braves civils ukrainiens d’un certain âge fabricant des cocktails molotov et tenant des fusils, risquent de finir en chair à canon. Des images terribles qui, associées au poids des sanctions, pourraient même retourner l’opinion russe et affecter suffisamment de gens puissants pour mettre un terme au régime de Poutine.

J’imagine qu’il en est conscient.

Tout est dans le narratif.

Entre-temps, les machines à propagande de tous bords vont continuer à tourner à plein régime, à mettre en scène héros et victimes, à faire la promotion des plus ineptes mais médiatiquement vendables genre Macron, à sélectionner voire tordre les faits en fonction du narratif en vigueur, et si nécessaire à créer des boucs émissaires “vendus à l’ennemi”: toute personne ne se soumettant pas à la ligne anti-Russes sera à la bien-pensance nouvellement ukrainophile, ce que les anti-ségrégation sanitaire sont à la bien-pensance covido-fasciste. Ce sont d’ailleurs le plus souvent les mêmes, au service des mêmes maîtres.

Si vous comprenez l’anglais, et afin d’illustrer la nécessité du recul, je vous propose cette conférence de 2018 à l’université de Yale, par le journaliste russo-américain Vladimir Pozner, intitulée “Comment les USA ont créé Vladimir Poutine”.

Le narratif, en effet, n’est puissant que du fait de la crédulité de ceux et celles qui écoutent. Une crédulité fondée par l’ignorance, ce qui n’est pas un reproche vu que tout le monde ne peut pas savoir tout sur tout, mais quand l’ignorance devient un objectif éducatif voire une valeur sociale, c’est que quelqu’un a jeté le bébé avec l’eau du bain.

Une crédulité également alimentée par l’effet d’hypnose de masse, un effet remarquablement actif dans le cadre de la chose covidienne (15), et rendu possible par un haut niveau d’anxiété générale au sein de la population. Cette anxiété, combinée à un message répétitif, permet de focaliser la menace et de créer une sorte de sentiment de solidarité face à l’ennemi commun désigné comme tel, que ce soit le Covid, le non vacciné ou le pro-Poutine.

Combattre cette perpétuelle manipulation des masses, ce “nudging” paramétré par des agences de “conseil” genre McKinsey et se déversant continuellement via les orifices de la propagande d’Etat genre France Inter et MSM en général, devrait être une mission centrale de toute mobilisation réellement politique aspirant à l’émancipation de chacun. Mais qui aspire encore à cela?

Liens et sources:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2019/12/10/the-afghanistan-papers-tous-les-mensonges-enfin-reveles/

(2) https://zerhubarbeblog.net/2011/09/08/le-11-septembre-et-les-mensonges-de-ladministration-bush-en-irak/

(3) https://zerhubarbeblog.net/2015/02/13/rafales-pour-le-caire-la-libye-fumeux/

(4) https://zerhubarbeblog.net/2013/01/25/syrie-le-loup-islamiste-sort-du-bois/

(5) https://zerhubarbeblog.net/2019/10/07/de-quoi-une-kurde-trahie-est-elle-le-nom/

(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Golfe

(7) https://en.wikipedia.org/wiki/Wolfowitz_Doctrine

(8) https://zerhubarbeblog.net/2022/01/25/lukraine-une-bequille-pour-lotan/

(9) https://fr.wikipedia.org/wiki/Protocole_de_Minsk

(10) https://zerhubarbeblog.net/2019/01/31/bhl-ou-la-creme-des-hypocrites/

(11) https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/crimee/guerre-en-ukraine-attention-aux-fausses-images-qui-circulent-sur-les-reseaux-sociaux_4979148.html

(12) https://www.thegamer.com/ghost-of-kyiv-ace-combat-rumor-war-thunder/

(13) https://www.theguardian.com/world/2022/feb/28/the-damage-is-done-russians-face-economic-point-of-no-return

(14) https://www.ouest-france.fr/europe/ukraine/ukraine-volodymyr-zelensky-des-scenes-de-theatres-aux-scenes-de-guerre-e211982c-94c4-11ec-bde8-dbba9f3f1962

(15) https://zerhubarbeblog.net/2022/01/06/du-covid-a-la-formation-psychotique-des-masses/

