L’Ukraine, une béquille pour l’Otan.

Personne, en dehors de l’administration US, de ses affidés (Otan) et de ses actionnaires (le complexe militaro-industriel), ne croit un mot du narratif selon lequel la Russie s’apprêterait à envahir l’Ukraine. Et tout le monde, hors les mêmes, voit qu’il s’agit ici d’une manœuvre de l’administration Biden, aux abois face aux sondages catastrophiques et aux prochaines élections de mid-term, pour détourner l’attention sur le bouc émissaire traditionnel, Poutine.

C’est ici que s’envolent les derniers lambeaux du mythe d’un retour à la rationalité politique via le camp Démocrate matérialisé par Joe Biden. Les démons qui agitent l’establishment américain, qu’il soit bleu ou rouge, sont indéboulonnables même si certains tentent de s’y attaquer.

Au cœur de l’Empire.

Obama avait tenté une résolution de conflit en pactisant avec l’Iran, mais il avait néanmoins signé la prolongation du Patriot Act et couvert les agissements illégaux de la NSA. Il avait suivi Sarkozy dans la chasse au Kadhafi, pour ensuite s’en mordre gravement les doigts mais, trop tard (1). Il avait tenté une distanciation avec les saboteurs moyen-orientaux que sont toujours Israël et l’Arabie saoudite, mais les évangélistes associés aux sionistes corrompus ont simplement attendu que l’orage passe.

Trump avait tenté l’option inverse avec la fermeture diplomatique et le retrait de toutes les guerres impérialistes, inutiles mais tellement rentables. Il a néanmoins cimenté l’axe US-Israël-Arabie contre l’Iran du fait de la présence prédominante des évangélistes sionistes dans son administration, présence symbolisée par son propre beau-fils, Jared Kushner, en charge de la politique US au Moyen-Orient (2).

Biden n’a pas choisi d’aller à l’encontre de la décision de retrait d’Afghanistan décidée par Trump, acceptant ainsi de subir l’ignominie d’une défaite majeure de l’Empire. Il lui fallait bien se refaire quelque part, et l’Ukraine pourrait en être l’endroit.

L’Ukraine, une situation en voie de pourrissement depuis les fausses promesses et les accords non respectés par les Occidentaux mais, surtout, depuis février 2014 et la révolution dite de Maïdan.

Otan et Russie, la descente aux enfers.

Pour rappel, Maïdan se termina sur la destitution du régime pro-Russe de Victor Ianoukovytch au profit d’un régime pro-Occidental, dont le président Zelensky est l’avatar actuel. Le mois suivant, en mars 2014, les Russes réintégraient de force la Crimée dans la Russie, tout comme Catherine II l’avait fait en 1783 à l’époque des Tatars.

La justification russe: la demande d’intégration de l’Ukraine à l’Otan, datant de 2010 et faisant suite à la déclaration de l’Otan à Bucarest en avril 2008 (ouvrant la porte de l’Otan à l’Ukraine et à la Géorgie), participe de l’encerclement de la Russie et pose une menace pour sa sécurité.

La guerre menée par la Russie en Géorgie, en août 2008, fut la conséquence directe de cette déclaration. Il s’agissait de signaler l’inacceptabilité, pour les Russes, de la présence de l’Otan sur l’ensemble de ses frontières occidentales.

Pour Poutine, le coup d’Etat pro-occidental de février 2014 pose un risque existentiel à son énorme base navale de Sébastopol, en Crimée donc, qu’il doit alors sécuriser via une annexion définitive. Au même moment, les séparatistes pro-Russes du Dombass se soulèvent contre le nouveau régime ukrainien pro-occidental, et avec l’aide non-officielle des Russes se constitue ainsi une zone tampon à l’ouest de la frontière russe.

En juillet 2014 les passagers du vol MH-17 font les frais de la situation, leur avion abattu au-dessus du Dombass. L’Occident accuse évidemment ent les séparatistes pro-Russes, donc les Russes, pour un événement qui reste non résolu malgré un vaste effort mené par les Néerlandais, et un exemple de la guerre de désinformation menée par les deux camps (3).

Le Dombass est censé devenir une zone semi-autonome et démilitarisée dans le cadre des accords de Minsk de septembre 2014 (4). Ceci ne marche pas, le cessez-le-feu n’est pas respecté, d’où les accords de Minsk II de février 2015 (5). Ni l’Otan en tant que tel, ni les US ne s’impliquent dans ces deux accords qui relèvent d’initiatives européennes avec Russes et Ukrainiens.

