Ukraine: Rencontre entre Sergueï Lavrov et Antonio Guterres à Moscou.

Conférence de presse, aujourd’hui, suite à la rencontre entre Sergueï Lavrov et Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies. Une conversation qui semble ne pas s’inspirer des habituelles postures martiales débilo-hystériques du “camp du bien”, notamment représenté par Ursula von der Leyen, Joe Biden et Emmanuel Macron, au profit de questions de fond face à la réalité du monde.

Plusieurs flux vidéos couvrent cette rencontre, je publie ici le live (en traduction anglaise) et le résumé de France24.

Des positions claires sur l’Ukraine.

La situation est en fait très claire: Guterres appelle à la création, en partenariat avec la Russie et l’Ukraine, de réels corridors humanitaires afin d’extraire les civils des zones de combat, et y apporter les aides humanitaires nécessaires.

Il insiste sur le poids que fait peser cette guerre sur la population ukrainienne, mais également sur celle de la Russie, et sur les populations à risques de part le monde en matière de sécurité alimentaire et énergétique.

Lavrov, de son côté, partage l’appel pour ces corridors humanitaires, faisant porter la responsabilité de leur inexistence sur les Ukrainiens et, spécifiquement, sur Zelensky et les bataillons “néo-nazis” qui utilisent les civils comme boucliers.

Il conditionne évidemment la fin des hostilités à l’accomplissement de la mission de protection des républiques indépendantes du Donbass, et c’est là où cela devient intéressant: Lavrov débute son intervention en rappelant la centralité de la Charte des Nations Unies dans le vivre-ensemble international, une Charte basée sur un monde multipolaire où chaque Nation est reconnue en tant qu’entité indépendante. Mais, une Charte jetée aux orties par les puissants dès lors qu’elle ne correspond pas à leurs intérêts (1).

Il vise là les USA et leurs alliés, et fait référence aux abus de pouvoir des mêmes dont nous sommes témoins depuis bientôt trente ans, depuis la chute du Mur. Il est évident que les résolutions de l’ONU sont appliquées, ou pas, en fonction des intérêts des USA et de leurs amis.

Reconnaissance de la faillite des accords de Minsk.

Il en prend pour exemple les accords de Minsk qui, sous l’égide du “format Normandie” soit la France et l’Allemagne, signés en 2014, devaient garantir la sécurité des provinces indépendantistes du Donbass.

Ce qui ne fut pas le cas et, pour le régime russe, ce qui légitime aujourd’hui leur “opération militaire spéciale”. Guterres reconnait alors la faillite de cet arrangement, et regrette que se soit sous ce format, et non sous l’égide des Nations Unies, qui furent signés ces fameux accords.

Guterres estime que l’ONU aurait pu les faire appliquer, et même s’il insiste sur le fait que ce sont aujourd’hui des chars russes qui envahissent l’Ukraine, il reconnait entre les lignes que la non application des accords de Minsk pèse lourd dans la situation actuelle. Ce à quoi acquiesce Lavrov.

Un échange sur l’avenir de l’ONU.

Cette conférence de presse pose précisément les termes du débat: quelles sont les règles, et qui les applique. Sergueï Lavrov en appelle au respect de la Charte et de l’application de ses résolutions. Il veut que le Conseil de sécurité des Nations Unies intègre les voix de l’Asie, de l’Inde, de l’Afrique et de l’Amérique latine. Il en appelle, enfin, à remplacer la culture actuelle du véto au sein du petit groupe des membres permanents de ce Conseil, par une approche visant un consensus plus large.

Guterres reconnait, de son côté, que ce pouvoir de véto est utilisé de manière parfois abusive, loin de son objectif initial d’éviter une nouvelle guerre mondiale en cas de désaccord. Il doute d’une possible réforme à ce niveau, mais est tout à fait ouvert à un élargissement, notamment vers l’Afrique.

Ce genre d’échange laisse espérer que tous les responsables politiques ne sont pas fous, séniles ou ineptes, et qu’il est encore possible d’avoir des discussions intelligentes sur des sujets qui concernent, directement, des centaines de millions de gens.

Nihilisme et hypocrisie occidentale.

Les signes les plus flagrants de la bêtise occidentale sont l’effet boomerang des sanctions, et la livraison massive d’armes lourdes à l’Ukraine. Non seulement les sanctions mettent en danger la sécurité alimentaire et énergétique des populations concernées (dont nous), mais envoient dans les bras de la Chine la majorité des pays qui se sentent dorénavant menacés par la brutalité occidentale en matière de gel des actifs en dollars et euros.