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

24 réponses

  1. Monika Karbowska

    Merci beaucoup pour cette salutaire mise au point. Il faut aussi rajouter le référendum du 17 mars 1991 au cours duquel plus de 60% de la population de l’URSS s’est prononcé pour une Union Soviétique rénovée et seulement les pays Baltes pour la secession. C’est la clé pour comprendre pourquoi dans le Monde Russe (russki mir) la dissolution de l’URSS par Yeltsin, Kuczma et Schouchkievitch est considérée comme illégal d’un point de vue du droit international. Pour de nombreuses personnes l’URSS existe toujours, la Russie est son successeur et tout le reste n’est que manipulation occidentale. A noter que la Crimée a votée à 80% pour l’URSS, qu’elle n’a jamais voulu de l’indépendance de l’Ukraine et que même les Ukrainiens n »‘ont jamais pu se prononcer sur leur propre indépendance… Indéniablement si quelqu’un leur demandait l’Est voterait pour le retour de la Russie et seule l’Ouest voudrait de l’indépendance… et encore, chercher à se coller à l’UE à tout prix est une forme d’abdication et de soumission nous le savons. En tout cas, détruire des pays c’est vraiement jouer aux apprentis sorciers…

  2. 🔶Un Thread essentiel de Renaud Bertrand recensant les mises en garde de penseurs stratégiques de haut niveau depuis de nombreuses années si le problème Russie/Ukraine était aussi mal traité qu’il l’est aujourd’hui. Hélas ils n’ont pas été écoutés🔶

    Traduction du thread.

    La chose la plus frappante à propos de la guerre en Ukraine est le nombre de penseurs stratégiques de premier plan qui ont averti pendant des années qu’elle allait arriver si nous continuions sur la même voie. Personne ne les a écoutés et nous y sommes.

    Petite compilation de ces avertissements, de Kissinger à Mearsheimer.

    – Le premier est George Kennan, sans doute le plus grand stratège de politique étrangère des États-Unis, l’architecte de la stratégie américaine de la guerre froide. Dès 1998, il a averti que l’expansion de l’OTAN était une “erreur tragique” qui devrait finalement provoquer une “mauvaise réaction de la Russie”.

    – Puis il y eut Kissinger, en 2014. Il a averti que “pour la Russie, l’Ukraine ne peut jamais être un simple pays étranger” et que l’Occident a donc besoin d’une politique visant à la “réconciliation”. Il était également catégorique sur le fait que “l’Ukraine ne devrait pas rejoindre l’OTAN”

    – John Mearsheimer – probablement le principal érudit géopolitique aux États-Unis aujourd’hui – en 2015 : «L’Occident mène l’Ukraine sur la voie de l’onagre et le résultat final est que l’Ukraine va faire naufrage […] Ce que nous faisons, c’est en fait encourager ce résultat. »

    – Jack F. Matlock Jr., ambassadeur des États-Unis en Union soviétique de 1987 à 1991, a averti en 1997 que l’expansion de l’OTAN était “la bévue stratégique la plus profonde, encourageant une chaîne d’événements qui pourrait produire la menace la plus grave pour la sécurité depuis l’effondrement de l’Union soviétique”

    – Le secrétaire à la Défense de Clinton, William Perry, explique dans ses mémoires que pour lui, l’élargissement de l’OTAN est la cause de “la rupture des relations avec la Russie” et qu’en 1996, il s’y opposait tellement que “sous la force de ma conviction, j’ai envisagé de démissionner”.

    – Noam Chomsky en 2015, affirmait que “l’idée que l’Ukraine puisse rejoindre une alliance militaire occidentale serait tout à fait inacceptable pour tout dirigeant russe” et que le désir de l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN “ne protège pas l’Ukraine, mais menace l’Ukraine de guerre majeure.

    – Stephen Cohen, un célèbre chercheur en études russes, a averti en 2014 que “si nous déplaçons les forces de l’OTAN vers les frontières de la Russie […]. cela va évidemment militariser la situation [et] la Russie ne reculera pas, c’est existentiel”

    – Le célèbre journaliste russo-américain Vladimir Pozner, en 2018, a dit que l’expansion de l’OTAN en Ukraine était inacceptable pour les Russes, qu’il devait y avoir un compromis où “l’Ukraine, ne deviendrait pas membre de l’OTAN”.