Minsk II ne fonctionne guère mieux, et le statu quo se maintient vaille que vaille. Il est relancé en 2019 suite à l’élection de Zelensky, ex-humoriste très populaire qui veut pacifier la situation au Dombass, quitte à accepter certaines concessions face à Moscou.

Fin 2019 Emmanuel Macron constate, dans un rare éclair de lucidité, qu’au terme de 70 ans d’existence l’Otan est “cérébralement mort”. Il a raison, et en termes militaires comme en termes sanitaires (6), toute institution ayant dépassé sa limite d’utilité devient une menace pour ceux et celles qu’elle est censée protéger:

Toute institution devenue trop puissante et faisant vivre trop de gens bénéficiant de grands privilèges, face à la prévisible disparition de son objet, cherche à reconstruire les conditions qui la rendront à nouveau essentielle aux yeux de ceux et celles qui la financent. Dans le cas de l’OTAN la disparition de la menace soviétique fut une catastrophe et l’institution s’est, depuis lors, attachée à reconstruire une menace russe qu’elle espère aujourd’hui étendre à la menace chinoise et iranienne.

https://zerhubarbeblog.net/2019/12/03/otan-en-emporte-le-vent/

Le mirage ukrainien d’une toute-puissance américaine.

Ce qui nous amène à l’imposture actuelle où l’Otan, tel un poulet sans tête, court partout en battant des ailes et en giclant du sang pour le plaisir pervers de l’administration Biden. Les Russes ont des troupes sur leur frontière occidentale, la belle affaire. Cette frontière qu’on leur avait promise, à l’époque de Elstine, ne pas transformer en avant-poste de l’Otan afin de préserver l’équilibre sécuritaire.

Un missile occidental installé au Dombass met quatre minutes pour atteindre Moscou. On se souviendra du foin qu’avait fait Kennedy lors des installations de missiles soviétiques à Cuba: une telle menace n’est pas acceptable pour une grande puissance, tout le monde le sait, et y aller quand même relève de la pure provocation.

En Ukraine, le président Zelensky en appelle à la solidarité européenne mais, aussi, au calme face à la justification russe disant qu’elle masse ses troupes afin de contrer une éventuelle attaque ukrainienne dans le Dombass. Zelensky assure qu’il n’en est rien.

Le chef de la sécurité ukrainienne, Oleksii Danilov estime que la situation est totalement sous contrôle et qu’il n’y aurait aucune raison de s’inquiéter. Ce dernier a par ailleurs avec la collaboration de ses services de renseignements, déclaré qu’il n’y a aucun élément prouvant la préparation d’une attaque de grande envergure, bien que les troupes russes soient en mouvement.

https://parc-haute-borne.fr/rivalite-russie-ukraine-volodymir-zelensky-appelle-lunion-europeenne-a-rester-solidaire-avec-son-pays/

De son côté le Washington Post, journal dit de référence généralement pro-Démocrates, dénonce l’hystérie ambiante et les claquements de poitrine de l’administration Biden: “This is nuts!“:

Comme je l’ai dit : Conneries. Alors que les États-Unis ont désespérément besoin de concentrer leur attention et leurs ressources sur les défis posés par la pandémie, les inégalités économiques débilitantes, les graves divisions raciales et le changement climatique catastrophique, et que l’administration se positionne pour affronter la Chine, la dernière chose dont nous avons besoin est une guerre par procuration ou, Dieu nous en garde, directement avec les Russes au sujet de l’Ukraine.

https://www.washingtonpost.com/opinions/2022/01/18/stumbling-toward-war-over-ukraine-is-nuts/

Le journal constate l’arrogance US qui impose des règles qu’elle ne s’applique pas à elle-même, qui vit du commerce des armes, et qui n’arrive pas à accepter que le temps béni où elle était la seule superpuissance est révolu. En effet, mais l’Histoire récente nous montre à quel point les crétins planqués à la Maison Blanche et au Pentagone se foutent du réel: seuls comptent le pouvoir et le fric.

Ce sont les mêmes, bien sûr, qui parlent de “guerre contre le virus” tout en finançant la recherche sur les gains de fonction, les mêmes qui utilisent la situation pour maximiser la richesse de leurs amis aux dépens de l’ensemble de la population (7). Se débarrasser définitivement de cette engeance, là-bas comme ici, devrait être la priorité des peuples encore conscients.

Nous n’en sommes malheureusement pas là, bien au contraire, la puissance de ces cliques mafieuses ne faisant que s’étendre grâce à la marée montante des crises sociales, sanitaires, écologiques et géostratégiques qui justifient toutes sortes de mesures anti-démocratiques, genre états d’urgence, et le libre champ aux grands prédateurs au nom de “l’efficacité” (8).