A tel point que même Israël, pourtant allié indéfectibles des USA, intègre désormais le Yuan chinois dans ses réserves, par mesure de précaution (2). En effet, alors même que les USA / Europe ne sont pas techniquement en guerre contre la Russie vu que l’Ukraine n’est pas dans l’Otan, ces mesures punitives financières sont des vraies mesures de guerre, totalement hors-la-loi car une prédation sur des fonds souverains.

Le rouble russe, que Biden et ses acolytes veulent détruire et que le premier reléguait, voici quelques jours, au statut de “rubble” (gravats), se porte en fait très bien. La décision russe, après avoir amassé des stocks d’or au fil des ans, de mettre aujourd’hui un plancher au prix de l’or (5000 roubles par gramme) permet de soutenir cette monnaie, mais c’est surtout l’obligation désormais faite aux pays clients qui se comportent en adversaires (et notamment l’Europe) de payer leur gaz en roubles, qui change la donne.

Une donne qui arrange pour l’instant les USA, qui désormais nous vendent à prix d’or leur gaz de schiste sous forme liquéfiée, transporté à grands frais (et très écologiquement bien sûr) par méthaniers, mais qui va finir par se retourner contre eux car les prix vont encore grimper, et le citoyen américain va peut-être commencer à se poser des questions.

La livraison d’armes, dont des chars, obusiers et avions de combat, ne sert évidemment que les intérêts des fabricants d’armes, dont les juteuses rétrocommissions ne manquent sans doute pas de ruisseler vers les bonnes personnes – dont Zelensky, dont on a un peu vite oublié la présence au sein des Panama Papers.

Ces livraisons visent à faire durer la guerre le plus longtemps possible, d’abord au prix du sang des ukrainiens, et montrent à quel point nous sommes sous l’emprise de dangereux psychopathes dont, et c’est un peu surprenant, le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz.

Construction d’un crash économique.

Tout ceci nourrit une inflation galopante (l’inflation réelle est aujourd’hui à deux chiffres) que les mesurettes des banques centrales, ces petites hausses des taux directeurs, auront bien du mal à juguler. Le piège tendu depuis plus de dix ans, et accéléré sous couvert du “quoi qu’il en coûte” covidien grâce à la planche à billets, se referme.

Si les banques centrales ne font rien c’est une inflation explosive qui détruira l’économie. Si elles montent fortement leurs taux pour juguler l’inflation, c’est un crash fiscal du fait du très fort endettement de la plupart des pays, qui sacrifieront leurs économies pour rembourser leurs dettes. Ou pas, mais là on rentre en territoire inconnu.

Fallait y penser avant mais, pour paraphraser Jacques Brel, “chez ces gens-là on ne pense pas, on dépense l’argent des autres”. Et les vies.

Liens et sources:

(1) https://zerhubarbeblog.net/2022/03/01/ukraine-le-retour-du-baton/

(2) https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-04-20/israel-adds-yuan-to-206-billion-reserves-in-philosophy-change

A propos Vincent Verschoore

Animateur de Ze Rhubarbe Blog depuis 2008.

8 réponses

  1. Isabelle Brunier

    Tellement plus efficace de débattre, de respecter les positions même divergentes! et de rechercher une solution.
    Merci de votre billet.

  2. Merci pour ces précisions. Remarque, chez France 24 ils embauchent des journalistes qui ont trouvé leur bac dans une poubelle ? Elisabeth Allain parlait des “exercices navaux menés par les japonais…

  3. Le président russe Vladimir Poutine a accueilli le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres au Kremlin mardi pour des entretiens tournant autour de la crise ukrainienne. Les deux hommes ont discuté de la situation sur le terrain, Poutine expliquant au chef de l’ONU les raisons pour lesquelles la Russie a lancé son opération militaire contre le pays voisin fin février.
    La décision de Moscou de reconnaître les républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk s’appuie sur le précédent du Kosovo, établi par un tribunal soutenu par l’ONU, a déclaré M. Poutine à M. Guterres. Ces républiques sont apparues après que les habitants de l’est de l’Ukraine ont rejeté le Maïdan de 2014 soutenu par l’Occident, a-t-il expliqué.

    Lire la suite
    https://arretsurinfo.ch/poutine-dit-au-chef-de-lonu-que-le-kosovo-a-cree-un-precedent-pour-le-donbass/

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