    – Plus récemment, juste avant le début de la guerre, cle célèbre économiste Jeffrey Sachs a écrit une chronique dans le FT avertissant que “l’élargissement de l’OTAN est complètement malavisé et risqué. Les vrais amis de l’Ukraine et de la paix mondiale devraient appeler à un compromis entre les États-Unis et l’OTAN avec la Russie.”

    – Les voix des hauts responsables de l’ONU sont également importantes, car de nombreux apologistes de l’OTAN semblent avoir oublié leur existence.

    – Bill Burns, directeur de la CIA, en 2008 : “L’entrée ukrainienne dans l’OTAN est la plus brillante de toutes les lignes rouges pour [la Russie]” et “Je n’ai encore trouvé personne qui considère l’Ukraine dans l’OTAN comme autre chose qu’un défi direct pour les intérêts russes”

    – Malcolm Fraser, 22e Premier ministre australien, a averti en 2014 que “le mouvement vers l’est par l’OTAN était provocateur, imprudent et un signal très clair à la Russie”. Il a ajouté que cela conduisait à un “problème difficile et extraordinairement dangereux”.

    – Paul Keating, ancien Premier ministre australien, en 1997 : l’élargissement de l’OTAN est «une erreur qui peut se classer au final avec les erreurs de calcul stratégiques qui ont empêché l’Allemagne de prendre toute sa place dans le système international au début du 20ème siècle»

    – L’ancien secrétaire américain à la Défense, Bob Gates, dans ses mémoires de 2015 : «Agir si vite pour étendre l’OTAN était une erreur. [… ] Essayer d’amener la Géorgie et l’Ukraine dans l’OTAN était vraiment exagéré et une provocation particulièrement monumentale »

    – Sir Roderic Lyne, ancien ambassadeur britannique en Russie, a averti il y a un an que “pousser l’Ukraine dans l’OTAN [… ] est stupide à tous les niveaux”. Il ajoute “si vous voulez déclencher une guerre avec la Russie, c’est la meilleure façon de le faire”.

    Toutes ces alertes n’ont pas été entendues: pourquoi?

  3. Anne-Laure Bonnel, jeune réalisatrice et mère de famille française, décide d’accompagner Alexandre, un père de famille d’origine ukrainienne, dans la région du Donbass, à l’est de l’Ukraine en zone pro-russe. Au cœur de la guerre, elle capte les images terribles d’un conflit meurtrier et d’un désastre humanitaire sans précédent. Donbass est un road-movie immersif, un film documentaire saisissant dans un pays déchiré.
    https://youtu.be/6Oh-IE2zmJc

  4. El Cantor

    Le plus délirant est l’attitude envers la Culture. Le chef Valery Gergiev hier adulé est aujourd’hui conspué par une foule haineuse ! Notez que l’Opéra de Varsovie a déprogrammé ses représentations de l’Opéra Boris Goudonov du compositeur russe du XIXe siècle Modest Moussorgski…Car trop nationaliste russe. En 1914, on s’en prenait à la musique allemande, on disait même que Beethoven était pas allemand mais belge car son grand père était carillonneur à Malines…L’humain est toujours aussi con ! Il est consternant de voir des personne du monde culturel se réjouir du bannissement des artistes russes…Ce n’est pas si surprenant car les mêmes n’ont rien trouvé à redire au pass vaccinal…tant qu’ils mangent à la gamelle des puissants…
    La comparaison du temps est terrible pour notre époque, même en pleine guerre froide les artistes circulaient, certes modestement, mais il y avait des échanges…Les concerts de Karajan à Moscou sont légendaires comme ceux du violoniste Oistrackh en Europe….