Un jeu dangereux mené par une poignée de débiles.

J’ignore évidemment la suite sur le front ukrainien. Jusqu’où les débiles otanesques vont-ils pousser le bouchon, à quel moment Poutine pourrait décider de mener une contre-offensive combinée avec la Chine pour casser les reins de l’Otan, sont des questions dont les réponses se préparent dans le huis-clos des war rooms.

La seule certitude est que l’hypocrisie est bien plus présente que le courage, et que le vassal local des Américains, Boris Johnson, s’il envoie effectivement en Ukraine quelques tonnes de matériel militaire déclassé, a bien précisé qu’il n’était pas question d’aller se battre “en vrai” sur le front Russe. D’autres ont essayé, et… bof.

Une hypocrisie qu’un courageux militaire, de surcroit chef de la Marine allemande, dénonçait récemment lors d’une réunion en Inde:

Le chef de la Marine allemande, Kay-Achim Schönbach, a démissionné de ses fonctions après des propos controversés sur la crise en Ukraine, a annoncé, samedi 22 janvier, un porte-parole du ministère de la Défense.

Le vice-amiral, qui avait, entre autre, qualifié d’ineptie l’idée que la Russie veuille envahir l’Ukraine, va quitter ses fonctions “avec effet immédiat”, a précisé le porte-parole à l’AFP. 

Ce que Vladimir Poutine veut, “c’est être respecté”, a déclaré ce militaire, selon une vidéo circulant sur internet, filmée lors d’une réunion d’un groupe de réflexion qui s’est tenue vendredi, à New Delhi.

“Il est facile de lui accorder le respect qu’il veut, et qu’il mérite aussi probablement”, a-t-il ajouté. L’idée que la Russie veuille envahir une partie de l’Ukraine serait selon lui “une ineptie”.

https://www.france24.com/fr/europe/20220122-crise-en-ukraine-le-chef-de-la-marine-allemande-d%C3%A9missionne-apr%C3%A8s-des-propos-controvers%C3%A9s?fbclid=IwAR2KsstlVOcIgQZkjFSiW5X9g1sh23HD7ypnj88Q7gzeyMgjRGiy1Zdejhg&ref=fb_i

Si les gens intelligents démissionnent face aux cons, il finit par ne plus rester que les cons, et c’est bien ce que l’on constate, à tous niveaux.

En conclusion, voici l’émission Interdit d’interdire du 19 janvier, traitant avec lucidité de la crise ukrainienne:

Liens et sources:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2015/02/13/rafales-pour-le-caire-la-libye-fumeux/

(2) https://zerhubarbeblog.net/2017/05/23/trump-larabie-et-la-connexion-juive/

(3) https://zerhubarbeblog.net/2020/01/27/mh-17-guerre-de-desinformation/

(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Protocole_de_Minsk

(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Minsk_II

(6) https://zerhubarbeblog.net/2020/09/18/ivan-illich-et-la-fin-de-lhumain-singulier/

(7) https://zerhubarbeblog.net/2022/01/19/les-abus-criminels-de-la-vaccination-covid/

(8) https://zerhubarbeblog.net/2022/01/17/macron-et-la-politique-du-pire-quoi-quil-nous-en-coute/

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

12 réponses

  1. Poutine ce matin, au début de l’opération militaire en cours :

    “”Nous nous efforcerons d’arriver à une démilitarisation et une dénazification de l’Ukraine”, a déclaré l’autocrate russe. “Nous n’avons pas dans nos plans une occupation des territoires ukrainiens, nous ne comptons imposer rien par la force à personne”, a-t-il assuré, appelant les militaires ukrainiens “à déposer les armes”.”

    Vu la taille de l’Ukraine, il semble évident que les Russes n’ont pas les moyens matériels d’occuper longtemps un tel pays, surtout sa partie ouest pro-Europe. Par contre la destruction des infrastructures militaires ukrainiennes semble en cours.

    Lorsqu’il parle de denazification, il entend sans doute la mouvance d’extrême-droite “Svoboda” et “Secteur droit” qui furent influents lors de la révolution de Maidan, mais sont aujourd’hui assez loin du pouvoir politique. Reste que, dans le narratif Russe, les maîtres post-2014 de l’Ukraine sont des nazis.

    L’Occident, qui avait en grande partie avalisé les attaques et invasions contre l’Afghanistan, l’Irak, la Libye ou la Syrie, est sous le choc : comment, d’autres que nous s’arrogent ce même droit, et au nom des mêmes raison, la “sécurité nationale “?

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