  5. Anne-Laure Bonnel – Reporter:

    « Que s’est-il passé diplomatiquement avant l’offessive russe le 23 février 2022. Et, je le répète, offensive que je n’ai jamais cautionnné et que je condamne.
    Mais il impératif de comprendre les FAITS.
    (C’est le résultat de mes recherches, ce n’est pas un artcile de presse. Vous aurez tous les links, sources etc. Cela ne date pas d’aujourd’hui)
    Contextualisation : avant 2014 à lire très attentivement.
    UNE SITUATION COMPLEXE
    La situation de l’Ukraine est plus complexe que les médias ne la présentent. Le pays est hétérogène, historiquement, linguistiquement et religieusement.
    Le pays est profondément divisé entre une partie occidentale au fort tropisme européen et au nationalisme prononcé, tandis qu’à l’est, la majorité de la population, russophile et russophone, ne se sent guère ukrainienne.
    Cette bipolarisation s’exprime à l’occasion de chaque élection, comme par exemple lors du scrutin présidentiel de 2004 : le candidat pro-occidental Viktor Ioutchenko obtint plus de 80% des suffrages dans les régions de l’ouest du pays, tandis que son adversaire Viktor Ianoukovitch recueillit plus de 80% des voix à l’Est.
    Un autre élément doit également être rappelé. Depuis son indépendance en 1991, l’Ukraine a été dirigée par des élites qui ont pillé le pays, quelle que soit leur appartenance politique. S’il est regrettable que le président Ianoukovitch s’inscrit dans cette dynamique, il est loin d’être le seul : les dirigeants issus de la Révolution de 2004 et présentés comme les plus « démocratiques» se sont également largement servis. En particulier, Ioulia Timotchenko, l’égérie de la Révolution orange, la « Jehanne d’Arc » ukrainienne, en est un édifiant exemple.
    Cette femme d’affaires, véritable oligarque ayant fait fortune dans l’industrie gazière (elle a été présidente de la Compagnie nationale de
    d’hydrocarbures/SEUU) s’engage en politique au milieu des années 90. En janvier 2001, alors qu’elle est vice-Premier ministre chargée de l’Energie, elle est congédiée par le président Koutchma, accusée de « contrebande et de falsification de documents », pour avoir frauduleusement importé du gaz russe en 1996, lorsqu’elle était présidente de SEUU.
    Timochenko est arrêtée et fait plusieurs semaines de prison. Puis en 2009, elle est condamnée à sept ans d’emprisonnement pour enrichissement illicite dans le cadre de contrats gaziers signés entre l’Ukraine et la Russie. Si son internement sous le mandat de Ianoukovtich a une utilité politique, il ne s’agit aucunement d’une détention arbitraire tant les preuves sont accablantes contre cette femme dont l’image médiatique de pureté est aux antipodes de la réalité.
    Conséquence de cette corruption généralisée des élites, le pays est aujourd’hui en faillite et ses dirigeants sont dans la nécessité de redresser sa situation financière désastreuse. C’est paradoxalement ce que Ianoukovitch, aussi incompétent et corrompu soit-il, avait compris. Estimant que l’aide européenne proposée dans le cadre de l’accord douanier devant être signé en novembre 2013 à Vilnius n’était pas suffisante (610 millions d’euros), le président ukrainien demanda qu’elle soit portée à 20 milliards d’euros, ce que Bruxelles refusa. Aussi, il a fait volte-face afin de répondre favorablement à l’offre russe, Moscou lui proposant 15 milliards de dollars d’aide directe et de continuer de faire profiter le pays d’un prix très bas pour le gaz naturel.
    Outre son attrait financier, cette proposition n’avait rien d’incohérent car l’essentiel des échanges commerciaux de l’Ukraine se fait avec la Russie et ses secteurs stratégiques restent très intégrés dans l’économie de ce pays avec lequel plus de 240 accords ont été signés.
    C’est la perspective de ce nouvel accord commercial qui a fait réagir les partis et les activistes nationalistes de l’ouest, pro-occidentaux et antirusses. Mais le mouvement « populaire » qui prend forme en novembre 2013 contre le président Ianoukovitch, avec l’objectif affiché de le renverser, a bafoué – quelle que soit la légitimité de sa cause – toutes les règles démocratiques auxquelles l’Occident se réfère.
    Il a commis une série de transgressions que les politiques et les médias se sont gardés de signaler aux opinions publiques.
    – La « révolution » s’en est prise à un président démocratiquement élu : Ianoukovitch a remporté le scrutin présidentiel de 2010 au terme d’un d’un processus électoral jugé transparent et honnête par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il est donc totalement légitime et légal, quand bien même il est corrompu.
    – Les « révolutionnaires » ont lancé leur mouvement alors que des élections présidentielles devaient avoir lieu en 2015. Cela signifie que si les opposants avaient respecté le jeu démocratique dont ils se réclament, il aurait suffi qu’ils patientent une année avant de renvoyer Ianoukovitch. Or, ils ont préféré renverser illégalement le régime un an avant les élections. C’est là une réaction antidémocratique.
    − Cette « révolution » s’est caractérisée par des actions d’une extrême violence de la part des manifestants, loin de l’image des défilés pacifiques qu’ont véhiculé les médias occidentaux. Rapidement, des armes sont entrées dans le jeu et de nombreux policiers ont été tués par balles.
    La raison en est que les éléments les plus actifs de ce mouvement « révolutionnaire » ont été des groupes ultra nationalistes ultra-radicaux, (miliciens de Pravyi Sektor, de l’UNA-UNSO, de Svoboda, de Tryzub,
    du « Marteau Blanc »,
    − « https://cf2r.org/editorial/ukraine-le-monde-a-lenvers/ »
    Ils étaient particulièrement bien formés et organisés, ce qui leur a permis de faire prisonniers des membres entrainés des forces de l’ordre. C’est donc bien la violence des uns qui l’a emporté sur celle des autres. Or, ces groupes n’ont rien de commun avec nos valeurs européennes d’humanisme, de démocratie et de tolérance et certains de leurs leaders ont intégré le nouveau pouvoir à Kiev. Pourtant l’Occident les a soutenus et continue de le faire…
    − cette « révolution » ne défend que les intérêts d’une partie de l’Ukraine, celle de l’Ouest, pro-occidentale ; elle néglige les voix de ceux qui ont élu Ianoukovitch et qui sont favorables à l’accord commercial avec la Russie. Pire, elle bafoue leurs droits les plus élémentaires. En effet, aussitôt désigné, le nouveau gouvernement provisoire a immédiatement interdit l’usage du russe comme seconde langue officielle de l’Ukraine, alors que près de 30% de la population est russophone (jusqu’à 70% en Crimée). C’est une véritable provocation et une négation du principe de respect des minorités.
    Cette « révolution » présente donc des caractéristiques étonnantes : elle est antidémocratique, elle a été particulièrement violente, elle comprend une importante composante d’extrémistes et est minoritaire dans le pays. Voilà la cause que soutient l’Occident. La « Révolution de Maïdan » a accouché d’un gouvernement auto-proclamé et issu de la rue sans aucune légitimité que celle des chancelleries et des médias occidentaux…
    La crise actuelle est en partie la conséquence d’une volonté de l’Union européenne d’étendre son influence à l’Est et de réduire celle de la Russie sur l’Ukraine. C’est elle qui indirectement allumé le brasier, alors même qu’elle était bien incapable d’offrir à Kiev l’aide financière que les Russes lui proposaient.
    De plus, l’UE a adopté une attitude antirusse sous l’influence de la Pologne et des pays Baltes, qui ont un lourd passif avec Moscou et nourrissent un important ressentiment à son égard. Ces Etats ont contribué significativement au durcissement de positions européennes à l’égard de la Russie, lesquelles ne sont ni dans la tradition ni dans l’intérêt des pays d’Europe de l’Ouest. Rappelons au passage que ces nouveaux entrants d’Europe de l’Est ont suivi aveuglément les Américains dans leur invasion de l’Irak en 2003 et, dans la majorité des cas, préfèrent acheter des armements américains qu’européens. A leurs yeux, le soutien de Washington est plus important que celui de Bruxelles. (a voir)
    A l’occasion de cette crise, l’attitude des pays occidentaux se caractérise par une très forte mise en cause de la Russie, relevant d’un antisoviétisme digne de la Guerre froide.
    Pour l’OTAN, « ce que fait la Russie en Ukraine viole les principes de la Charte des Nations unies. Cela menace la paix et la sécurité en Europe. La Russie doit cesser ses activités militaires et ses menaces », a affirmé, le 2 mars, Anders Rasmussen,
    son secrétaire général.
    L’attitude occidentale semble ne même pas mesurer l’ampleur des ses contradictions :
    – Comment peut-on dénoncer un « coup de force de Poutine » et ne pas condamner le caractère violent de Kiev contre un président élu démocratiquement ?
    – Comment peut-on reconnaître des « droits légitimes » à une partie de la population (Ukraine de l’Ouest) et dénier ces mêmes droits au reste du pays ?
    Force est de constater que les Occidentaux semblent respecter le droit international quand cela les arrangent et le transgressent dès lors qu’il n’est pas favorable à leurs intérêts, en essayant de légitimer leur action par une définition sans cesse fluctuante du « bien » et du « mal ».
    A tous ceux qui s’indignent de la réaction russe, il convient de demander s’ils ont protesté avec la même véhémence :
    − lorsque les Etats-Unis ont illégalement envahi l’Irak, produisant de fausses preuves sur la soi-disant présence d’armes de destruction massive, passant outre le refus de l’ONU et laissant ce pays dans un état catastrophique ?
    – lorsque les Occidentaux, France en tête, ont totalement outrepassé le cadre de la résolution 1973 de l’ONU en Libye, transformant la « protection des populations civiles » en une opération de renversement de Kadhafi, avec le résultat déplorable que l’on sait ?
    − quand Edward Snowden a révélé l’ampleur de l’espionnage international de la NSA américaine et la mise sur écoute de la population américaine ?
    L’Ukraine a bénéficié de l’ assistance du gouvernement américain, comme l’a illustré la visite en Ukraine du directeur de la CIA en avril 2014, John Brennan, ce dont il ne se cachait même pas (https://www.huffpost.com/…/john-brennan-ukraine_n_5147869).
    Mais l’influence américaine dans les affaires intérieures de l’Ukraine a pris une toute autre dimension avec la nomination le 2 décembre 2014 de Natalie Jaresko, ressortissante américaine, au poste de ministre des finances de l’Ukraine. Rien que ça. L’Ukraine avait tout de même pris soin de lui accorder la nationalité ukrainienne le jour de son investiture.
    Le curriculum vitae de cette fonctionnaire américaine née à Chicago peut être consulté en ligne. Entre autres, Madame Jaresko a occupé diverses fonctions au sein du Département d’ État, notamment celle de 1er chef de la section économique de l’ambassade US en Ukraine, de 1992 à 1995. En outre, avant d’être nommée à la tête du ministère des finances ukrainien, Natalie Jaresko occupait le poste de PDG d’un fonds d’investissement, Horizon Capital, qui détenait non moins de 600 millions de $ d’actifs en Ukraine.
    « https://cf2r.org/editorial/ukraine-le-monde-a-lenvers/ » \l « _ftnref1″[1] Lire à ce sujet HYPERLINK « http://www.slate.fr/…/thomas-guenole-et-katerina… »Thomas Guénolé et Katerina Ryzhakova-Proshin « Ukraine: halte au manichéisme ! », Slate.fr, 24 décembre 2013. « http://www.slate.fr/tribune/81479/ukraine-halte-manicheisme »http://www.slate.fr/tribune/81479/ukraine-halte-manicheisme
    « https://cf2r.org/editorial/ukraine-le-monde-a-lenvers/ » Eric Denécé, « Intervention en Syrie : la recherche d’un prétexte à tout prix », Editorial n°32, septembre 2013, « https://cf2r.org/ »www.cf2r.org
    « https://cf2r.org/editorial/ukraine-le-monde-a-lenvers/ » Eric Denécé, « La dangereuse dérive de la « démocratie » américaine », Editorial n°31, août 2013, « https://cf2r.org/ »www.cf2r.org
    « https://cf2r.org/editorial/ukraine-le-monde-a-lenvers/ » \l « _ftnref6″[6] Le 8 février 1976, un référendum est organisé à Mayotte, pour le rattachement de l’île à la France. L’ONU considère ce référendum de 1976 comme nul et non avenu, et condamne la violation de l’intégrité territoriale des Comores et demande à la France de quitter Mayotte. http://www.comores-actualites.com/…/la-crimee-est…/?
    « https://cf2r.org/editorial/ukraine-le-monde-a-lenvers/ » \l « _ftnref7″[7] Hubert Védrine « Cinq propositions pour sortir de la crise ukrainienne », Rue 89, 8 mars 2014.
    « http://rue89.nouvelobs.com/…/hubert-vedrine-cinq… »http://rue89.nouvelobs.com/…/hubert-vedrine-cinq…
    Enfin, il faut rappeler qu’en France le journaliste Renaud Girard est revenu sur la révolution ukrainienne de 2014. Et a déploré la gestion de Laurent Fabius.
    « Personne n’a compris ». « Il y a eu une erreur terrible de Laurent Fabius le 21 février 2014 lorsqu’il quitte « https://www.europe1.fr/…/Ukraine-affrontements… » Kiev (la capitale ukrainienne alors en proie à des émeutes entre la police et des manifestants pro-européens contre le gouvernement pro-russe) pour aller en Chine. Personne n’a compris ce voyage alors que ses homologues allemand et polonais négociaient et allaient obtenir un accord historique entre le président pro-russe Viktor Ianoukovitch et les trois leaders de l’opposition. Il y a eu un manque diplomatique terrible », commente le journaliste.
    La crise puis la guerre civile en Ukraine sont donc issues d’une succession d’événements malheureux, totalement imprévisibles, comme on peut le voir souvent dans l’histoire. En revanche, la diplomatie européenne n’a pas été très bonne au début et au milieu de cette crise. Lorsque ce partenariat a été proposé à l’Ukraine, il aurait fallu qu’une grande figure politique de l’UE tienne un discours solennel pour dire qu’il était offert dans les mêmes termes à la Russie. On a préféré laisser les bureaux de Bruxelles gérer cette question et c’est une erreur.
    Plus précisément :
    Le mercredi 19 février 2014, est organisé une rencontre entre François Hollande et Angela Merkel à Paris. Les gens ont commencé à se tirer dessus à Kiev. Pour arrêter le bain de sang, le président français et la chancelière allemande décident d’y envoyer les chefs de leur diplomatie. Le lendemain, Fabius et Steinmeier s’arrêtent à Varsovie, récupèrent Sikorski et se rendent en Ukraine. Sur place, tout le monde est au courant que des discussions ont commencé avec Ianoukovitch et les leaders de l’opposition. Ce simple fait va faire cesser les tueries. C’est déjà un succès considérable ! La négociation se poursuit toute la nuit, elle est très dure. Le vendredi 21 février 2014, la troïka européenne obtient brillamment un accord politique intra-ukrainien.
    Ce jour là, on a vu, vers cinq heures de l’après-midi, Arseni Iatseniouk, Oleh Tyahnybok et Vitali Klitschko serrer la main du président prorusse Ianoukovitch. Hélas, de façon incompréhensible, les ministres européens n’ont pas su protéger cet enfant du miracle. Ils sont partis !
    Quand vous obtenez un succès aussi phénoménal que l’accord du 21 février, il faut le « baby-sitter ». Je vous rappelle que l’accord prévoyait, notamment, un changement de constitution, des élections anticipées et un gouvernement d’union nationale.
    Plus tard dans la nuit, les ministres européens étant rentrés chez eux, les trois leaders de l’opposition, après avoir été hués par la foule du Maïdan, ont renié leur signature. Le président Ianoukovitch a pris peur, il a quitté Kiev pour Kharkov.
    On dit qu’il s’est enfui mais le terme est péjoratif. La constitution de l’Ukraine n’a jamais interdit au président de voyager où bon lui semble. Il aurait même pu passer un mois de vacances à Bali, ce n’était pas inconstitutionnel pour autant. Quand ‒ alors qu’il est destitué le lendemain de son départ de Kiev ‒ les Russes parlent d’un coup d’État, ils ont quand même matière à le faire, puisque rien n’interdisait à Ianoukovitch de se déplacer. Et puis, le dimanche suivant, la Rada (le parlement ukrainien, n.d.l.r.) procède à ce vote scélérat qui revient sur la reconnaissance du russe comme seconde langue officielle des régions orientales de l’Ukraine. Et les ministres européens ne sont plus là… C’est une grande faute diplomatique, qui va être enseignée dans les académies du monde entier selon Renaud Girard du Figaro.
    L’ancien ministre des Affaires étrangères sous Jacques Chirac, Hubert Védrine considère que les « torts sont partagés » entre l’Occident et la Russie dans le contexte diplomatique actuel.
    « On est arrivé, par une série d’étapes déplorables, à la situation actuelle », explique l’ancien ministre. Avant d’expliquer : « Quand je dis que les torts sont partagés, c’est à-propos de l’attitude de l’Occident par rapport à la Russie, d’après l’URSS. Il y a eu une série d’actes du côté américain, une sorte de mépris. Il y a eu une volonté de l’Union européenne de couper l’Ukraine de la Russie et également beaucoup de choses à reprocher du côté russe ».
    et nous voici en 2022.
    Libération
    Le Monde
    Franceinfo

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